En France, la tranche des 50-65 ans représente 25% de la population active. Pour les entreprises, la question stratégique du transfert de connaissances entre générations est plus que jamais d’actualité ! Mais il y a deux types de connaissances : les connaissances explicites, exploitables par les moteurs de recherche, et les connaissances tacites qui tiennent compte du raisonnement des experts. Cette dernière discipline est la spécialité de Meetsys, une entreprise du groupe Bassetti, dont nous avons interrogé deux experts en gestion des connaissances tacites.
Le groupe Bassetti est leader dans le management de l’expertise technique.
Meetsys est spécialisée dans la capitalisation des connaissances tacites.
La solution de Knowledge Management i2Kn développée par Meetsys repose sur une méthodologie de capitalisation des raisonnements d’experts.
Techniques de l’ingénieur : En quoi consiste la gestion des connaissances, ou Knowledge Management ?
Jérôme Laforcade : Le Knowledge Management est une notion qui regroupe énormément de domaines liés à la gestion des connaissances au sein d’une organisation. Il y a deux types de connaissances : les connaissances explicites et les connaissances tacites.
Le fait de capitaliser sur de l’information écrite dans un objectif de résoudre des problèmes ou de partager des informations rentre dans le champ des connaissances explicites. Ce sont les outils que tout le monde utilise au quotidien : les wikis, les moteurs de recherche, les PLM[1], etc. Bref, ce sont tous les documents formulés et stockés. Cette connaissance explicite représente la majorité des initiatives dans le domaine du Knowledge Management aujourd’hui.
Les connaissances tacites, détenues par les experts humains et qui ne sont écrites nulle part, ne sont que peu exploitées par les entreprises. Aujourd’hui, quand quelqu’un a besoin d’une information, son premier réflexe est d’aller taper quelques mots clés sur un moteur de recherche. Dans la majorité des cas, la personne obtient rapidement l’information dont elle a besoin via ces bases de connaissances explicites.
Mais que se passe-t-il lorsqu’elle n’obtient pas la réponse souhaitée ? Naturellement, la personne se tourne vers des collègues qui répondent à sa question ou l’orientent vers un expert du domaine. Lorsque les réponses données par un moteur de recherche ne permettent pas de résoudre le problème, seul un expert du domaine est alors en mesure de guider le demandeur vers les réponses pertinentes. Ces réponses, il les puise dans son expérience et ses compétences, pas seulement dans des documents formalisés.
Le rôle de Meetsys est d’arriver à capter, structurer et partager les connaissances tacites détenues par ces experts, d’une manière efficace et la plus automatisée possible.
Pour une entreprise, quelle est la valeur de ces connaissances tacites ?
Jérôme Laforcade : L’explosion du nombre de moteurs de recherche sémantiques et des IA est révélatrice d’un problème plus profond. Le nombre de documents auxquels nous avons accès est en croissance exponentielle et c’est dorénavant le nombre qui fait l’illusion de la connaissance.
Comment innover lorsque toutes les informations proviennent des mêmes sources ? L’expert, lui, arrive à se démarquer, grâce à son raisonnement. Il a la capacité de lier des signaux faibles, de formuler des raisonnements, ce dont est incapable un moteur de recherche.
Contrairement aux moteurs de recherche, qui apportent un ensemble de documents classés selon des algorithmes de plus en plus obscurs, les bases de connaissance tacites permettent d’aller beaucoup plus loin en disant : « Voilà la solution, pourquoi elle s’applique et comment elle s’applique », comme le ferait un expert.
Comment faites-vous pour recueillir ces connaissances tacites ?
Jérôme Laforcade : Pour recueillir ces connaissances tacites, nous cherchons tout d’abord à comprendre la manière de raisonner de chaque expert, sur la base d’interviews. Nous travaillons alors avec eux pour décortiquer les processus qu’ils utilisent et qui ne sont pas formalisés.
Nous intégrons ensuite ces processus dans une base de connaissances, ce qui se rapproche de la constitution d’un livre de connaissances. Ce n’est cependant que la première étape. L’enjeu est ensuite d’établir des liens automatiques entre des processus appartenant à des expertises différentes, car il faut bien comprendre que la valeur des connaissances tacites n’est pas dans la quantité d’informations récoltées, mais dans la combinaison de ces connaissances.
Nous avons donc développé une approche qui permet de rendre compte de cette communauté de connaissances, ainsi qu’un outil spécifique : i2Kn.
Une fois que la base de connaissance tacite collaborative est établie, l’outil est mis à disposition des équipes. Il y a par ailleurs une forte dimension pédagogique, car l’utilisation de cet outil contribue fortement à la montée en compétence des équipes.
Le recueil des connaissances tacites est-il suffisamment pris en compte par les entreprises ?
Florian Guely : Dans les entreprises, on se focalise essentiellement sur les connaissances explicites et l’exploitation de solutions automatisées qui prennent peu de temps aux gens. Il y a un certain nombre de fantasmes actuellement autour de l’utilisation d’IA génératives permettant d’exploiter l’ensemble d’une base documentaire et de retrouver toutes les informations nécessaires. Ce serait faire l’impasse sur l’ensemble des connaissances tacites, qui représentent au moins 80 % du savoir d’une entreprise.
La gestion des connaissances tacites est pour le moment le parent pauvre du Knowledge Management. Les entreprises en prennent la mesure et réalisent le besoin de répondre à cette problématique dans les situations de départ à la retraite d’experts, lorsqu’elles font venir des prestataires pour interviewer les personnes.
En général, dans ce cas de figure, les informations recueillies servent à établir un livre de connaissances qui n’est au final qu’un document de plus. Toutefois, cela va rarement plus loin. Notre vision est qu’il est possible d’apporter bien plus de valeur pérenne pour l’entreprise à travers des démarches continues visant à capitaliser et consolider les connaissances tacites d’une entreprise au sein de bases partagées et interconnectées.
Ces démarches doivent être perçues comme un avantage concurrentiel ; elles permettent de pérenniser l’expertise, mais aussi de gagner en réactivité, ce qui peut se traduire par une capacité à gagner plus de marchés et sortir plus de produits dans le même temps.
Les Knowledge Managers ont pour habitude de manipuler essentiellement des connaissances explicites, et nous sommes là pour les aider à appréhender durablement les connaissances tacites parcellaires, non consolidées.
La consolidation générale de l’expertise et de la connaissance tacite est au cœur du métier de Meetsys. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons intégré le groupe Bassetti, spécialisé dans la gestion des connaissances explicites. Nos axes de développement vont vers une intégration de ces connaissances complémentaires, ce qui permettra à nos clients de bénéficier d’une offre plus complète.
[1] Système de gestion du cycle de vie des produits
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