Si l'article 19bis du projet de loi relatif à la transition énergétique reste inchangé, les sacs en bioplastiques pourraient bientôt remplacer l'ensemble des sacs plastiques à usage unique à base de pétrole. Le Club Bioplastiques rêve de développer la filière.
En 2003, 15 milliards de sacs plastiques à usage unique étaient distribués en caisse en France et 2 milliards de sacs « fruits et légumes». La généralisation du paiement des sacs a permis de faire chuter le nombre de sacs plastiques distribués grauitement en caisse à 500 millions en 2013, auxquels il faut ajouter 1 milliard de sacs payants et de cabas. Mais le nombre de sacs «fruits et légumes» est passé à 5 miliards.
Au total, le nombre de sacs distribués a néanmoins chuté de 24,4 milliards à 10,2 milliards.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique prévoit l’interdiction de la distribution de sacs en matières plastiques à usage unique en caisse au 1er janvier 2016 et l’ensemble des autres sacs (fruits et légumes…) au 1er janvier 2017. Seuls seront autorisés « les sacs compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées ». Le texte actuel prévoit aussi l’interdiction des emballages plastiques non biodégradables pour l’envoi de la presse et de la publicité à partir du 1er janvier 2017. Ces dispositions donnent un élan considérable à la filière bioplastique française.
A la sortie du vote à l’Assemblée Nationale, le projet de texte de loi prévoyait l’interdiction de la vaisselle platique jetable en 2018. Cette disposition a été modifiée au Sénat qui a préféré élargir les consignes de tri à ces plastiques. Ainsi, au plus tard le 1er janvier 2018, « les producteurs ou détenteurs de déchets d’ustensiles jetables de cuisine pour la table en matières plastiques, à l’exclusion des ménages, mettent en place un tri à la source de ces déchets et, lorsque ces déchets ne sont pas traités sur place, une collecte séparée de ces déchets », prévoit le projet de loi.
Des sacs bioplastique pour la collecte séparée des bio-déchets
Le loi de transition énergétique prévoit aussi la généralisation du tri à la source des déchets organiques pour tous les producteurs de déchets d’ici à 2025. Cela permettra de ne plus jeter les biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles, mais de les valoriser par compostage.
La collecte de biodéchets nécessite des sacs en bioplastique biodégradables et compostables. Ces sacs répondent à la norme de biodégradabilité européenne EN13432:2000 de biodégradabilité et portent le label « OK compost ». Cette norme atteste de leur biodégradabilité de 90 % en 6 mois au maximum. Dans les plateformes de compostage industriel, les sacs en bioplastique disparaissent en 90 jours. C’est un délai compatible avec la fermentation des déchets, ce qui évite d’avoir à vider les sacs. La matière fertilisante qui en résulte est vendue aux agriculteurs. Certaines communes (comme Lorient, Châlons-en-Champagne ou Clermont-Ferrand…) et sociétés de collecte ont déjà choisi le compostage industriel comme solution de traitement des déchets organiques.
Par ailleurs, si quelques sacs biodégradables étaient mis au recyclage plutôt qu’au compost, ils ne devraient pas perturber les chaînes de recyclage. « Il est faux de dire que les bioplastiques perturbent les chaînes de recyclage dès qu’ils sont présents : il y a eu de nombreux tests qui montrent que jusqu’à près 10 % dans les flux de recyclage, cela ne pose pas de problèmes », assure Jean-Marc Nony, directeur Environnement de SPhere, fabricant de sacs en bioplastiques.
1 hectare de céréales permet de produire jusqu’à 10 tonnes de bioplastiques. Dans ces conditions, le Club Bio-plastiques estime le marché potentiel à environ 70 000 tonnes de résines bioplastiques. Cela nécessiterait la culture de de 7 000 hectares de céréales, soit environ 0,07 % des surfaces de céréales cultivées en France. Le développement de la filière pourrait créer 2 000 emplois directs.
Quels liens entre bioplastiques et lutte contre la pollution marine?
« Nous sommes intimement convaincus que l’avenir de la plasturgie passe par des réponses concrètes à notre niveau au problème de la pollution plastique, que cela soit la pollution terrestre ou la pollution marine », insiste Jean-Marc Nony. Les sacs actuels en bioplastiques se dégraderaient en 2 ans en mer, mais « on travaille sur des nouvelles matières qui seront aussi bioassimilables en milieu marin, parce que le milieu marin signifie des températures et des types de microorganismes un peu différents », prévient-il. Le groupe espère obtenir des résultats d’ici 2 ans.
Plastics Europe craint que le développement des sacs biodégradables n’aggrave les rejets dans la nature. Les citoyens pourraient considérer qu’en raison de leur biodégradabilité, ces sacs peutvent être jetés un peu n’importe où. Mais, « on est tous d’accord que si l’on fait des sacs qui sont bioassimilables en milieu marin, il faudra quand même écrire dessus « Ne pas les jeter dans la mer ou la nature » », assure Jean-Marc Nony. Quoi qu’il advienne, malgré tous les efforts de sensibilisation qui pourraient être déployés, il n’est pas trop risqué de dire que les rejets dans la nature ne seront pas stoppés. Généraliser les sacs biodégradables ne peut donc être qu’une bonne nouvelle pour lutter contre la pollution !
Que contiennent les sacs en bioplastiques ?
Les bioplastiques sont fabriqués à partir d’amidon de céréales (maïs ou blé) ou de fécule de pomme de terre. Une fois les matières agricoles végétales récoltées, les amidonniers et féculiers extraient l’amidon des grains de céréales, ou la fécule dans le cas de la pomme de terre. Ensuite, les fabricants transforment l’amidon et la fécule en résines bioplastiques (Base amidon, PHA, PLA…) qui seront ensuite transformées par les industriels de la plasturgie en objets.
Les sacs en bioplastiques ne sont néanmoins pas totalement constitués de produits végétaux. La part végétale varie entre 20 et 70 %, le reste est constitué de polymères d’origine fossile. Ainsi, les sacs de caisse (épaisseur de 15-16 µm) présentent une part bioplastique comprise entre 30 et 35 %, les sacs de fruits et légumes (10 µm) une part comprise entre 20 et 25 %. Plus un produit est rigide, plus la part en bioplastiques peut augmenter (l’élasticité est conférée par la part «fossile»). Ainsi, les sacs poubelles (16-22 µm) peuvent présenter une part végétale de 40-50 % et les produits rigides, comme la vaisselle, de 60 à 70 %.
De nombreux travaux de recherche, conduits actuellement, visent à augmenter la part de ressources renouvelables dans la composition de ces objets. L’objectif porté par la filière bioplastique est d’atteindre une part moyenne d’au moins 70 % de matières végétales d’ici 2018. La filière cherche notamment à remplacer une part des polymères d’origine fossile (copolyesters) par de l’huile de tournesol ou de chardon.
Des sacs qui nécessitent moins d’énergie ?
Les analyses de cycle de vie permettent de comparer l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre d’un sac en bioplastique à un sac traditionnel. Les différentes ACV portant sur les sacs en plastique base fossile et les sacs bioplastiques sont assez mitigées. Les sacs bioplastiques consomment a priori moins d’eau et présentent un intérêt en termes d’émissions de gaz à effet de serre et de consommation d’énergie non renouvelable, à condition que les masses des emballages correspondants soient suffisamment limitées, mais les process doivent être améliorés pour diminuer l’eutrophisation des eaux. « Ces différentes études ne sont pas toujours pertinentes pour les bioplastiques, car si les scénarios peuvent être très adaptés pour les plastiques traditionnels, ils ne le sont pas encore pour les nouveaux plastiques qui sont en développement et qui ne jouissent pas encore de toute l’optimisation en termes de process industriel et de structure », prévient Christophe Doukhi-de Boissoudy, Président du Club Bio-plastiques et directeur général de Novamont France.
« Les bioplastiques trouvent tout leur intérêt dans leur contribution au développement de la valorisation organique des biodéchets. Ces biodéchets ne sont encore que trop rarement valorisés et de plus limitent la production d’énergie lorsqu’ils sont incinérés de par leur forte concentration en eau. Un gros effort est encore à faire sur ce point et les bioplastiques ont un rôle indéniable à jouer dans le développement de ce secteur », assure Christophe Doukhi-de Boissoudy.
Si les sacs bioplastiques peuvent avoir certains avantages, ils coûtent pour le moment de 2 à 3 fois plus cher. Le consommateur sera-t-il prêt à payer cette différence de prix pour limiter la pollution ?
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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