Le plan de sobriété énergétique du gouvernement demande aux entreprises de se mobiliser. En cas de tension sur le réseau électrique, les industriels seront les premiers à prendre part à l’effort collectif. Mais pour l’instant, aucune aide financière n’est prévue en retour et le bouclier tarifaire ne les protège pas de la hausse des prix de l’énergie.
L’association Origine France Garantie, qui certifie l’origine française des produits et services, a publié fin septembre une tribune soulignant le fait que « la crise énergétique plonge l’industrie française dans l’instabilité ». Gilles Attaf, président d’Origine France Garantie et des Forces Françaises de l’Innovation (FFI), nous explique la situation de ses adhérents.
Techniques de l’ingénieur : Comment la crise énergétique actuelle impacte-t-elle les adhérents d’Origine France Garantie ?
Gilles Attaf : La situation est assez catastrophique. Sur un an, nos adhérents nous font remonter une hausse en moyenne de 65,5 % de leur facture énergétique sur les contrats en cours. Beaucoup d’entre eux ont signé des contrats sur le long terme. Pour ceux qui arrivent bientôt à terme, certaines hausses vont jusqu’à 200 %. Avec de telles hausses, les industriels ne pourront pas continuer leur activité. Certains opérateurs incitent même leurs clients à changer de fournisseur.
Certains de nos adhérents sont aujourd’hui obligés de produire moins. C’est par exemple le cas de la marque de jeans 1083 qui a une usine de tissage dans les Vosges. Elle est obligée d’arrêter sa production deux fois par semaine pour ne pas voir sa facture énergétique exploser. L’entreprise nous a indiqué que sa facture énergétique pourrait passer de 400 000 à 2 millions d’euros sans mesure d’urgence.
Il y avait une vraie dynamique de réindustrialisation dans le cadre du plan France Relance et du plan France 2030. En 2021, on a recensé une ouverture nette de 120 usines et 30 000 emplois créés sur le territoire. Sans soutien, la situation actuelle risque de mettre une fin abrupte à cette dynamique.
Le gouvernement prépare-t-il un plan de soutien ?
Ce jeudi 6 octobre, devant des centaines d’entrepreneurs et dirigeants d’entreprises réunis par BPI France, Emmanuel Macron a demandé d’attendre le mois de novembre pour signer les nouveaux contrats avec les opérateurs, car des négociations sont en cours. On attend donc d’avoir cette vision. L’intervention d’Emmanuel Macron a rassuré les industriels. Le but est de passer ce cap, de soutenir nos industries à court terme pour éviter de réduire leur activité.
Les soucis de compétitivité sur nos entreprises étaient déjà réels. On avait toutefois un atout concurrentiel : si les coûts de production sont plus élevés que dans les autres pays, le prix de l’énergie était relativement bas en France. On a perdu cet atout.
Qu’espérez-vous concrètement comme mesures de soutien ?
On demande un choc de compétitivité dès lors que toutes les centrales nucléaires seront remises en route. Ce choc donnerait accès à de l’énergie à tarif réduit pour nos industries afin que la production reparte rapidement. On espère aussi que le gouvernement va œuvrer pour faire découpler le prix du gaz et de l’électricité en Europe.
On a besoin d’une vision claire pour prendre les décisions qui s’imposent. Il faut que les entreprises soient aidées pour passer le cap de l’hiver et que nos adhérents ne soient pas obligés de baisser le volume de production. Car baisser le volume de production signifie qu’il y aura du chômage partiel, et donc une baisse du pouvoir d’achat. Au-delà de l’énergie, il y a donc un vrai problème de cohésion sociale.
Comment soutenir les entreprises françaises sur le long terme ?
Il y a un sujet fondamental que je porte depuis longtemps, c’est la commande publique. Il est indispensable que l’État donne l’impulsion. La commande publique est un énorme moyen de donner de la vision à long terme. Il faudrait qu’une partie de la commande publique soit réservée aux entreprises françaises.
Le cabinet de Roland Lescure, le nouveau ministre de l’Industrie, a fait de la commande publique un sujet principal. Il y a moyen de retrouver de la commande publique pour nos entreprises en passant par la RSE dans les appels d’offres. Avec les forces françaises de l’industrie, on a monté un concept qui s’appelle le « PME Business Act ». On demande aux grandes entreprises de s’engager à commander une partie de leurs achats aux entreprises françaises. Cela donne une impulsion : si le secteur privé peut le faire, la commande publique aussi !
Crédit image de une : Gilles Attaf
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