C’est une offre publique d’achat (OPA) pas comme les autres qui a secoué le secteur européen de l’énergie cette semaine. En annonçant vendredi dernier à la Comisión del Mercado de Valores Mobiliarios (CMVM) son intention de racheter le capital d’Energias de Portugal, la China Three Gorges a fait couler beaucoup d’encre. Il faut dire que si l’opération réussie, elle représenterait un tournant sur la scène énergétique européenne.
Une OPA ni hostile, ni amicale
Difficile de caractériser formellement l’OPA lancée par la China Three Gorges sur Energias de Portugal. Elle n’est pas vraiment amicale puisque le conseil d’administration n’a pas été intégré dans la manœuvre, contrairement à celui de Direct Energie lors de l’OPA de Total le mois dernier par exemple. Pire, il a estimé mardi après avoir examiné l’offre, de 9 milliards d’euros tout de même, qu’elle n’était pas suffisante et qu’elle ne valorisait pas suffisamment le groupe portugais qui dispose d’un portefeuille de près de 10 millions de clients, plus de 20 000 kilomètres de lignes électrique et un parc de production électrique installé de quelque 26,7 GW, soit l’équivalent d’une trentaine de réacteurs nucléaires…
Elle ne peut pas non plus être considérée comme totalement hostile car avec 23,27%, la compagnie propriétaire des fameux barrages des Trois Gorges est le premier actionnaire d’EDP depuis que le groupe a été privatisé en 2011 suite à la crise financière qui a si durement touchée le Portugal, contraint de vendre tout ou partie de ses fleurons nationaux. La China Three Gorges aurait ainsi investi beaucoup dans la compagnie qui lui appartient déjà pour près d’un quart du capital.
Enjeu géopolitique
Mais voilà, l’énergie est un secteur stratégique et la prise de contrôle d’un acteur de référence sur la scène européenne (surtout ibérique) par une compagnie détenue par l’Etat chinois serait une première et pose problème. D’aucuns voient dans l’opération une tentative à peine déguisée de Pékin de prendre le contrôle d’infrastructures stratégiques pour mieux peser sur les décisions européennes. « Au-delà des infrastructures de transport dont la conquête vise à maîtriser les flux commerciaux, qu’il s’agisse du contrôle du port grec du Pirée ou des investissements colossaux dans l’est et le sud de l’Europe pour construire ses « nouvelles routes de la Soie », cette acquisition d’EDP s’inscrit dans une stratégie chinoise évidente de leadership dans les industries liées aux nouvelles technologies de l’énergie », met en garde la CFE-CGC Energies, l’un des syndicats du secteur français de l’énergie.
D’autres estiment au contraire que l’argent venu d’Asie est le bienvenu pour renflouer des entreprises européennes mises en difficultés par le désengagement de leur Etat et la concurrence accrue sur le marché mondialisé de l’énergie. En réalité, les rumeurs sur l’acquisition d’EDP allaient déjà bon train et il n’est guère surprenant de voir la compagnie faire l’objet d’une OPA. Les noms de l’espagnol Gas Natural Fenosa ou du Français Engie revenaient régulièrement dans les discussions, le premier ayant confirmé son intérêt, le second l’ayant nié. Reste à savoir si le groupe chinois va réussir à atteindre les 50% du capital pour prendre le contrôle d’EDP ou s’il va devoir réévaluer à la hausse son offre pour convaincre des actionnaires encore hésitants. Autre option possible, l’apparition d’une contre-offre issue d’un grand acteur européen pour contrer les velléités chinoises. Affaire à suivre.
Romain Chicheportiche
Et dans ce contexte stratégique, on envisage toujours la privatisation d’ADP ?
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