L’activité quotidienne d’une entreprise peut souvent se décrire comme un ensemble de collaborateurs qui participent à l’exécution de processus métiers. Instruments privilégiés de la création de la valeur au service des clients, la gestion des processus est donc un domaine clé, et pour lequel toute une série d’approches et de techniques ont été élaborées depuis des années.
Le BPM (Business Process management) ou gestion des processus métiers se positionne aujourd’hui comme une démarche globale qui allie analyse, exécution et supervision, dans une volonté d’intégration forte avec les systèmes d’information. L’automatisation des processus et leurs contrôles, fondée sur un ensemble d’outils et de techniques, constitue un de ces axes majeurs. Cependant, cela ne va pas sans difficultés et la connaissance des technologies ne se substitue pas à la nécessaire maîtrise des aspects métiers. Cela requiert un minimum de méthode et de structuration, afin d’en mieux contrôler la complexité.
Qu’est qu’un processus métier ?
C’est la première question à se poser, même si elle peut apparaître triviale. Trop souvent, le terme « processus » se transforme en fourre-tout, comprenant à la fois des structures de haut niveau, la description d’un enchaînement d’écrans voire un algorithme informatique.
Au cours d’un récent atelier sur le sujet, où chacun était invité à donner sa définition du terme « processus métier », le consensus a été très difficile à trouver. « Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant ! ». Fondamentalement, un processus métier est une transformation qui produit une valeur ajoutée tangible à partir d’une sollicitation initiale. Il est divisé en activités (ou tâches), réalisées par des acteurs (humains ou automatiques) avec l’aide de moyens adaptés, qui contribuent chacune à l’obtention du résultat escompté. Le caractère « métier » du processus s’exprime par la nature du résultat, qui doit avoir un sens pour un client (client au sens large, interne ou externe) et mesurable.
Par exemple, dans la construction d’un bâtiment, le processus métier comprend la définition et l’organisation des tâches affectées aux différents participants. Les problèmes à résoudre portent sur la coordination, la disponibilité des ressources, l’échange et la synchronisation. A l’inverse, on va moins se préoccuper de la manière avec laquelle le maçon va s’y prendre pour construire son mur ou le charpentier pour monter la toiture. Par contre, l’ordre dans lequel ces deux tâches vont être réalisées est typiquement une question de processus.
Un processus est par nature transverse aux fonctions et entités de l’entreprise : il est constitué par les différentes étapes qui s’enchaînent de manière plus ou moins complexe à partir de la sollicitation initiale jusqu’à l’obtention du résultat final. On parle de processus « de bout en bout », porteur des indicateurs fondamentaux (KPI ou Key Performance Indicator), qui mesurent la qualité du service rendu. Cette vision à l’avantage de mettre l’accent sur le fonctionnement réel des entreprises, mais nécessite une bonne coordination entre les différentes entités impliquées. La mise en place d’une gouvernance adaptée s’appuyant sur la notion de « pilote de processus » devient un facteur clé pour la réussite des travaux.
Priorité aux processus « cœur métier »
Nous proposons de distinguer 3 niveaux de description des processus métiers : l’identification, la qualification et la modélisation proprement dite. Cette démarche se justifie par un constat suivant. Trop souvent, la précipitation à modéliser dans le détail les processus aboutit à une situation paradoxale : la prolifération de modèles difficiles à appréhender et dont la mise à jour délicate accélère leur obsolescence. Il est préférable de procéder par étapes et de disposer finalement de plans de lecture bien distincts, en fonction du type d’information recherché et du point de vue.
L’identification des processus peut prendre plusieurs formes: un simple inventaire ou une cartographie organisée. Bien entendu, on veillera à respecter les principes énoncés plus haut, de façon à conserver un haut degré d’homogénéité. Pour chaque processus un ensemble d’informations fondamentales sont regroupées dans la fiche d’identité du processus : l’évènement déclencheur, les entrées-sorties, les participants, ressources utilisée, les indicateurs clés (KPI), etc. Facilement accessible, cette fiche est le point d’entrée au processus, fournissant une vue globale et synthétique.
La qualification a pour objectif de mieux cerner les processus, et de faciliter les prises de décision. Cela part d’un constat simple : on ne peut pas mettre sur le même plan un processus totalement automatisé, exécuté 200 fois par minute, avec un autre pris en charge en majeure partie par les acteurs humains, et s’exécutant 2 fois par an. Les contraintes exercées, les compétences mobilisées, la palette de solutions, varient beaucoup d’un cas à l’autre et doivent être ajustées à chaque situation. La grille de caractéristiques va permettre de qualifier chaque processus de manière homogène à l’aide de critères directement exploitables : fréquence, complexité, durée, disfonctionnement constaté, typologie, nombre de participants etc.
La modélisation: les modèles fondés sur une notation graphique sont incontournables pour ce type de représentation, à l’image du standard BPMN (Business Process Modeling Notation). Depuis longtemps utilisé dans beaucoup de secteurs, les modèles servent à comprendre, élaborer et communiquer. Ils constituent également un instrument majeur de conservation du patrimoine de l’entreprise. Ils requièrent des compétences particulières et un certain savoir-faire : choix du degré de détail, recueil et consolidation des informations, communication. Suivant le but recherché, le type de modélisation sera différent : description générale, détail du processus, support pour l’automatisation. Il est recommandé de définir ces types de modèle et de toujours le préciser lors d’une communication.
Dans la pratique, le but n’est pas de fixer l’ensemble des processus de l’entreprise en une opération « big bang ». La priorité sera donnée aux processus « cœur métier », ou en fonction des opportunités de rénovation ou de modification métiers. Généralement, le nombre de processus « identifiés » est plus important que nombre de processus « qualifiés » et « modélisés », et il est conseillé de justifier clairement le passage d’un niveau à l’autre, notamment pour la modélisation, compte tenu de l’investissement nécessaire.
Pour conclure, quelle que soit la cible du point de vue technologique, il est nécessaire de soigner le volet analyse du BPM. A partir d’un cadre de structuration et des règles associées, la réussite de ce type d’opération passe également par une dose de pragmatisme et le maintient d’une vision claire sur les objectifs métiers.
Par Gilbert Raymond, Consultant Sénior chez SOFTEAM