Les énergies renouvelables pourraient en théorie couvrir des centaines de fois les besoins de l'humanité. Mais comment les domestiquer de façon industrielle et rentable ? En d'autres termes, sont-elles crédibles ? Tel a été le thème du débat qui s'est tenu samedi 20 juin au Collège de France dans le cadre du Forum Science, Recherche et Société.
Le 20 juin dernier se tenait au collège de France, dans le cadre du Forun Sciences, Recherche et Société, un débat sur le thème des énergies renouvelables : comment les domestiquer de façon industrielle et rentable ? En d’autres termes, sont-elles crédibles ?C’est à Jean-Louis Bal, directeur des énergies renouvelables à l’Ademe, qu’est revenu de faire le premier constat. Celui-ci a signalé que les seules énergies renouvelables qui nous viennent du ciel (le solaire, l’éolien…) représentaient 800 fois les besoins totaux de l’humanité. Cette donnée ne prend en compte ni l’autre grande famille des énergies renouvelables, celles qui nous viennent du sol, ni même l’énergie due à la variation de la gravitation (les marées), ce qui donne la pleine mesure du potentiel des énergies renouvelables.Néanmoins à court-terme, explique Patrick Faisques, responsable des relations institutionnelles avec la recherche pour Véolia Environnement, la France va devoir « passer à l’échelle industrielle » pour atteindre l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables en 2020 qu’elle s’est fixée. Pour Jean-Louis Bal, l’avenir passera par un réseau de distribution intelligent qui pilote à la fois l’offre et la demande. Mais si on s’en tient au Grenelle de l’environnement, la priorité est pour l’instant clairement donnée à la baisse de la consommation (35 millions de tonnes équivalent pétrole, tandis que le Grenelle estime les capacités des énergies renouvelables à 20 millions de tonnes équivalent pétrole).Jean-Louis Butré, Président de la Fédération Environnement Durable, s’est quant à lui attaqué vivement à la filière éolienne, coûteuse et peu rentable, sans oublier les problèmes de voisinage et un impact paysager non négligeable. Il y a aujourd’hui en France entre 2.000 et 2.200 éoliennes produisant 3.500 MW, soit 1 % de notre production d’électricité. Pour atteindre les objectifs du Grenelle, il va falloir multiplier ce nombre par 7 et atteindre ainsi les 12.000 à 15.000 éoliennes pour un coût de 2,5 milliards d’euros par an (soit à titre de comparaison le budget du CNRS). Si les énergies renouvelables sont l’avenir, « il ne faut pas que tout devienne une grande lessive verte », précise-t-il.
« Tout déséquilibre dans la nature crée de l’énergie »
Le photovoltaïque et les énergies marines ont davantage fait le consensus. La voie vers les énergies renouvelables devrait donc passer, à court terme, par le photovoltaïque et, à long terme, par les énergies marines dont la France est particulièrement bien dotée. Pour Jean-Louis Bal, la France dispose de 10.000 km² de surface construite : si on met du photovoltaïque partout, on double la production actuelle d’électricité, avec une emprise au sol de zéro. 30 mètres carrés de panneaux suffisent ainsi à couvrir notre consommation personnelle annuelle.Après avoir rappelé que « tout déséquilibre dans la nature crée de l’énergie », Frédéric Jouve, directeur de la recherche sur les énergies renouvelables du Groupe EDF, a répertorié les énergies marines les plus prometteuses : le marémoteur, d’abord, qui doit néanmoins résoudre le problème de son impact environnemental, le houlomoteur ensuite (les courants marins), qui a la capacité de couvrir la consommation électrique européenne. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de technologie avérée capable de résister à la houle. Enfin, le thermique des mers.Le débat ne s’est pas attardé sur les biocarburants. Jacques Faisques a néanmoins eu le temps de rappeler que, grâce à une analyse de cycle de vie, Véolia n’avait pas fait l’erreur de se positionner sur les biocarburants de première génération, ce en quoi l’histoire lui a donné raison. Toutefois, aujourd’hui, elle s’est lancée dans la transformation des huiles de friture usagées (notamment des McDo) en biomasse.
Oui, les énergies renouvelables sont crédibles
Pour finir, notons une question intéressante sur le pourquoi du peu de place faite à la géothermie en France. Pour Jean-Louis Butré, ce sont les pétroliers, à savoir les prospecteurs, qui pourraient s’intéresser à la géothermie, mais cela n’arrivera pas tant que les réserves de pétrole ne seront pas épuisées. Jean-Louis Bal a quant à lui cité l’exemple de la première centrale géothermique en Alsace qui exploite la chaleur des roches profondes sèches. Un principe novateur, car il exploite la géothermie même dans les endroits où il n’y a pas de nappes aquifères à haute température (ce qui est le cas général en France hormis pour l’outre-mer).D’autre part, en Ile de France, un nouveau forage dans une nappe à 80 °C situé à 1.500 m de profondeur va alimenter 4.000 foyers près de la Villette. Enfin, plusieurs dizaines de milliers de ménages s’équipent chaque année de pompes à chaleur. Mais, pour Jacques Fraisques, le problème de la géothermie est celui de la distribution de la chaleur. La géothermie implique d’avoir un réseau de chaleur, donc un chauffage collectif, alors qu’en France, le chauffage individuel prime. Si le chaud et le froid ont été successivement jetés sur l’une ou l’autre filière des énergies renouvelables (l’éolien, pour ne pas le citer, mais aussi la biomasse), la réponse à la question initiale laisse peu de place au doute : oui, les énergies renouvelables sont crédibles. Pour autant que toute proposition énergétique soit complète, comme l’a rappelé un auditeur de Sauvons le climat : « Il faut faire un scénario complet : évaluer les économies d’énergies possibles tout en faisant une proposition globale pour fournir le reste ». Faute de quoi, on fausse le débat.Par Clémentine Fullias
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