« La neutralité pour une entreprise, cela ne veut rien dire et je pense que l’on est franchement tous coupables si l’on continue à rendre crédible cette position, assène Hélène Valade, directrice Développement Environnement de LVMH et présidente d’Orse, lors de l’événement Neutrality organisé en ligne fin juin. Une entreprise peut contribuer à la neutralité, mais cela se fait à une échelle plus globale. »
Et pour cause, comme l’expliquait récemment l’Ademe, la neutralité carbone n’a de sens qu’à l’échelle mondiale ou nationale. Les engagements des pays s’enchaînent donc pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Au niveau mondial, l’objectif consiste à décarboner l’activité économique à l’horizon 2050. En France, il s’agit de passer de 437 millions de tonnes de CO2 émises en 2019 à près de 100 millions de tonnes en 2050.
Prendre des objectifs de réduction ambitieux
Les experts s’accordent à dire que les entreprises ne peuvent pas se revendiquer neutres en carbone. Des travaux sont en cours pour définir un cadre de référence robuste et crédible sur ce que veut dire la neutralité carbone dans le cadre de l’entreprise. Ainsi, la Science Based Targets initiative développe actuellement un standard Net-zero à l’occasion de la COP26, pour définir ce qui est attendu d’une entreprise qui contribuerait suffisamment à la neutralité carbone.
« Avoir un objectif à 2050 de neutralité carbone est essentiel mais n’est pas suffisant, prévient Alice Rimpot, directrice de l’engagement sociétal de Carbon Disclosure Project (CDP), organisation à but non lucratif qui publie des données sur l’impact environnemental des plus grandes entreprises. Cela doit être appuyé par des objectifs basés sur la science intermédiaire, alignés sur une trajectoire à 1,5°C pour s’assurer de cette décarbonation suffisamment rapide. »
Réduire et remplacer pour décarboner
De grands principes peuvent toutefois d’ores et déjà être partagés. La première chose à faire pour contribuer à la neutralité carbone est de se concentrer sur la réduction des émissions. « L’objectif de neutralité combine une réduction des émissions maximale avec une neutralisation des émissions résiduelles, partage Alice Rimpot. Il faut une transparence sur ce que l’entreprise se fixe comme objectif de réduction d’émissions et ensuite sur sa contribution à travers la compensation volontaire. »
Cette réduction des émissions passe par une adaptation de l’activité des entreprises au contexte de changement climatique. « Les entreprises doivent de plus en plus s’orienter vers la production de services et de produits bas carbone et se désinvestir des produits les plus émetteurs », prévient pour sa part Fanny Fleuriot, animatrice comptabilité carbone à l’Ademe
Il s’agit en parallèle de préserver les puits naturels existants – forêts, océans et sols –, de les régénérer et de les redynamiser. « Lorsqu’on développe des plans d’actions de réduction, il faut s’assurer que ces actions préservent bien les stocks existants, observe Fanny Fleuriot. Il faut ainsi réfléchir à nos pratiques actuelles, reboiser, avoir une gestion améliorée de nos forêts pour en maximiser le potentiel de séquestration ». Il s’agira enfin de développer des puits technologiques, regroupant les solutions de capture et de stockage dans le sous-sol.
Réduire, remplacer, puis compenser
Une fois les émissions réduites au maximum, les entreprises peuvent enfin compenser localement et à l’étranger les émissions restantes. Il reste de nombreux défis à relever sur ce point. « La compensation sert aussi à amorcer des projets qui, sans ces fonds libérés, n’existeraient pas, estime Muriel Barnéoud, directrice de l’engagement sociétal du groupe La Poste. Depuis 2012, La Poste, c’est 45 millions d’euros investis dans l’univers de la compensation, 350 000 hectares de forêts sauvegardés, plus de 50 espèces préservées, plus de 4 millions d’habitants sur Terre qui accèdent à une énergie d’origine renouvelable ».
« Il est vraiment important pour les entreprises de comprendre qu’il faut bien choisir ses unités de séquestration : les critères de permanence, d’additionnalité, de vérification et de certification externe, d’unicité du crédit sont aussi importants, voire plus importants, dans la séquestration que dans la réduction et les profils de risques vont varier de façon très importante selon la typologie de projet. Un projet de séquestration de carbone dans le sol est intrinsèquement beaucoup plus risqué qu’un projet forestier ou de direct air capture », conclut Marion Verles.
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