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Les matériaux autoréparants en phase de décollage

Posté le 25 mars 2019
par Pierre Thouverez
dans Chimie et Biotech

Les matériaux autoréparants sont un peu les vedettes du moment car ils... s’auto-réparent, dans des conditions qui rendent aujourd'hui les applications très limitées. Mais cela pourrait vite évoluer.

Depuis le début des années 2000, les chercheurs du monde entier développent des matériaux dits autoréparants.

De manière plutôt étonnante, le besoin de créer ce type de matériau est apparu quand les mécanismes de tests pour repérer les défauts dans les structures ont montré leurs limites.

Plutôt que de développer des techniques très onéreuses pour repérer des défauts minuscules au sein de grandes structures (des ailes d’avion par exemple, où un défaut de fabrication peut entrainer des pertes en vies humaines), les chercheurs ont misé sur la mise au point de matériaux ayant les capacités de « réparer » seuls ces défauts.

L’exemple ultime de matériaux autoréparant est bien sûr la peau humaine. Et pourtant notre épiderme porte aussi en lui les germes d’un matériau qui cesse petit à petit de fonctionner.

Le vieillissement d’abord: la plupart des matériaux se décomposent progressivement, parfois sur une très longue période.

Après, l’usure: la plupart des matériaux s’usent progressivement en raison d’une utilisation constante.

Enfin, les défauts: certains matériaux se cassent brusquement et de manière très inattendue lorsque des forces appliquées (contraintes et déformations) entrainent une propagation rapide des fractures internes (généralement de minuscules fissures ou d’autres défauts à l’intérieur).

Bien sûr, les défauts constituent le plus grand défi pour les chercheurs, au vu de leurs conséquences en cas de casse pendant l’utilisation réelle du matériau.

D’où la quête d’un matériau qui se répare automatiquement, c’est-à-dire sans diagnostic préalable et avant aggravation du défaut.

Les premiers matériaux auto-cicatrisants (2001) étaient des polymères avec une sorte d’adhésif interne intégré. Depuis, divers matériaux autoréparables ont été mis au point. Il en existe quatre types principaux :

Les agents réparant intégrés

Les matériaux auto-cicatrisants les plus connus ont des microcapsules intégrées remplies d’un produit chimique semblable à de la colle. Si le matériau se fissure à l’intérieur, les capsules s’ouvrent, le matériau de réparation «s’évacue» et la fissure se colmate. Il fonctionne de manière similaire à l’époxy, fourni sous la forme de deux polymères liquides dans des récipients séparés. Lorsqu’on mélange les liquides, une réaction chimique se produit et un adhésif puissant (un copolymère) se forme.

Les matériaux auto-cicatrisants peuvent utiliser des capsules incorporées de différentes façons. L’approche la plus simple consiste pour les capsules à libérer un adhésif qui remplit simplement la fissure et lie le matériau ensemble.

Le principal inconvénient de la méthode d’encapsulation est que les capsules doivent être très petites pour ne pas affaiblir la structure qu’elles composent. Aussi, elles ne peuvent agir qu’une seule fois.

Les matériaux microvasculaires

Comme son nom l’indique, ce matériau tire son efficacité via des tubes vasculaires très minces qui permettent de pomper les agents réparants à un endroits pour les orienter vers une fissure ou autre.

Les tubes mènent dans des réservoirs sous pression. En cas de défaillance, la pression est libérée à une extrémité du tube, ce qui permet à l’agent réparant de pomper à l’endroit où il est nécessaire. Cette méthode permet de sceller les fissures jusqu’à dix fois la taille de la méthode des microcapsules, mais elle fonctionne plus lentement, car le matériau de réparation doit ensuite se déplacer. Cela pourrait poser problème si une fissure se propage plus rapidement que sa réparation. Mais dans un gratte-ciel par exemple, ou un pont, où une défaillance peut apparaître et se propager au fil des mois ou des années, un système de tubes de réparation intégrés pourrait certainement bien fonctionner.

Les matériaux de mémoire de forme

Les matériaux à mémoire de forme ont besoin d’énergie – de chaleur en général – pour retrouver leur forme originelle.

En pratique, un réseau intégré de câbles à fibres optiques peut être utilisé, similaire aux réseaux vasculaires utilisés dans d’autres matériaux autoréparables. Mais au lieu de gonfler un polymère ou un adhésif, ces tubes sont utilisés pour alimenter en lumière laser et énergie thermique la zone où un défaut est présent.

Comment les tubes savent-ils où livrer leur lumière? Si le matériau se fissure, il fissure également les tubes de fibre optique encastrés à l’intérieur, de sorte que la lumière laser qu’ils transportent fuit directement au point de défaillance.

Les polymères réversibles

Les polymères n’ont pas toujours besoin de systèmes internes sophistiqués, tels que des capsules intégrées ou les tubes vasculaires, pour réparer les dommages internes.

Concrètement, certains se séparent pour révéler ce qu’on pourrait considérer comme des extrémités hautement «réactives» ou des fragments qui tentent naturellement de se rejoindre. Excités par la lumière ou par la chaleur, ces fragments «errants» tentent naturellement de se lier à d’autres molécules à proximité, inversant ainsi les dommages et réparant le matériau : certains se cassent pour exposer des extrémités chargées électriquement, ce qui confère aux fragments brisés une attraction électrostatique intégrée. En cas de dommage, des forces électrostatiques rassemblent les fragments, permettant au matériau de s’autoréparer.


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