Posté le 28 avril 2009
par La rédaction
dans Environnement
[Interview] Dusan Sekulic
Une étude américaine portant sur tout un éventail de procédés de fabrication dresse un rapport alarmant de l'utilisation de l'énergie et des matières premières dans les nouvelles industries. Dusan Sekulic, co-auteur de l'étude, tire la sonnette d'alarme.
D’après cette étude, les industries les plus récentes consomment entre 1.000 et 1.000.000 fois plus d’énergie que les industries traditionnelles. Avez-vous été surpris par ces résultats ?
Dusan Sekulic : Dans la conversation de tous les jours, nous utilisons le mot « énergie » dans son acception large. Mais pour un scientifique, il faut faire attention à distinguer « énergie » et « ressources énergétiques ». Le point important pour nous n’est pas seulement la quantité d’énergie consommée au final mais également l’efficacité énergétique des ressources utilisées, c’est-à-dire quel pourcentage est perdu.D’autre part, nous prenons en compte les différences de magnitude dans l’utilisation des ressources énergétiques par unité produite. De ce point de vue, nous devons bien faire la différence entre la consommation totale des ressources énergétiques et les ressources énergétiques spécifiques nécessaires pour obtenir le résultat voulu par unité d’un produit/service. Cette consommation énergétique spécifique peut être spectaculairement plus importante pour les industries de pointe modernes que pour les industries traditionnelles.Mais ce n’est qu’un aspect. Il nous faut regarder le cycle de vie complet du produit dans un contexte de développement durable. Un certain produit peut sembler « meilleur marché » en termes de ressources énergétiques consommées au cours de son processus de fabrication, si nous nous arrêtons là. Mais si nous regardons plus loin, nous pouvons également inclure la qualité du produit, ses bénéfices non matériels comme sa capacité à nous rendre heureux, qui sont des critères importants mais non exclusifs de développement durable. Mais ce qu’il faut prendre avant tout en compte, c’est sa consommation des ressources (énergie et matériaux) au cours de son cycle de vie. Pour répondre à la question, non, nous n’avons pas été surpris par ces différences. Elles sont simplement la conséquence de la demande pour un certain produit, en fonction de l’état actuel des connaissances et de l’état de l’art. Autrement dit, nous fabriquons parfois « au-delà de nos moyens », de la même façon que d’autres utilisent leur carte de crédit. Mais nous sommes ensuite « taxés » lourdement par les lois de la Nature qui nous obligent à payer le prix fort en terme de consommation des ressources énergétiques. Ce qui est surprenant, c’est que les gens prêtent en général toujours attention à l’utilité du produit et non au prix que nous devons tous payer pour l’obtenir, à savoir l’appauvrissement des ressources. Ainsi, nous consommons aujourd’hui nos ressources comme si nous étions persuadés qu’il n’y aura pas de meilleur moyen ou de moyen plus efficace de les utiliser dans le futur.
Ces résultats remettent-ils en question la quête d’efficacité énergétique au 21ème siècle ?
C’est une question difficile. Dans la mesure où pour certains procédés de fabrication indispensables, nous n’avons pas actuellement de meilleure alternative, l’inefficacité doit de façon surprenante être la règle. D’autre part, lorsque nous parlons d’améliorer l’efficacité énergétique d’une technologie donnée, nous devons accepter que ces progrès soient progressifs, et non pas spectaculaires. Des bonds technologiques radicaux sont également essentiels. Mais il faut faire attention à ne pas surestimer le rôle des nouvelles technologies « en attente d’être découvertes ». La Nature impose certaines limites concernant toute ressource d’énergie et de matériaux. Nous espérons résoudre les problèmes mondiaux de développement durable en utilisant les nouvelles technologies. Toutefois, à la fin de la journée, ce qui compte c’est la consommation et/ou l’impact total des ressources. Les grandes avancées dépendent des petits pas à l’échelle locale et c’est la raison pour laquelle nous devons nous efforcer d’améliorer nos procédés/technologies lorsque cela est possible.
Suite à votre étude, que recommandez-vous pour réduire les coûts de production en termes de ressources énergétiques ?
Certaines personnes excessivement optimistes pensent que les technologies du futur pourront résoudre tous les problèmes liés au développement durable. Il est vrai que le progrès technologique est important pour atteindre nos objectifs mais les nouvelles technologies ne seront jamais une solution suffisante en soi. Nous croyons qu’il est utile d’établir de façon rigoureuse les limites imposées par les lois physiques pour atteindre l’efficacité énergétique des processus et des produits. Identifier les limites réelles aux progrès futurs des technologies à venir est l’une des façons par lesquelles la science peut nous aider à nous concentrer sur les opportunités les plus réalistes dans lesquelles les nouvelles technologies peuvent faire la différence. Cette vision théorique a deux implications importantes. La première met l’accent sur le gaspillage de la consommation énergétique des technologies et des comportements humains actuels. Bien que le progrès humain ne peut pas et ne doit pas être bridé par une régulation imposée, il est crucial d’être conscient de l’impact et des conséquences d’un développement sans limites. La seconde est que c’est une illusion de croire que nous pouvons produire du nouveau capital pour remplacer le capital naturel épuisé. La solution de la facilité est un leurre. En savoir plusDusan Sekulic est professeur dans le département de construction mécanique de l’Université de Kentucky
Environ. Sci. Technol., 2009, 43 (5), pp 15841590 DOI:10.1021/es8016655 Publication Date (Web): January 29, 2009
Posté le 28 avril 2009
par La rédaction
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