Le réchauffement climatique risque d'engendrer l'extinction des espèces planctoniques polaires. Des nouvelles études parues dans la revue Cell mettent en évidence que le plancton tropical migrerait vers les pôles du fait du réchauffement des eaux. Cela s'expliquerait par une moins grande capacité d'adaptation génétique des espèces planctoniques polaires.
Sous l’effet du réchauffement des eaux océaniques, les espèces planctoniques des régions polaires pourraient se voir remplacées par des espèces tropicales. Ces résultats auxquels ont abouti deux équipes de recherches – CNRS, EMBL, CEA, Paris-Sorbonne, PSL –, dans le cadre des expéditions Tara Oceans, ont été publiées dans la revue scientifique Cell, jeudi 14 novembre.
Le plancton est composé de virus, de microbes et d’animaux microscopiques ; il est à la base de la chaîne alimentaire. Ces espèces captent une grande partie du CO2 atmosphérique et produisent de l’oxygène par photosynthèse. Ainsi, une modification de l’état planctonique des océans pourrait déséquilibrer des écosystèmes, notamment dans des zones abritant actuellement des espèces protégées. Tara Oceans considère que de telles modifications auraient également des conséquences économiques.
La nature du plancton change au gré des latitudes
Une navigation autour du Pôle Nord en 2013 a permis à plusieurs équipes de recherche d’étudier plus précisément la diversité des espèces planctoniques dans différentes zones du monde. Il est apparu que les populations planctoniques sont différentes d’une latitude à une autre. Dans le but de cartographier la présence de plancton dans le monde, Lucie Zinger, chercheuse au CNRS, et Chris Bowler, chercheur à l’IBENS – PSL, ont observé les données récoltées par 189 stations d’échantillonnage disséminées dans le monde dans le cadre de l’expédition Tara Oceans. Pour ce faire, les scientifiques ont évalué le type et la taille d’une population dans un espace donné.
« Nos résultats montrent clairement que la diversité planctonique est plus importante autour de l’équateur et diminue vers les pôles » explique Lucie Zinger. « L’existence de tels gradients latitudinaux de diversité est bien établie pour la plupart des organismes terrestres et avait été décrite par Alexander von Humboldt il y a déjà 200 ans ». Toutes les catégories de plancton sont concernées par le phénomène, « depuis les virus géants jusqu’aux petits métazoaires ».
Les données observées montrent de grandes différences de populations entre l’équateur et les pôles, qui se modifient progressivement selon les latitudes. Une première catégorie d’espèces planctoniques s’étend de l’équateur à 40 degrés au nord ou au sud. Ensuite, plusieurs strates témoignant de changements rapides sont enregistrées entre 40 et 60 degrés, dans les deux hémisphères. Au-delà de ces latitudes, les données redeviennent stables, au nord comme au sud. Cela s’explique par des changements physico-chimiques dans les eaux de surface, notamment la baisse significative des températures.
Des espèces planctoniques polaires inadaptées à la tropicalisation
Le réchauffement climatique ayant une incidence sur la température des océans pourrait donc provoquer une « tropicalisation » des régions océaniques tempérées et polaires. Lucie Zingler et Laurent Bopp, directeurs de recherches à l’ENS-PSL, ont évalué les effets possibles du réchauffement climatique sur la biodiversité planctonique. Bien que cette prédiction ne soit pas précise, il semblerait qu’une hausse de la diversité planctonique soit à prévoir dans les zones polaires.
Cela s’expliquerait notamment par une difficulté d’adaptation génétique des espèces planctoniques polaires au réchauffement climatique. Shinichi Sunagawa a étudié les capacités d’adaptation génétique du plancton par rapport au lieu de vie. Il apparaît que les espèces planctoniques tropicales ont la capacité de s’adapter à un changement d’environnement. Mais ces capacités ne se retrouvent pas chez les espèces polaires. Ces dernières ont des propriétés génétiques qui sont exclusivement adaptées à leur niche écologique.
D’autres espèces menacées, au-delà du plancton
Il semblerait donc que le réchauffement des océans puisse engendrer l’extinction du plancton spécifiques aux régions froides qui serait remplacé par des espèces planctoniques tropicales. C’est ce risque d’extinction qui est pointé du doigt, car de nombreuses espèces animales et végétales pourraient être impactées. Par extension, les conséquences économiques concerneraient en premier lieu la pêche. En effet, la modification de la population planctonique dans les eaux polaires et tempérées pourrait entraîner une réaction en chaîne.
Comme le rappelle Chris Bowler, « la présence de plancton plus gros capable d’absorber du carbone et de le maintenir stocké au fond des océans a un impact positif sur les émissions de CO2 dans ces environnements fragiles, tandis que l’existence de plancton plus petit servira de nourriture aux autres espèces ». Ainsi, sous l’effet du réchauffement climatique, des espèces pourraient disparaître d’un espace donné. Le saumon sauvage, par exemple, ne vit que dans les eaux froides de l’océan Atlantique. Il se nourrit de crevettes, qui elles-mêmes se nourrissent de plancton. Or, si le plancton habituellement présent dans ces zones disparaît, il manquera un maillon de la chaîne alimentaire.
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