Pour assurer notre progression dans les domaines de l’aéronautique, de l’espace et des systèmes embarqués, Toulouse-Midi-Pyrénées vient de créer l’Institut de Recherche Technologique (IRT). Sous la maîtrise du Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur « Université de Toulouse », ce projet qui réunit des établissements publics de recherche, les universités, des grandes écoles scientifiques, des groupes industriels et des PME, s’appuie principalement sur le Pôle de compétitivité mondial Aerospace Valley et le Réseau Thématique de Recherche Avancée en Sciences et Technologies de l’Aéronautique et de l’Espace.
De nature à créer ou à maintenir 10.000 emplois dans ces domaines à Toulouse, ce projet concerne la création de 2 grandes plates-formes (micronanosystèmes et simulation numérique), le renforcement des laboratoires existants, la création de 150.000 m2 d’immobilier d’entreprises et un renforcement de la formation des ingénieurs, Masters et Docteurs dans ces domaines. Sur 10 ans, les dépenses sont évaluées à 1 milliard d’euros.
Les matériaux, la mécanique et le calcul intensif étant déjà prévus et financés dans le cadre de l’Espace Clément Ader sur la même localisation géographique, l’IRT devra identifier et développer des ruptures technologiques sur les systèmes d’information et de communication, les architectures des systèmes embarqués et les micronanosystèmes des avions, des satellites et des véhicules de demain.
Deux approches complémentaires des nanosystèmes
L’élément fonctionnel de base d’un nanosystème peut être conçu comme un nano-objet individuel, comme une collectivité de nano-objets ou comme une structure indivisible faisant intervenir des propriétés ou effets liés à des phénomènes de nature nanométrique. Cette complexité implique les notions :
- d’agencement, connexions, interactions entre les éléments fonctionnels de base ;
- de complémentarité et compatibilité des éléments fonctionnels ;
- de coordination, synchronisation, ordonnancement, supervision des fonctions élémentaires.
Deux approches complémentaires doivent être distinguées, l’une descendante (top-down), et l’autre montante (bottom-up). C’est la convergence de ces deux approches qui permettra, d’une part, l’avancée des connaissances dans les domaines du contrôle des phénomènes intramoléculaires, des technologies atomiques, de la nanophysique, de la nanochimie et de la nanobiologie, et, d’autre part, le développement de nanosystèmes pour de nombreuses applications.
Une approche ascendante basée sur des techniques de miniaturisation ultime
Le développement de nouveaux systèmes embarqués communicants nécessite la conception de fonctions de base à des échelles toujours plus réduites. Ces fonctions, fabriquées aujourd’hui à partir de couches minces ou de processus lithographiques, devront être remplacées par de nouvelles technologies issues directement des avancées récentes en physique, chimie et sciences des matériaux.
L’objectif ultime est d’utiliser quelques atomes pour assurer des fonctions de calcul ou mémoire en utilisant leur capacité de stockage, de transfert d’électrons ou de manipulations d’états quantiques. La technologie associée fait intervenir la manipulation des atomes à l’unité en utilisant des techniques issues de la microscopie à effet tunnel. Stabilisées par la surface d’un semi-conducteur grand gap, ces fonctions pourront également être assurées en propre par des molécules de plus en plus complexe indépendamment de la surface support. Ces molécule-machines peuvent remplir des fonctions mécaniques (transmission du mouvement de l’échelle atomique à l’échelle mésoscopique), voiture moléculaire de transport ou des fonctions calculs comme des molécule-porte logiques.
Ces mêmes fonctions peuvent être assurées par des nano-objets résultant de l’assemblage de quelques dizaines à quelques dizaines de milliers d’atomes. Dans cette gamme de taille, on trouve la plupart des transitions entre propriétés quantiques et propriétés classiques du matériau massif. Cette transition dépend de la propriété considérée (1 à 10 nm pour la nano-électronique, 10 à 100 nm pour le magnétisme, 1 à 100 nm pour l’optique). Pour obtenir des résultats prévisibles et reproductibles il est nécessaire de disposer d’objets aux propriétés de taille, forme et surtout composition de surface parfaitement contrôlées.
L’introduction dès aujourd’hui de ces nano-objets dans les systèmes embarqués est possible si l’on maîtrise leur organisation par auto-assemblage. Des systèmes auto-organisés de nanoparticules peuvent conduire à des applications de type mémoire, capteurs ou plus généralement transducteurs. L’incorporation de molécules peut permettre d’accéder, même à cette échelle mésoscopique, à des effets mécaniques. Le matériau constituant ces objets peut être notamment un métal, un oxyde ou les différentes formes de carbone dont la plus emblématique est le nanotube.
L’échelle encore supérieure rejoint les avancées actuelles de la micro-électronique, que ce soient les couches minces utilisées par exemple dans les dernières M-RAM, les nanofils semi-conducteurs et les nanomatériaux dont on va chercher à exploiter les propriétés mécaniques, notamment pour l’aéronautique.En fonction de l’échelle considérée, de l’atome au matériau nano-structuré, il sera nécessaire de prévoir les équipements appropriés qui sont décrits ci-dessous. Notons qu’un certain nombre de problèmes se poseront de manière récurrente et trouveront des solutions qui dépendront de l’échelle, en premier lieu la connexion et le packaging pour lesquels des solutions innovantes devront être trouvées.
Une approche descendante basée sur la construction de molécule-machines
Les micro-nano dispositifs, associés aux processeurs pour assurer des fonctions de détection et d’actionnement, présentent une diversification en termes de fonctionnalité (convertir de l’énergie, générer, transmettre, ou bien recevoir des signaux optiques ou hyper fréquences, détecter ou actionner, analyser des gaz ou des substances chimiques ou biochimiques). Cette diversification fonctionnelle se retrouve bien évidemment en termes de conception et de réalisation. Leur fonctionnement est basé sur différents mécanismes physiques, parfois plusieurs pour le même dispositif, ce qui impose l’analyse et la compréhension de nouveaux mécanismes et une panoplie importante en termes de modèles. Suivant l’approche descendante, ils sont réalisés à partir de procédés de micro fabrication de surface ou de volume dont de nombreuses étapes sont issus de procédés de microélectronique mais qui font intervenir un grand éventail de technologies (dépôts, gravures ioniques) de matériaux spécifiques (magnétiques, diélectriques, piézoélectriques, ferroélectriques) permettant de leur conférer les fonctionnalités et les performances requises. Cette approche descendante s’articule autour d’une approche d’intégration fonctionnelle supportée par une intégration technologique basée sur des étapes de micro et nano fabrication spécifiques bien connue et admise dans la stratégie d’intégration de type « More than Moore« .
La construction d’une plate-forme de micronanocaractérisation des matériaux conduira à l’amélioration du potentiel tant de recherche que d’innovation grâce à la mutualisation d’outils de micronanocaractérisation de haut niveau et, du fait de l’unité de lieu, par les échanges formels ou informels entre chercheurs œuvrant sur des thématiques apparemment différentes.
Par Marc Chabreuil
Cet article se trouve dans le dossier :
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