Water Horizon est une entreprise toulousaine qui a développé une batterie thermique, pour récupérer la chaleur fatale industrielle, la stocker et la distribuer sous forme d’énergie propre.
L’énergie est stockée sous forme chimique dans des batteries, qui sont transportées par camion, entre l’endroit où la chaleur est récupérée, et celle où elle est utilisée. Un service précieux pour les entreprises désireuses de valoriser leur chaleur fatale, et pour les utilisateurs de cette chaleur, qui sont en mesure de mettre en place des projets sans pour autant investir massivement dans des infrastructures propres.
Jean-Emmanuel Faure, CEO et fondateur de Water Horizon*, a expliqué aux Techniques de l’Ingénieur la technologie développée dans son entreprise, et aussi le choix fait de prioriser le marché de la fourniture de froid.
Techniques de l’Ingénieur : Expliquez-nous l’innovation qui est derrière la genèse de Water Horizon ?
Jean-Emmanuel Faure : Water Horizon est une entreprise toulousaine créée en 2017. Nous développons une technologie de stockage de chaleur sous forme de batterie thermique. La chaleur va être stockée sous forme de potentiel de réaction chimique, ce qui veut dire qu’il n’y a pas de déperdition dans le temps, et elle va être redistribuée, sous forme de chaud ou de froid (ou les deux), à un autre endroit. Il s’agit de thermochimie, avec une réaction réversible, exothermique dans un sens et endothermique dans l’autre. Cette réaction est couplée à des pompes à absorption – une technologie ancienne aujourd’hui remplacée par les pompes à chaleur qui offrent un meilleur rendement – qui permettent de produire du froid sans électricité, le compresseur ne fonctionnant pas électriquement mais chimiquement.
Nous visons le marché de la récupération de la chaleur fatale industrielle. Les gros gisements de chaleur fatale industrielle sont nombreux. Pour avoir un ordre de grandeur, en Europe, la chaleur fatale industrielle représente l’équivalent de 100 réacteurs nucléaires, ce qui est absolument colossal.
Pourquoi cette chaleur est aujourd’hui aussi peu valorisée ?
Aujourd’hui en effet la majorité de cette chaleur fatale n’est pas valorisée car les industriels n’ont pas à leur disposition de solutions techniques simples à mettre en place. C’est ce que Water Horizon leur apporte, et étant en mesure d’utiliser la capacité de stockage de nos batteries en tant que vecteur énergétique, en récupérant la chaleur d’un point où elle est perdue et en l’amenant à un point où elle peut être consommée. Le but étant de créer une économie circulaire locale, où les points de collecte de chaleur et de redistribution sont relativement proches, théoriquement de l’ordre de cinquante kilomètres – une heure de route – au plus. Dans la réalité, sur les 250 projets sur lesquels nous travaillons aujourd’hui, la distance la plus importante entre la récupération de chaleur et la distribution est de 21 kilomètres. Le maillage industriel territorial est tel que les gros gisements de chaleur fatale sont très souvent à proximité de PME et de petites ETI qui ont des besoins en chaud ou en froid.
Quel est le business modèle derrière la technologie développée par Water Horizon ?
Nous ne sommes pas équipementiers, nous ne vendons pas de batteries. Ce que nous vendons, ce sont des Kwh de chaud ou de froid. Nous visons plus la livraison de froid, ce que l’on appelle le CAAS, cooling as a service, car c’est un marché en forte croissance, contrairement à celui de la fourniture de chaleur qui a tendance à baisser depuis une dizaine d’années.
Pour faire simple, nous allons installer chez le client un compteur de froid Linky, et ce dernier va consommer le froid dont il a besoin, tout simplement. Pour assurer une continuité de service le cas échéant, deux batteries sont déployées, l’une déchargeant pendant que l’autre recharge. C’est par exemple ce qui se passe sur un projet qui a permis à Water Horizon de mettre en service sa première batterie thermique industrielle, pour récupérer la chaleur fatale de l’incinérateur de Toulouse afin d’alimenter en chaud et en froid un complexe sportif local, équipé d’une piscine et d’une patinoire.
Quelles sont les motivations pour une entreprise qui va vous contacter pour récupérer sa chaleur fatale ?
Premièrement, ce qui est intéressant pour le client est que nous nous occupons de tout : trouver le consommateur, monter le projet, le financer. C’est-à-dire que ni le producteur ni le consommateur n’a besoin d’investir dans la technologie, dans les batteries pour pouvoir bénéficier de la valeur ajoutée créée.
Ensuite, nous allons intégrer de façon active le producteur dans le projet pour qu’il puisse au mieux profiter des retombées en termes d’images, de retombées économiques, et bientôt en termes de taxes, puisque la chaleur fatale sera un jour taxée.
A notre niveau, nous avons observé un virage dans la façon dont les producteurs de chaleur fatale traitent la problématique de la valorisation de ces chaleurs. Surtout les producteurs importants de chaleur fatale, qui comprennent que le sujet de la récupération de ces chaleurs prend de l’importance, notamment parce qu’il entre en compte aujourd’hui dans les critères ESG.
Enfin, il y a la question de l’image. Aujourd’hui, les DRH des entreprises très polluantes ont de plus en plus de mal à recruter, et se montrent intéressées par les technologies de récupération de chaleur fatale, dont l’implémentation démontre la volonté de l’entreprise de limiter son impact, améliorant aisni leur image auprès des jeunes actifs.
Vous évoquez 250 projets sur lesquels Water Horizon est impliqué à ce jour. Comment se répartissent géographiquement ces projets ?
A peu près 90% de ces projets se situent en France, et les 10% restants sont à l’étranger. Nous ne faisons pas de prospection commerciale, et nous avons même tendance à freiner les demandes entrantes. Aujourd’hui, nous sommes en phase d’industrialisation de nos batteries, donc nous nous situons plutôt en phase amont des projets dans lesquels nous sommes impliqués, en attendant de pouvoir disposer d’une usine pour produire nos batteries. Cela devrait être le cas à la fin 2025. D’ici-là, nous allons monter en cadence, avec deux projets déjà prévus pour cette année et 3 à 5 l’année prochaine.
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