La crise sanitaire a certes eu un impact en réduisant la demande en électricité, mais aussi en réduisant la production. Ainsi, alors que RTE, le gestionnaire du réseau de transport (GRT) d’électricité vient de passer un hiver tendu, la situation devrait perdurer jusqu’en 2024 selon son bilan prévisionnel à l’horizon 2030, présenté la semaine dernière par le GRT.
Comme cet hiver, le critère de sécurité réglementaire d’approvisionnement prévu par le code de l’énergie (3 heures maximum sur l’année) ne sera pas respecté l’hiver prochain non plus. RTE place ainsi à nouveau l’hiver 2021-2022 en « vigilance particulière », a insisté Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE, en présentant le bilan électrique prévisionnel à l’horizon 2030. Un bilan qui prend en compte, a insisté Thomas Veyrenc, responsable stratégie de RTE, également les bilans prévisionnels des pays voisins et donc des flux d’import-export.
RTE indique cependant que cette situation ne devrait pas perdurer au-delà. Trois périodes distinctes d’ici à l’horizon 2030 sont prises en compte : 2021-2024, 2024-2026 et 2026 à 2030. Sur la première période, RTE préconise de maintenir en service ou de convertir la centrale au charbon de Cordemais (qui alimente la Bretagne). En outre, d’ici à la fin de la seconde période, voire jusqu’à la fin de l’horizon de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), en 2028, RTE estime plus que difficile d’arrêter d’autres réacteurs nucléaires, comme le prévoit sous conditions ladite PPE.
2021-2024, tous les dangers
Après la crise sanitaire, RTE s’attend entre 2021 et 2024, à une remontée de la consommation plutôt lente. Mais les marges resteront faibles, insiste RTE, car côté production, les moyens ne sont pas au rendez-vous. D’une part, les mesures sanitaires ont en effet désoptimisé le planning de maintenance du parc nucléaire. Sa disponibilité va ainsi demeurer moindre que sur les années précédentes et la mise en service du futur EPR de Flamanville n’est pas prévue dans cette période. En outre, les travaux pour prolonger la durée de vie des réacteurs, c’est-à-dire le programme de grand carénage d’EDF, atteindra un pic dans la période considérée. D’autre part, l’arrivée des énergies renouvelables dans le système électrique tarde trop. Les trajectoires actuelles restent sous celle de la PPE tant pour l’éolien que pour le solaire. Le président de RTE juge qu’il faut accélérer pour être à l’heure sur l’offshore éolien, mais aussi sur le photovoltaïque qui est très en deçà de sa trajectoire. Or, les ENR contribuent à la sécurité d’approvisionnement dorénavant, indique le président de RTE. C’est pourquoi, le GRT, même s’il juge que l’adaptation du planning de maintenance du parc nucléaire constitue un bon point de départ, estime qu’il faudrait cependant, sur la période, maintenir ou convertir à la biomasse la centrale au charbon de Cordemais, en Bretagne. C’est, indique Thomas Veyrenc, le responsable stratégie de RTE, une conjoncture locale qui conduit à ce constat. En outre, il juge qu’il faut accélérer la mise en place de solutions de flexibilité, telles que l’effacement.
2024-2026, toujours pas confortable
Entre 2024 et 2026, ce sera une « période de transition », indique Xavier Piechaczyk, « avec une consommation d’électricité qui devrait retrouver ses niveaux d’avant crise et un début de transferts d’usages vers l’électricité ». Le parc nucléaire devrait retrouver également une disponibilité conforme à l’habitude, et l’entrée en service de l’APR de Flamanville donnera aussi de la marge. Ainsi, même si le développement des ENR risque de rester sous la trajectoire prévue par la PPE, des marges de manœuvre devraient être gagnées et le système électrique français « retrouve(ra) des marges acceptables, sans toutefois être confortables ». Malgré tout, RTE estime que « les conditions prévues par la PPE pour la fermeture anticipée de réacteurs nucléaires pourront très difficilement être remplies ». La PPE prévoit en effet la possibilité – à certaines conditions que le GRT estime ne pas être remplies – d’un arrêt anticipé de deux tranches d’ici 2028 (échéance de la PPE).
2026-2030, l’éclaircie
L’horizon s’éclaircit néanmoins sur la période entre 2026 et 2030, même si la consommation d’électricité pourrait atteindre 500 TWh/an à l’horizon 2030, soit une hausse de 5 % par rapport à 2020. L’entrée à plein régime de Flamanville 3, les premiers parcs offshore éolien, et les objectifs globaux de la PPE en termes d’ENR proches d’être atteints, devraient redonner une sécurité d’approvisionnement renforcée et des marges « confortables », indique le bilan prévisionnel de RTE.
Autre constat positif : « un décrochage entre la hausse de la consommation et une baisse du pic de consommation est attendu, estimé à 3 GW environ », indique RTE. Une décorrélation qui est plus particulièrement liée au développement de nouvelles flexibilités (le recours aux batteries des véhicules électriques et l’effacement, indique Thomas Veyrenc) et aux nouveaux usages, notamment le recours à l’hydrogène, dont les projets montrent qu’il s’agit de les faire fonctionner en dehors des périodes de pointe, quand les renouvelables sont abondantes à délivrer de l’électricité.
Un bilan 2020 morose
RTE a publié début mars le bilan électrique français pour l’année passée. En 2020, la crise sanitaire de la Covid-19 a entraîné des conséquences importantes sur le système électrique français. La consommation d’électricité corrigée des variations météorologiques a chuté de 3,5 %, à 460 TWh, avec notamment une chute de 10 % de la demande industrielle.
Une moindre disponibilité du parc nucléaire a entraîné une baisse de la production d’électricité de 7 % par rapport à 2019. La part des énergies renouvelables est en hausse (+17 % pour l’éolien, +8 % pour l’hydraulique et +2,3 % pour le solaire). Avec une production de 39,7 TWh, soit 7,9 % de la production française, la production d’origine éolienne dépasse celle des centrales à gaz et devient la troisième source de production d’électricité en France. La production thermique à combustible fossile a diminué de 10,6 % avec une production à partir de charbon au plus bas depuis 1950.
Malgré un solde des échanges commerciaux en recul par rapport à 2019 (-7 % d’export), la France reste exportatrice sur l’ensemble de ses frontières et demeure le pays le plus exportateur d’électricité en Europe. Le solde positif des échanges s’établit à 43,2 TWh.
Une spécificité de la production d’électricité en France est son caractère très largement bas-carbone : en 2020, plus de 93 % de l’électricité produite sur le territoire n’était pas émettrice de CO2. Les émissions de CO2 du secteur électrique français diminuent de près de 9 % par rapport à 2019, et représentent ainsi seulement 5 % des émissions totales de CO2 en France.
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