Le dispositif réglementaire en vigueur prévoit tout d’abord que « toute modification apportée par le demandeur à l’installation, à son mode d’utilisation ou à son voisinage, entraînant un changement notable des éléments du dossier de demande d’autorisation doit être portée, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d’appréciation » (article R512-33 II alinéa 1er du code de l’environnement).
La première étape consiste donc à s’interroger sur le caractère « notable » ou non du changement. Cette notion n’est pas définie par les pouvoirs publics, et elle est appréciée au cas par cas par le Juge lorsqu’il est saisi.
Il a été jugé que ne constitue pas un changement notable le remplacement, au sein du service de sécurité d’une raffinerie, des sapeurs-pompiers professionnels par des personnels n’ayant pas cette qualité mais spécialement formés et entraînés (CAA Lyon, 10 décembre 2002, CHRCST de la raffinerie Elf Antar de Feyzin, n°98LY02085). Au contraire, ont été considérées comme des changements notables l’augmentation des capacités de stockage de substances polluantes (CAA Nancy, 30 juin 1994, Bouchard, n°93NC00690) ou l’installation d’un nouvel appareillage dans un atelier de menuiserie (Conseil d’Etat, 1er octobre 1976, Boutboul, Lebon Tables page 943).
Par précaution, et pour éviter toute situation difficile avec l’autorité préfectorale, il est conseillé de la tenir informée de tout changement suffisamment important et susceptible d’avoir un impact sur les conditions initiales de fonctionnement de l’installation, que cet impact soit positif ou négatif. Est au demeurant puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (montant de 1 500.00 euros au plus) le fait d’omettre de procéder à cette information avant la réalisation de la modification.
C’est sur la base de cette information, délivrée par l’exploitant, que l’autorité préfectorale va apprécier l’importance du changement. Si le changement n’est pas substantiel, il peut simplement enregistrer la modification, mais il peut également inviter l’exploitant à déposer une demande d’enregistrement ou lui imposer des prescriptions techniques complémentaires (article R512-33 II alinéa 4 du code de l’environnement). « S’il estime, après avis de l’inspection des installations classées, que la modification est substantielle, le préfet invite l’exploitant à déposer une nouvelle demande d’autorisation » (article R512-33 II alinéa 3 du code de l’environnement).
Une modification est considérée comme substantielle notamment lorsque sont atteints des seuils quantitatifs, ou lorsqu’elle est de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts protégés par la réglementation des ICPE (cf. liste figurant à l’article L511-1 du code de l’environnement).
Pour faciliter cette appréciation, la circulaire ministérielle du 14 mai 2012 fixe des lignes directrices dont elle préconise l’application « dans le cadre d’une analyse détaillée de chaque cas particulier ». Il ne s’agit en aucun cas de critères automatiques que l’autorité préfectorale peut utiliser pour motiver sa décision. La circulaire invite par ailleurs les préfets à statuer dans un délai maximal de deux mois à partir du moment où l’exploitant a transmis les éléments d’information nécessaires.
Trois situations sont distinguées :
- Dépassement des seuils fixés par la nomenclature des ICPE ou par la directive n°2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles, IED (appelée à remplacer la directive relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution, IPPC)
La circulaire précise que « le premier dépassement » soit du seuil haut de la directive Seveso, correspondant au seuil AS de la nomenclature des ICPE, soit d’un seuil de la directive IED constitue systématiquement une modification substantielle. Les dépassements ultérieurs de ces seuils, ou encore le dépassement du seuil bas de la directive Seveso, ne sont donc pas concernés par cette automaticité.
- Dépassement de seuils réglementaires
Pour mémoire, l’arrêté ministériel du 15 décembre 2009 fixe des seuils et critères qui conduisent systématiquement à une nouvelle procédure d’autorisation. Sont concernées :
– les installations qui utilisent des solvants organiques relevant de la directive n°99/13/UE du 11 mars 1999 relative aux composés organiques volatils (COV),
– les installations relevant de la directive IED précitée,
– les industries chimiques et pétrolières relevant de la directiven°2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
Dès lors que la modification entraîne un dépassement d’un seuil fixé par cet arrêté ministériel, pour ces catégories d’installations, elle doit automatiquement être considérée comme substantielle.
- Evaluation au cas par cas
En dehors des cas d’automaticité précités, les modifications doivent faire l’objet d’un examen au cas par cas. La circulaire insiste tout d’abord sur la nature des éléments d’information qui doivent être transmis par l’exploitant, et à défaut, qui doivent lui être demandés : description suffisamment détaillée, modifications des rubriques de classement, rejets, incidences.
Le caractère significatif d’un accroissement des dangers et inconvénients doit être apprécié « de manière relative en fonction des enjeux principaux présentés par l’installation ». La circulaire rappelle enfin qu’en l’état de la jurisprudence, il convient de tenir compte des changements successifs et de leurs effets cumulés.
Par Solange Viger, avocate au barreau de Paris et consultante en droit de l’environnement
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