Cloîtré chez soi en période de confinement en raison de la propagation du nouveau coronavirus (Covid-19), sans autre moyen de distraction que les réseaux sociaux, on est vite tourmenté par un flot d’informations à la fiabilité plus ou moins suspecte ! Une solution serait de se déconnecter et privilégier les loisirs plus archaïques comme les bains à bulles, les livres de poche, ou le tricot… Une autre serait de chercher soi-même l’information directement à la source.
Plusieurs équipes de chercheurs et d’experts, indépendantes ou affiliées à des établissements, ont rendu disponibles sur le Web des cartes du monde alimentées en continu avec les derniers décomptes de cas atteints, décès ou encore rétablissements. De nombreux médias, francophones et anglophones, incluent des captures de ces cartes dans leurs publications. Mais il est possible pour chacun de consulter directement ces sources d’information. Deux possibilités se présentent : suivre dans le monde la progression du nombre d’infections ou traquer l’évolution génétique du virus au fur et à mesure de sa propagation.
L’épidémiologie mondiale vue en temps réel
L’un des sites les plus relayés est celui de l’université de Johns Hopkins (Etats-Unis). Il reprend des données récoltées du monde entier et que les chercheurs responsables de la plateforme ont rendu disponibles sur GitHub. Ces informations proviennent de sources diverses dont notamment le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, l’Organisation mondiale de la santé, et les ministères et départements en charge de la santé ainsi que des centres de prévention en Chine, aux Etats-Unis, en Italie, en Australie, à Taïwan, à Singapour… La carte a l’avantage de montrer dans le détail, pour chaque pays, le nombre des personnes infectées par le virus, combien en sont décédées et combien ont guéri. Méfiance, cependant : des hackers tentent d’ores et déjà de profiter de la situation en diffusant des liens vers de fausses plateformes de cartographie, d’apparence semblable à la carte de Johns Hopkins, et dans lesquels sont dissimulés des logiciels malveillants. D’autres outils de veille notables et semblables sont le site de suivi en temps réel de The Base Lab, qui affiche de plus une sélection des derniers articles internationaux en lien avec la pandémie, ou encore HealthMap où l’on peut visualiser dans une chronologie animée la propagation des infections au Covid-19 dans le monde.
Selon la carte de l’université de Johns Hopkins : en France métropolitaine, le lundi 23 mars à midi, on en est à 16 018 cas confirmés, 674 morts et 2 200 guérisons. En revanche, cette carte n’indique pas la localisation exacte, région par région, en France, alors que ces précisions sont apportées sur les cartes de la Chine ou encore des Etats-Unis.
Dans l’Hexagone, une source de chiffres régionaux intéressante est le site de Santé publique France qui rassemble sur une même page les données épidémiologiques du pays et les met à jour en fin de journée, sans pour autant les représenter sur une carte.
Suivre l’évolution génomique du Covid-19
Pour aller plus loin, NextStrain offre la possibilité de comprendre l’expansion de la pandémie en suivant les mutations génétiques du virus au fil de sa transmission. Le site se base sur l’analyse des 955 génomes du SARS-Cov-2 (Covid-19) partagés publiquement à ce jour sur la plateforme GISAID afin de les comparer entre eux et ainsi caractériser comment le virus “évolue et se déplace dans le monde”, explique le site.
NextStrain effectue également l’analyse et l’interprétation de données : les lecteurs peuvent y accéder en consultant les rapports de situation, disponibles en plusieurs langues, régulièrement mis en ligne sur le site. Le dernier rapport en date a été publié le 20 mars et revient sur l’importance d’étudier les données des séquences génomiques du virus afin de “valider les historiques de voyage” : “identifier où un cas donné a été infecté est important pour comprendre quelles régions ont une transmission locale par rapport aux cas principalement associés aux voyage”, peut-on lire sur le site qui donne en exemples les cas d’infections contractées suite à des voyages en Iran et en Europe.
Dans un arbre phylogénétique que NextStrain a intégré au rapport, ce mélange d’échantillons de différents pays est bien apparent : “cela indique que les inévitables mouvements humains ont déjà introduit le virus dans de nombreuses régions du globe”, note le site qui rappelle que “les rapports de l’OMS ont confirmé des cas dans 159 pays sur 195 dans le monde”. Le site met à disposition de l’utilisateur un guide de lecture des arbres phylogénétiques. Pour résumer, le code couleur indique où chaque nouvelle mutation a été découverte, les séquences génétiques étant représentées par des lignes et les mutations par des cercles.
Quand des séquences sont identiques, elles apparaissent sous la forme de lignes parallèles jointes à l’extrémité gauche par une ligne verticale. Et lorsqu’une séquence présente une mutation unique, elle se trouvera sur une ligne isolée. Dans le cas du Covid-19, comme le souligne NextStrain, plusieurs des séquences sont identiques (les lignes verticales sont visibles à gauche) alors que d’autres ont des mutations uniques ou partagées et se trouvent donc sur des “branches” à droite.
Trevor Bedford, qui a co-développé NextStrain, fournit davantage d’explications sur les mutations du Covid-19. Dans une interview accordée au Fred Hutchinson Cancer Research Center (Etats-Unis), où il est collaborateur, le chercheur a précisé que le taux de mutation du Covid-19 semble être de “24 mutations par an”, un taux qui est “conforme aux prévisions”, soit deux mutations par mois. Un taux de mutation similaire à celui du virus de la grippe, continue Trevor Bedford, avant d’ajouter : “Ce coronavirus possède un génome plus grand que celui de la grippe, alors il y a moins de mutation par base [les bases nucléiques font partie des principaux composants de l’ADN et de l’ARN, NDLR]. Aucune des mutations du COVID-19 ne semble particulièrement intéressante, mais il faut en surveiller quelques unes. L’une de ces mutations concerne la protéine “spike” [qui constitue la “couronne” du virus et lui est indispensable pour s’attacher à la cellule de l’hôte, NDLR], qui sera importante dans la recherche d’un vaccin.”
Crédit photo de une : National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), Creative Commons
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