Le marché du véhicule autonome prend doucement forme. Les navettes, en cours d’expérimentation depuis quelques années, devraient trouver peu à peu leur place sur les routes françaises.
L’étude sur le marché des “robotaxis” du cabinet PwC publiée en mars 2019 prévoit un développement important des véhicules partagés à la demande – la MaaS, pour “mobilité en tant que service”. Le cabinet estime que ce marché devrait représenter 1 400 milliards de dollars d’ici 2030, réparti entre les trois grandes zones géographiques que sont les Etats-Unis (250 milliards), l’Union européenne (451 milliards) et la Chine (656 milliards). Le marché européen des véhicules partagés à la demande augmentera de 25 % entre 2017 et 2030. À cette date, la MaaS pourrait représenter 22 % du chiffre d’affaires de l’industrie et 30% de ses bénéfices (contre respectivement 38% et 26% pour les véhicules neufs). Les premiers véhicules autonomes de niveau 4 seront déployés dans des cas précis à partir de 2021.
Selon les experts du cabinet, “c’est avant tout la politique plus que la technologie qui donnera le rythme du changement : les gouvernements ont beaucoup à perdre en Occident (taxes sur les carburants, emplois dans le secteur manufacturier) et beaucoup à gagner en Orient (réduction du smog [nuage de pollution atmosphérique, ndlr], leadership des technologies de batteries).”
2019, une année d’expérimentations
Dans la MaaS, on retrouve les navettes autonomes dont de nombreuses expérimentations ont débuté en 2019 en France. En janvier par exemple, l’agglomération lyonnaise a accueilli l’expérimentation d’une navette sur route ouverte. “Après avoir reçu l’autorisation ministérielle de mise en circulation dans un cadre expérimental mi-janvier, la navette Mia, du constructeur Navya, opérée par l’entreprise Berthelet, a été testée sur site pendant un mois, précise le communiqué. Cette première phase a permis d’ajuster et de finaliser les paramétrages de la navette en situation réelle, sur le terrain, afin de lui permettre d’acquérir une connaissance plus fine du parcours pour lequel elle a été programmée”. La navette est intégrée à la circulation sur 2,4 km avec le passage de deux ronds-points. “Conformément à la législation actuelle, la navette MIA circule avec la présence d’un agent de bord. Cet opérateur est formé pour répondre à toutes les questions et prendre les commandes du véhicule si besoin. Un soutien humain qui pourrait ensuite laisser place à un système de supervision à distance.” D’autres tests ont également eu lieu à Lyon, dans le quartier de la Confluence.
A Paris, les navettes de l’entreprise Easymile ont été testées par la RATP entre les gares de Lyon et d’Austerlitz, transportant 30 000 voyageurs. En avril 2019, Elisabeth Borne a annoncé le lancement de 16 nouvelles expérimentations de véhicules autonomes en France, dont 12 concernent des navettes. Pour ces dernières, les acteurs pilotes sont PSA, RATP, Transdev, Renault, Keolis, Oncopôle Toulouse, Communauté d’agglomération de Sophia Antipolis (CASA), Communauté de communes cœur de Brenne et Nantes Métropole.
Un bilan mitigé à Paris La Défense
Dans le quartier de La Défense à Paris, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. De juillet 2017 à mai 2019, un service de navette autonome a été testé par Ile-de-France Mobilités, Keolis et le constructeur Navya. L’objectif de cette expérimentation était double : proposer une solution de mobilité et faire progresser la technologie en la testant dans un environnement très dense (piétons, vélos, véhicules techniques, etc.) avec un passage à terme 100 % autonome, sans opérateur à bord. Mais l’expérimentation n’a pas atteint cet objectif. “Au terme de l’expérimentation, le bilan global n’est pas satisfaisant, explique Paris La Défense dans un communiqué. D’une part, la technologie n’a pas su s’adapter aux mutations de l’environnement urbain. D’autre part, l’objectif de passage en “full autonome” n’a pas abouti. Enfin, la vitesse de circulation de la navette n’a pas réussi à progresser et donc à rendre le service attractif. Dans ces conditions et au vu de ce bilan mitigé, Paris La Défense ne souhaite pas reconduire l’expérimentation.”
Dans une interview accordée au Monde informatique, Patricia Villoslada, vice-présidente exécutive de transports autonomes chez Transdev, commente : “Il faut apporter de l’intelligence en implémentant des algorithmes de plus en plus complexes car la perception ne suffit pas. Il faut que la technologie soit capable d’identifier non pas qu’il y ait un obstacle sur la route mais sa nature, par exemple une personne qui marche à 4 km/h et suit tel chemin, pour être en mesure d’anticiper.”
Dans un communiqué de presse présentant ses nouvelles orientations stratégiques, la française Navya décrivait “un décollage du marché plus ciblé et plus long qu’initialement anticipé”. Elle “considère que le marché des navettes autonomes restera un marché d’expérimentation pour les 24 prochains mois avant un décollage lié au retrait de l’opérateur de sécurité”, et estime que “les systèmes de conduite autonome de niveau 4 pour les premier et dernier kilomètres dans un environnement maîtrisé à basse vitesse devraient être les premiers à se déployer pour le transport de passagers, ainsi que pour les véhicules à usage logistique et industriel”. L’entreprise présente un chiffre d’affaires en baisse de 30% au premier semestre 2019 par rapport à 2018.
L’évolution du cadre législatif
Le gouvernement fait évoluer le cadre législatif français pour permettre le développement du véhicule autonome. C’est le cas de la Loi Pacte, qui permet l’expérimentation des véhicules jusqu’au plus haut niveau de délégation de conduite, en précisant le régime de la responsabilité dans cette phase. Mais également de la loi d’orientation des mobilités (LOM) qui prépare le cadre de la libre circulation de véhicules autonomes sur les routes. “Au plan législatif et réglementaire, l’article 12 de la LOM habilite le gouvernement à établir par ordonnances le cadre de circulation des véhicules autonomes, qui vise notamment à définir les conditions d’autorisation de mise en service de systèmes de transports routiers collectifs publics ou privés à délégation de conduite, qui, outre l’homologation préalable des véhicules, impliquerait une forme à préciser de vérification préalable de la sécurité des parcours pour les véhicules concernés” détaille le rapport « Développement des véhicules autonomes« . Lors de la rédaction des orientations stratégiques pour l’action publique, le gouvernement visait la réalisation d’un cadre complet (textes législatifs et réglementaires, référentiels méthodologiques) d’ici fin 2020.
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