Il est difficile d'enquêter sur les incendies, car ils détruisent souvent les preuves de leur cause. Les scientifiques suisses ont cependant démontré comment les objets connectés peuvent révéler de précieux indices.
Le 21 juin 2023, un incendie dans un immeuble situé rue Saint-Jacques à Paris a blessé des dizaines de personnes. Le 12 janvier 2019, un incendie rue de Trévise à Paris faisait quatre morts, 66 blessés et près de 400 sinistrés. Dans les deux cas, une fuite de gaz serait à l’origine de ces sinistres.
Mais les enquêtes sont parfois très longues pour déterminer si l’origine est criminelle ou accidentelle. En tenant compte des connaissances physiques et chimiques du feu et de la propagation de la chaleur, un raisonnement à rebours est appliqué pour définir, par hypothèse, le lieu où le feu s’est déclaré.
Les artefacts produits par la propagation de l’incendie sur les installations électriques (séquence de déclenchement des disjoncteurs, cartographie des arcs électriques…) sont également très souvent pris en compte, ainsi que les déclarations des témoins et des premiers intervenants.
Des traces pour l’enquête
Une autre piste reste encore trop souvent négligée : les appareils de l’Internet des objets (IoT) à usage domestique. En France, dans une étude parue en janvier 2022, l’ADEME et l’Arcep estiment à 244 millions le nombre de ces appareils.
Parmi ces équipements, seuls 21 % sont destinés à la sécurité (caméras, détecteurs) selon l’édition 2022 du baromètre du numérique de l’Arcep. Ce sont néanmoins autant de « sentinelles » pour mieux comprendre l’origine d’un incendie.
C’est la piste étudiée par des scientifiques de l’université de Lausanne, en Suisse. En stockant des données dans le cloud ou en envoyant des vidéos au smartphone du propriétaire de l’habitation, des équipements pourraient fournir de précieuses informations aux enquêteurs avant d’être détruits par les flammes.
L’étude de l’équipe suisse met en évidence le potentiel des données captées par les appareils IoT pour l’enquête. Ces appareils ont des « yeux et des oreilles » et peuvent fournir des informations médico-légales précieuses.
Lors d’une expérience menée dans un appartement situé dans un immeuble voué à la démolition, les chercheurs ont examiné comment ces équipements s’avéraient utiles en cas d’incendie criminel impliquant de l’essence.
Applications mobiles
Dans ce scénario, ils ont constaté que les appareils (capteurs de température et de mouvement, caméras intelligentes, détecteurs de fumée et assistant vocal) aidaient à révéler le moment précis où l’incendie s’était déclaré, la pièce dans laquelle il s’était déclenché et la chronologie de sa propagation.
Des informations ont été conservées et récupérées même lorsque les appareils ont été complètement détruits. Mais les chercheurs n’ont pas toujours pu accéder directement aux données stockées dans la mémoire en local à cause de systèmes de protection des données.
Par ailleurs, cette équipe a pu facilement récupérer des données sur les smartphones des propriétaires des appareils connectés. Lors d’une expérience, l’équipe suisse avait constaté que l’application d’un appareil connecté avait recueilli une multitude de données sur la température, l’humidité et les mouvements, tandis qu’une autre application a fourni une vidéo enregistrée pendant l’incendie.
Dans une autre expérience, l’application de la prise intelligente avait enregistré l’heure et la pièce où la demande d’activation de la prise intelligente a été faite. Les données des capteurs de chaleur et de dioxyde de carbone avaient suggéré que l’incendie s’était déclenché environ six minutes après l’activation de la prise.
Par ailleurs, les dispositifs IoT installés dans l’appartement avaient révélé que le feu s’était développé rapidement après l’allumage, et non lentement, comme cela pourrait se produire si, par exemple, une cigarette était laissée sur un canapé.
Ces deux expériences ont donc mis en évidence l’utilité des dispositifs IoT en tant que témoins numériques potentiels et nouvelles sources d’indices pour les enquêteurs.
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