Face à la crise sanitaire, les industriels du plastique vantent les mérites des propriétés barrières de leur matériau. Ils tentent de repousser, voire complètement retirer les restrictions et interdictions à venir. Mais l’achat d’emballages en plastique ne figure pas parmi les gestes barrières reconnus.
Aux États-Unis, la Plastics Industry Association a écrit au département américain de la Santé et des Services sociaux pour lui demander de vanter publiquement les bénéfices du plastique à usage unique pour la santé et la sécurité. En Europe, l’industrie européenne veut faire reculer les dernières avancées réglementaires en matière de lutte contre le plastique à usage unique. Le 8 avril, la Confédération Européenne de la plasturgie (EuPC) a ainsi adressé une lettre ouverte à la Commission européenne. Face à une législation qualifiée de « politique », elle appelle la Commission à prendre en compte les « conséquences hygiéniques de l’interdiction ou de la réduction des plastiques à usage unique ». En ce sens, elle lui demande de repousser d’un an l’application de la Directive SUP sur les plastiques à usage unique et de lever toutes les interdictions prévues de produits.
L’industrie avance, la Commission européenne résiste
« Le report de la mise en œuvre donnera à tous les États membres de l’UE plus de temps pour se concentrer sur des mesures plus urgentes dans la lutte contre le COVID-19, en distribuant aussi des plastiques à usage unique dans des situations d’urgence », tente le représentant des plasturgistes européens. Masques, surblouses, bouteilles de gel hydroalcoolique sont en effet indispensables dans la lutte contre le Covid-19. Le hic est que la Directive ne prévoit en aucun cas des interdictions de plastiques à usage unique dans le domaine médical. Il s’agit d’emballages et objets qui n’ont pas de rôle dans la lutte contre le coronavirus : les couverts et assiettes, les pailles, les touillettes à café, les tiges pour ballons, les cotons-tiges, les récipients pour aliments et gobelets en polystyrène expansé.
La Commission a donc opposé au courrier de l’EuPC une fin de non-recevoir. « Les délais dans le droit de l’UE doivent être respectés », répond Vivian Loonela, porte-parole de la Commission européenne pour les questions environnementales. « Dans les circonstances actuelles où de nombreuses activités économiques essentielles, y compris la gestion des déchets, sont sous pression, il est encore plus important de poursuivre les efforts globaux de réduction des déchets », estime-t-elle. Ceci est d’autant plus important que le secteur du tri et du recyclage fait face à une activité fortement réduite dans certaines régions, notamment en Île-de-France.
Non, le plastique ne protège pas du coronavirus
Elipso, le représentant des entreprises des emballages en plastique souple, tente sa chance en parallèle. Dans un communiqué daté du 8 avril, il vante la mobilisation des entreprises de l’emballage plastique et leur solidarité face à la crise du Covid-19. Sa présidente Françoise Andres avance que « l’emballage garantit un effet barrière », soit « la première protection des produits ». Elipso voit dans le plastique « un partenaire essentiel dans la lutte contre le virus ».
Un sondage d’Elipso mené auprès de ses adhérents montre que l’activité des plasturgistes de l’emballage tourne à plein régime. La moitié des entreprises ayant répondu à son enquête, pour la plupart des fabricants d’emballages à destination de l’alimentaire vendu en grande distribution, connaissent une hausse d’activité. 17 % d’entre elles font face à une hausse de 20 à 30 % et 20 % répondent à une hausse de 10 à 20 %. Face aux craintes d’une contamination par l’eau du robinet, les bouteilles d’eau figurent parmi les emballages les plus demandés.
Mais les experts sanitaires sont formels : les emballages ne protègent pas contre le virus, car ils sont eux même manipulés. Plusieurs études ont montré que le coronavirus pouvait rester plusieurs jours sur les matériaux plastiques. Selon une étude de l’Université de Hong Kong, présentée dans le Lancet Microb, le SARS-CoV-2 pourrait même survivre 7 jours sur le plastique ou l’acier inoxydable, contre 4 jours pour le verre, 2 jours pour le bois et moins de 3 heures pour le papier.
L’Anses a notamment dressé plusieurs recommandations concernant l’alimentation, les courses et le nettoyage. Le plastique ne fait pas partie des recommandations pour limiter les risques. L’agence rappelle que « les emballages peuvent avoir été contaminés par des mains souillées lors de leur manipulation par une personne infectée ». Elle recommande d’« essuyer les emballages avec un essuie tout à usage unique humidifié ». Elle conseille par ailleurs de laver ses fruits et légumes à l’eau potable et de cuire ses aliments à cœur à au moins 70°C.
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