Les nanoparticules sont-elles toxiques ? Le débat fait rage depuis maintenant plusieurs années, avec comme effet bénéfique le lancement d’études ciblant précisément les effets de nanoparticules sur l’environnement. Parmi celles-ci, le projet européen Nano-Ecotoxicity s’est focalisé sur les nanoparticules de métaux qui s’accumulent dans les sols de façon à mesurer les conséquences sur les organismes y prospérant.
Les équipes du Docteur Maria Diez-Ortiz ont donc étudié de près deux sortes de vers de terre, les Eisenia andrei et Lumbricus rubellus, et la façon dont ils cohabitent avec les nanoparticules d’oxyde de zinc et d’argent. « Nous avons conduit une étude à long terme consistant à stocker des sols contenant des nanoparticules d’argent et à les laisser vieillir plus d’un an. Leur toxicité a été testée au début et au bout de 3, 7 et 12 mois. Les résultats ont montré que la toxicité de l’argent augmentait avec le temps » explique Maria Diez-Ortiz.
Des résultats qui remettent en question l’efficacité des tests de toxicité, les tests standards à court terme ne pouvant mesurer cette évolution négative à long terme. Néanmoins, ces observations découlent d’une concentration de nanoparticules très supérieure à celle existant « naturellement » dans la nature. Ouf. Maria Diez-Ortiz joue la carte de la modération en résumant que « Les systèmes et les protocoles actuels d’évaluation des risques chimiques ont été mis au point au cours de dizaines d’années. En l’absence de nouveaux mécanismes toxiques, nos travaux tendent à montrer qu’ils conviennent aux nanoparticules, pour autant que nous mesurions les bonnes variables et que nous caractérisions correctement des expositions réalistes. ».
Pour mener à bien sa mission, le groupe de recherche a dû élaborer ses propres protocoles d’étude. En effet, les nanoparticules ont une fâcheuse tendance à se modifier dès qu’elles changent d’environnement. Les échantillons de sol ont été soumis à des techniques douces d’extraction aqueuse, puis analysés par fractionnement par couplage flux-force puis par spectroscopie afin de déterminer l’état des nanoparticules. Puis, après un minutieux découpage en rondelles des malheureux cobayes, il aura fallu pas moins qu’un synchrotron pour déterminer à quel endroit et sous quelle forme se trouvaient les nanoparticules de métaux dans les tissus.
L’étude Nano-Ecotoxcity a aussi révélé que la toxicité des nanoparticules était modulée par différents facteurs, comme leur revêtement ou encore l’acidité du sol. « Les vers de terre exposés aux nanoparticules d’argent pendant 28 jours accumulaient plus d’argent que les vers exposés à des ions argent, sans pour autant que ce supplément d’argent ait un effet toxique. » précise encore Maria Diez-Ortiz.
Une étude dont la complexité, la durée et le coût expliquent le peu de travaux menés sur la toxicité des nanoparticules.
Par Audrey Loubens, journaliste scientifique
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