Le 21 janvier dernier, lors d’une conférence de presse au Centre de nanosciences et de nanotechnologies de l’université Paris-Saclay, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d’un Plan quantique français. « Le quantique fait partie des quelques clés du futur que la France doit avoir en main », avait alors indiqué le président de la République. Une enveloppe de 1,8 milliard d’euros sera ainsi consacrée au développement des technologies quantiques, suite aux recommandations du rapport rendu en janvier 2020 par la députée Paula Forteza, l’ancien PDG de Safran Jean-Paul Herteman et le chercheur au CNRS Iordanis Kerenidis.
Les financements permettront donc de développer les technologies quantiques, mais également celles dites « habilitantes », nécessaires au déploiement des systèmes quantiques. Pour mener à bien cette mission, l’État a fait appel au CNRS, à Inria et au CEA. « Le CNRS représente l’atout français majeur pour répondre efficacement aux défis des technologies quantiques de demain, et pour positionner la France au plus haut niveau de la compétition internationale », indiquait Sébastien Tanzilli, chargé de mission technologies quantiques au CNRS et membre de la task force pilotée par l’État.
L’intrication, clé de la révolution quantique
Directeur de recherche émérite et médaille d’or du CNRS, également professeur à l’Institut d’optique, Alain Aspect sait ce que la seconde révolution quantique pourrait apporter au domaine scientifique. « La première révolution quantique a permis le développement de la société d’information et de communication », a rappelé le membre de l’Académie des sciences, lors du sixième Sommet start-up et innovation. C’est ainsi que sont nées dans les années 1950 des inventions telles que le laser ou le transistor. Selon lui, deux concepts nouveaux permettront une seconde révolution quantique : l’intrication, propriété découverte par Albert Einstein en 1935, et le contrôle des objets quantiques individuels.
« Dans les années 1980, des théoriciens tels que Feynman, Shor et Deutsch ont réalisé que l’intrication ouvrait des voies totalement nouvelles dans le traitement de l’information », a indiqué Alain Aspect. Le physicien ajoute que grâce à la combinaison de l’intrication et des objets quantiques, il est possible de « faire des choses extraordinaires ». C’est ainsi que la puissance et la rapidité d’exécution de tâches complexes pourraient être multipliées. Une fois maîtrisée, cette technologie pourrait remettre en question des systèmes actuellement établis tels que la cryptographie. En effet, la cryptographie quantique rendrait obsolètes les systèmes de sécurité numériques classiques.
Les startups essentielles au quantique
Depuis plusieurs mois, de nombreuses sociétés travaillent au développement de machines quantiques. En octobre 2019, Google avait même annoncé avoir réussi à mettre au point un ordinateur quantique capable d’effectuer un calcul complexe en 3 minutes et 20 secondes grâce à son processeur Sycomore comptant 54 qubits. Le géant américain a affirmé dans le même temps que l’ordinateur binaire le plus puissant du monde, conçu par IBM, aurait besoin de 10 000 ans pour effectuer cette tâche. IBM a ensuite infirmé cette assertion en arguant qu’avec de grandes quantités de stockage, cette opération pourrait être réalisée en un peu moins de trois jours.
En France, le ton est davantage à la coopération. Atos, entreprise spécialisée dans la transformation digitale, a développé un langage appelé Atos Software Assembly Language pour coder des algorithmes quantiques. Selon Pierre Barnabé, directeur général big data et cybersécurité chez Atos, les résultats obtenus sont satisfaisants et proches de ceux obtenus par des machines quantiques en laboratoire. La société a décidé de partager son expertise en mettant en ligne sa Quantum Learning Machine, accessible librement. Ainsi, les étudiants et les ingénieurs peuvent s’entraîner à créer leurs propres algorithmes.
Et aux côtés des grandes entreprises, des structures de tailles plus modestes s’exercent au quantique. Pour Pierre Barnabé, cette dynamique est positive. « Les startups ont plus que jamais leur place dans la création de cet univers. On [les] invite à aller sur le site pour apprivoiser le langage, comprendre comment il fonctionne et faire des essais », a-t-il affirmé. Selon lui, l’objectif principal est de faire en sorte que les entreprises soient assez familiarisées avec le quantique pour pouvoir utiliser les machines lorsqu’elles seront prêtes. Alain Aspect pense également que le concours des startups est essentiel. Le physicien explique qu’à l’heure actuelle, nul ne sait quelle sera la meilleure application du quantique. Pour la trouver, il sera nécessaire que petites et grandes entreprises explorent « toutes les pistes ».
Dans l'actualité
- « Il faut dès aujourd’hui préparer la transition quantique »
- « Les approches classique et quantique sont complémentaires »
- Développer des boîtes quantiques sur mesure, en moins d’une heure grâce à l’intelligence artificielle
- Dans la course à l’informatique quantique, l’Europe risque de prendre trop de retard
- L’informatique quantique : une réelle menace pour la sécurité des connexions
- Conserver 500 To de données sur un CD grâce au stockage 5D
- La stratégie quantique de la France favorise l’émergence de startups prometteuses
- Les investissements en direction des innovations quantiques décollent !
- Les technologies quantiques : les entreprises doivent s’y préparer dès maintenant
- Chiffrement post-quantique : les chercheurs français reconnus aux États-Unis
- Nicolas Sangouard : « L’ordinateur quantique n’existe pas encore, mais il représente déjà une menace »
Dans les ressources documentaires