Les espèces exotiques envahissantes se développent rapidement depuis les années 1970. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) dévoile ce 4 septembre l’évaluation la plus complète jamais réalisée sur le sujet.
En 2019, le rapport d’évaluation mondiale de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) identifiait les espèces exotiques envahissantes comme l’un des cinq principaux facteurs de perte de biodiversité, derrière les changements dans l’utilisation des terres et des mers, de l’exploitation directe des espèces, du changement climatique et de la pollution. Pour approfondir les connaissances scientifiques sur ce sujet délaissé, elle a alors lancé une évaluation internationale des espèces exotiques envahissantes et de leur contrôle. Élaboré par 86 experts de 49 pays, le rapport final s’appuie sur plus de 13 000 références. Le résumé pour décideurs a été approuvé le 2 septembre 2023 à Bonn, en Allemagne par les représentants des 143 États membres de l’IPBES.
« Les espèces exotiques envahissantes constituent une menace mondiale majeure pour la nature, les économies, la sécurité alimentaire et la santé humaine », mettent en garde les experts de l’IPBES. En particulier, les coûts annuels des dégradations causées par les espèces exotiques envahissantes ont dépassé les 423 milliards de dollars par an en 2019, contre moins d’un milliard dans les années 70. « Ces coûts ont au moins quadruplé chaque décennie depuis 1970 », calcule l’IPBES. 92 % de ces coûts concernent les dommages aux contributions de la nature à l’homme et à une bonne qualité de vie. Ils concernent notamment les dommages causés aux ressources alimentaires, à l’incidence négative sur la qualité de vie des populations et l’atteinte aux moyens de subsistance. Les 8 % restants concernant la gestion des invasions biologiques.
De plus en plus d’espèces invasives
Le rapport identifie plus de 37 000 espèces exotiques établies partout dans le monde. Chaque année, 200 nouvelles espèces exotiques viennent renforcer ces rangs. Il s’agit d’espèces introduites dans de nouvelles régions par les activités humaines. Sur ce total, les experts en considèrent plus de 3 500 comme « envahissantes ». Ces espèces exotiques « sont connues pour s’être établies et propagées, avec des impacts négatifs sur la biodiversité, les écosystèmes locaux et les espèces », définit l’IPBES. Ces espèces ont aussi souvent des impacts sur les personnes et la qualité de vie. Elles ravagent les cultures et les forêts, transmettent des maladies, s’attaquent aux services écosystémiques, ou encore menacent la sécurité en eau et la sécurité alimentaire.
Ce nouveau rapport considère que les espèces exotiques envahissantes jouent un rôle majeur dans 60 % des extinctions de plantes et d’animaux dans le monde. Elles constituent même le seul facteur dans 16 % des extinctions mondiales enregistrées par l’IPBES. « Au moins 218 espèces exotiques envahissantes ont été responsables de plus de 1 200 extinctions locales », ajoute Anibal Pauchard, co-président de l’évaluation via communiqué.
Helen Roy, co-présidente de l’évaluation met en garde, via communiqué : « L’accélération de l’économie mondiale, l’intensification et l’élargissement des changements dans l’utilisation des terres et des mers, ainsi que les changements démographiques sont susceptibles d’entraîner une augmentation des espèces exotiques envahissantes dans le monde entier. Même sans l’introduction de nouvelles espèces exotiques, les espèces exotiques déjà établies continueront à étendre leur aire de répartition et à se répandre dans de nouveaux pays et de nouvelles régions. Le changement climatique aggravera encore la situation ».
Développer des politiques cohérentes ambitieuses
En décembre 2022, lors de la COP15 biodiversité, les États se sont mis d’accord sur le principe d’un « cadre mondial pour la diversité ». Il vise à réduire l’introduction et l’établissement d’espèces exotiques envahissantes prioritaires d’au moins 50 % d’ici à 2030. Pour autant, les mesures de lutte actuellement déployées contre les espèces invasives restent largement « insuffisantes », souligne l’IPBES. Si la plupart des pays (80 %) ont adopté des cibles liées à la gestion des espèces exotiques envahissantes dans leurs plans nationaux pour la biodiversité, une faible minorité (17 %) a des lois ou réglementations nationales spécifiques sur le sujet. « 45 % des pays n’investissent pas dans la gestion des invasions biologiques », constate le rapport.
Bonne nouvelle, le rapport appuie sur les solutions à déployer pour faire face à la menace. Les mesures de prévention, comme la biosécurité aux frontières et les contrôles à l’importation, ainsi que les systèmes de détection précoce et de réaction rapides, ou leur éradication pure et simple apparaissent, selon les réalités locales, comme des outils efficaces, pointe le rapport. Les programmes d’éradication menés sur 998 îles ont notamment montré un taux de réussite de 88 %.
Pour réaliser des progrès, il faudra déployer « une approche intégrée spécifique au contexte, à travers et au sein des pays et des différents secteurs concernés par la biosécurité, y compris le commerce et le transport, la santé humaine et végétale, le développement économique », explique Peter Stoett, également co-auteur de l’évaluation, via communiqué. Entre autres, le rapport souligne l’importance de développer des politiques cohérentes, d’adopter des codes de conduite dans tous les secteurs et défend une gouvernance inclusive et équitable.
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