Décryptage

Les impacts de l’automatisation croissante

Posté le 27 juillet 2016
par Philippe RICHARD
dans Informatique et Numérique

Présentant au moins 70 % de tâches répétitives, 9 % des emplois des pays de l’OCDE pourraient disparaître dans les prochaines années en Europe.

La révolution numérique, facteur de croissance et d’emplois ? Tour à tour, deux études européennes ont tenté de mesurer son impact. Avec une question majeure : les robots et autres machines menacent-ils les emplois comme l’affirmait, en 2013, une étude de Carl Benedikt Frey et Michael Osborne ? Ces deux chercheurs américains concluaient que 47 % des emplois aux États-Unis étaient automatisables ou le seraient d’ici à dix ou vingt ans.

Cette perspective s’appliquera-t-elle également au Vieux continent ? Pas dans les mêmes proportions selon deux organismes européens. « Nous avons mesuré que 9 % des emplois des pays de l’OCDE présentent au moins 70 % de tâches automatisables et sont à ce titre menacés. S’ajoutent 20 % de postes présentant 50 à 70 % de tâches automatisables », prévient Stefano Scarpetta, directeur de la Direction emploi, travail et affaires sociales de l’OCDE.

De son côté, France Stratégie évalue à 15 % les emplois hexagonaux (3,4 millions de postes) qui seraient « automatisables ». Ce think tank rattaché au Premier ministre français tient à préciser que « la révolution numérique détruit certains emplois, mais surtout elle transforme les métiers ».

Les conclusions des deux études européennes divergent donc de celle des Américains, car elles ne s’appuient pas sur la même définition de l’automatisation. Dès lors que le travailleur a une marge de manœuvre dans la façon de mettre en œuvre les consignes pour obtenir un résultat optimal, France Stratégie estime que le salarié sera difficilement remplacé par un automate. Et le risque de substitution est encore plus faible s’il y a de l’émotion. Le robot peine selon le think tank. Avec cette approche, seulement « 15 % des salariés occupent des emplois potentiellement automatisables », tandis que, calcule l’auteur, le nombre d’emplois difficilement automatisables a progressé de 33 % entre 1998 et 2011. De leur côté, les deux scientifiques américains raisonnaient par profession automatisable, chacune vue comme un tout uniforme.

Néanmoins, une étude de l’OCDE constate que l’automatisation croissante a entraîné une chute de la demande de travailleurs aux compétences intermédiaires depuis quinze ans. Les emplois se concentrent de plus en plus sur les postes les plus qualifiés. Depuis 1980, le nombre d’ingénieurs et cadre de l’informatique et des télécoms croît régulièrement alors que la chute du nombre de postes de secrétaires date des années 90. Les cinq secteurs qui recrutent le plus des métiers du numérique selon l’Observatoire sont le conseil en systèmes et logiciels (19,5 %), les activités des agences de travail temporaire, hors branche « numérique » (13,7 %), le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion (9,9 %), la programmation informatique (4,4 %) et l’ingénierie (3,4 %).

« Le véritable enjeu, ce n’est pas tant la disparition du travail que sa transformation et sa polarisation », précise Stefano Scarpetta. Cette évolution passe notamment par la formation. Un domaine très en retard. « Un adulte sur cinq âgé de 26 à 35 ans a un niveau d’éducation moins élevé que ses parents », rappelle Gabriela Ramos, conseillère spéciale du secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria. Ce même organisme indique que « 55 % des salariés de 22 pays de l’Organisation ne disposent pas des compétences élémentaires de résolution des problèmes dans des environnements à forte composante technologique ». Cruel constat, le numérique embauche en France, mais le pays manque de compétences dans ce secteur et les formations ne sont pas adaptées aux besoins des organisations. C’est l’une des conclusions d’un rapport rendu en février dernier et commandité par les ministères de l’Éducation nationale, du travail, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Philippe Richard


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