Les néonicotinoïdes bientôt interdits ?Deux amendements visant à restreindre l'usage des insecticides néonicotinoïdes ont été adoptés le 19 mars à l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité.
L’amendement n°1077, présenté par les écologistes, va permettre de soutenir « prioritairement les projets de groupements d’intérêt écologique et économique ou les projets territoriaux visant la suppression des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes » dans le cadre du plan Ecophyto 2. L’amendement n°754, présenté par les députés socialistes Gérard Bapt et Delphine Batho stipule que « l’usage des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes est interdit à compter du 1er janvier 2016 » en France.
L’adoption s’est faite contre l’avis du Gouvernement, défavorable au motif notamment que « le cadre européen ne permet pas une interdiction stricte », selon la ministre de l’écologie, Ségolène Royal. Cela est confirmé par Maître Bernard Fau, Avocat à la Cour de Paris et Avocat de l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF), pourtant favorable à l’interdiction des néonicotinoïdes. Selon lui, « du point de vue juridique, c’est une position qui est difficilement tenable, parce que les décisions d’interdiction ne peuvent pas se prendre de cette manière, sur un amendement présenté au Parlement Français ».
Si cet amendement venait à être voté tel quel au Sénat, les apiculteurs craignent la mise en place de dérogations qui, encore une fois, videraient la loi d’une application efficace sur le terrain. Mais l’avenir de l’amendement n°754 est déjà sérieuresement menacé au Sénat. Le 4 février 2015, le Sénat rejetait une proposition de résolution demandant au Gouvernement d’ « agir auprès de l’Union européenne pour une interdiction de toutes les utilisations des pesticides néonicotinoïdes en Europe tant que les risques graves pour la santé humaine, animale et l’environnement ne seront pas écartés ». Cette proposition avait été rejetée par 248 sénateurs sur 312 suffrages exprimés.
Lors de l’examen de cette proposition au Sénat, le ministre Stéphane Le Foll a défendu son opposition à cette résolution. Il a notamment rappelé qu’une restriction d’utilisation existait déjà au niveau européen pour 3 substances néonicotinoïdes pour toutes les cultures attractives pour les abeilles. « Elles ne peuvent plus être utilisées en période de floraison. Pour les cultures restantes et pour les céréales à paille, les semis ne peuvent pas se faire à la période de forte activité des abeilles», a rappelé Stéphane Le Foll. L’interdiction de semer ces semences enrobées a lieu de Janvier à Juin.
Une interdiction partielle au niveau européen sur 3 néonicotinoïdes
Le règlement européen 485/2013 interdit partiellement l’utilisation de 3 néonicotinoïdes – imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame – en Europe depuis décembre 2013. Il restreint l’utilisation de ces néonicotinoïdes à l’enrobage de semences des céréales d’hiver uniquement et à la pulvérisation après la floraison des cultures attractives pour les abeilles. Cinq autres néonicotinoïdes restent néanmoins actuellement autorisés en France.
Ce réglement prévoit la réévaluation des données disponibles d’ici décembre 2015. L’EFSA doit lancer prochainement un « appel à données scientifiques ». « Les chercheurs indépendants, les ONG, les associations d’apiculteurs et les industriels vont pouvoir envoyer les données sur la toxicité des néonicotinoïdes sur les abeilles, les abeilles solitaires et les pollinisateurs », détailleMartin Dermine, Coordinateur abeille pour l’association PAN EUROPE (Pesticides Action Network – Europe). Le nouvel avis de l’EFSA devrait être publié début 2016. Sur la base de cet avis, la Commission européenne décidera ou non de revoir l’’interdiction des 3 néonicotinoïdes.
Suite à une multiplication des facteurs portant atteinte aux abeilles (apparition des insecticides néonicotinoïdes et du fipronil, de parasites, de prédateurs, développement de la monoculture, réchauffement climatique, etc.), les mortalités observées dans les ruchers sont passées de 5 % dans les années 1990 à plus de 30 % aujourd’hui. Les rendements de miel par ruche sont significativement réduits, faisant passer la production nationale de 32 000 tonnes en 1995 à 10 000 tonnes en 2014. Plusieurs études scientifiques indépendantes montrent pourtant que les néonicotinoïdes n’augmentent pas notablement les rendements.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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