Cette étude, réalisée suivant les recommandations méthodologiques des normes ACV¹, met en lumière les réels impacts environnementaux du numérique, sur des bases scientifiques. Elle s’adresse aussi bien aux décideurs qu’à la communauté scientifique, aux acteurs stratégiques français ainsi qu’à l’ensemble des citoyens.
Une approche multicritère pour pousser la réflexion au-delà de l’empreinte carbone
Alors que le numérique est actuellement responsable de 3,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, cette empreinte carbone risque de doubler d’ici 2025 avec l’augmentation des usages. Néanmoins, comme le soulignent les auteurs de cette étude multicritères² dans leurs conclusions, les impacts ne se limitent pas aux émissions de gaz à effet de serre puisque l’utilisation de ressources minérales et fossiles ainsi que les émissions de radiations ionisantes sont prépondérantes.
Les terminaux utilisateurs ont l’impact le plus fort
Afin de fournir une analyse complète des causes d’impact, les services numériques ont été découpés en trois segments indépendants.
- Les terminaux utilisateurs : téléviseurs (11% à 30% des impacts), ordinateurs, tablettes, smartphones, consoles, écrans, etc.
- Les réseaux : fixes (xDSL, FFTx) et mobiles (2G, 3G, 4G, 5G).
- Les centres de données (Datacenters) : les impacts environnementaux dépendent de la surface des salles informatiques, du nombre de serveurs et de la consommation électrique.
Selon un premier niveau d’analyse, les terminaux utilisateurs sont responsables de 63,6 % à 92 % des impacts environnementaux du numérique, alors que les centres de données et les réseaux se partagent la seconde place (de 4 % à 22,3 % pour les centres de données et de 2 % à 14 % pour les réseaux)
L’impact de la fabrication des équipements arrive en tête
Une recherche plus poussée met en évidence le fait que la phase de fabrication est la principale source d’impact, et ce pour deux raisons.
La première vient du fait que les procédés de fabrication des équipements numériques sont très énergivores. Or, comme ces équipements sont fabriqués dans des pays dont le mix énergétique est fortement carboné (Asie et États-Unis), cela impacte l’ensemble des indicateurs.
La seconde raison concerne la forte consommation de terres rares et de ressources critiques ou précieuses. En effet, en plus de nécessiter beaucoup d’énergie et de ressources pour leur extraction, ces matériaux génèrent une quantité importante de déchets.
La phase d’utilisation arrive en deuxième position et les impacts concernent principalement la consommation d’électricité.
Enfin, l’impact de la distribution semble être moins important, bien que non négligeable.
L’importance d’allonger la durée de vie des équipements
En pointant du doigt l’impact de la fabrication des équipements numériques, cette étude confirme l’importance des politiques visant à allonger leur durée de vie, par exemple via le réemploi, le reconditionnement ou la réparation.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si un autre rapport de l’ADEME a été publié en même temps que celui-ci. Ce rapport de synthèse intermédiaire – dont les résultats sont en cours de revue critique – concerne cette fois l’évaluation de l’impact environnemental d’un smartphone reconditionné. Il met notamment en évidence que « faire l’acquisition d’un téléphone mobile reconditionné permet une réduction d’impact environnemental annuel de 91 % à 55 % selon les indicateurs par rapport à l’utilisation d’un smartphone neuf. »
Cela représente 82 kg de matières premières dont l’extraction est évitée et 25 kg d’émissions de gaz à effet de serre en moins chaque année. Les 2,8 millions de smartphones reconditionnés vendus en 2020 ont ainsi permis d’économiser 229 000 tonnes de matières premières et d’éviter l’émission de 70 000 tonnes d’équivalent CO2.
La sobriété numérique : la clé pour réduire nos impacts
Les trois quarts des impacts environnementaux du numérique sont dus à la fabrication des appareils. Commencer par limiter la fréquence de renouvellement de nos équipements est donc un point de départ pour aller vers plus de sobriété dans nos pratiques numériques. À ce sujet, l’ADEME vous donne également les clés pour agir, à travers un guide au nom évocateur : en route vers la sobriété numérique.
(1) ISO 14040:2006, 14044:2006 et revue critique selon ISO 14071
(2) LEES PERASSO Etienne, VATEAU Caroline, DOMON Firmin, ADEME, Arcep, BUREAU VERITAS, A. THEOBALD
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