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Les banques françaises accusées d’être à l’origine d’une «colossale empreinte carbone»

Posté le 4 décembre 2019
par Chaymaa Deb
dans Environnement

Le 28 novembre 2019, un rapport publié par Oxfam France et Les Amis de la Terre dénonce la « colossale empreinte carbone des banques françaises ». En cause : le financement de projets qui exploitent des énergies fossiles. En 2018, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE ont ainsi émis plus de 2 milliards de tonnes de CO2. L’État est appelé à trouver des solutions pour endiguer le phénomène.

Comment favoriser le passage aux énergies renouvelables tout en soutenant financièrement les projets qui ont recours aux ressources fossiles ? La mission est impossible, et les banques françaises sont confrontées à cette situation inextricable. Dans les faits, les soutiens bancaires français aux entreprises et projets polluants continuent. C’est pourquoi les associations écologistes Les Amis de la Terre et Oxfam France dénoncent «la colossale empreinte carbone des banques françaises». Selon un rapport publié le 28 novembre, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BCPE auraient émis 4,5 fois plus de CO2 que toute la France en 2018.

«Les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement des quatre principales banques françaises dans le secteur des énergies fossiles ont atteint plus de deux milliards de tonnes équivalent CO2» fustigent les deux associations. Pour parvenir à ce résultat, Oxfam France et Les Amis de la Terre ont additionné les différents investissements des banques. Ils se matérialisent par des prêts accordés à des projets fossiles, des émissions d’obligations et des investissements en actions. L’an dernier, 1,7 milliard d’euros ont ainsi été prêtés pour soutenir des projets fossiles. Émissions d’obligations et d’actions se sont, quant à elles, élevées à 300 millions d’euros pour l’année 2018.

RWE, Cheniere Energy, Total, richement soutenus par les banques françaises

Parmi les activités incriminées : les soutiens financiers apportés par BNP Paribas et la Société Générale aux projets du groupe allemand RWE. Cette entreprise est la première pollueuse européenne du secteur privé, du fait de l’activité de ses centrales à charbon. Chaque année, elles émettent environ 100 millions de tonnes de CO2, soit autant que la Suède, la Suisse et le Portugal réunis. La firme ne prévoit pas de sortir du charbon avant 2038. Entre 2014 et 2016, les deux banques ont participé à deux prêts de 4 milliards d’euros à RWE. En 2019, BNP Paribas et la Société Générale ont réitéré leur contribution dans un nouveau prêt s’élevant à 5 milliards d’euros. Bien qu’ayant annoncé cette année vouloir soutenir moins de projets au charbon, rien n’indique que les deux banques françaises prendront des mesures restrictives à l’égard de RWE.

Les financements de projets fossiles sortent également des frontières de l’Europe.  La Société Générale et le Crédit Agricole soutiennent la production de pétrole et de gaz de schiste aux États-Unis. «Entre 2013 et 2015, la Société Générale et le Crédit Agricole ont respectivement accordé 588 millions et 252 millions d’euros de financement au projet Sabine Pass LNG» porté par la firme américaine Cheniere Energy, indique le rapport. L’entreprise est leader mondiale de la fabrication de gazoducs et de terminaux de liquéfaction et d’exportation gaziers. En 2020, les banques devraient soutenir de nouveaux projets de développement de Cheniere Energy. BPCE n’est pas en reste sur le sujet. Cette banque se joint aux trois précédemment citées pour soutenir régulièrement les projets de Total. Ainsi, plus de 5,7 milliards d’euros ont été prêtés à l’entreprise pétrochimique en 2018.

Bonnes volontés et « opinion publique » au cœur du changement

Oxfam France et Les Amis de la Terre estiment que de telles activités entrent en forte contradiction avec les objectifs de l’Accord de Paris. «Au nom de l’intérêt collectif, imposer une régulation financière serait un signal fort afin de limiter les impacts humains et de prévenir un risque de crise financière majeur dû aux changements climatiques» indique le rapport. C’est pourquoi les associations enjoignent l’État à prendre des dispositions dès 2020. «Par leurs soutiens massifs et continus au charbon, les banques françaises comptent parmi les principaux responsables du réchauffement climatique de plus de 1 degré qu’a subi la planète depuis la période préindustrielle» assène Alexandre Poidatz, chargé du financement de la transition énergétique chez Oxfam France.

De son côté, la ministre de la Transition écologique et solidaire Élisabeth Borne souhaite également que les banques soutiennent davantage de projets moins polluants. Afin que la transition se fasse de façon efficace, cette dernière évoque le rôle fondamental des investissements privés. «Il faut que les banques prennent des engagements pour orienter leurs investissements vers des investissements favorables à la transition écologique et énergétique». La ministre rappelle tout de même que les groupes bancaires commencent à agir : «Le Crédit Agricole sort du charbon, Axa a pris des engagements». Comme elle le souligne, la transition verte des banques est enclenchée, mais reste lente. Comment faire alors pour l’accélérer ? «Maintenant, c’est l’opinion publique qui a toutes les cartes en main, et je pense que les banques seront sensibles à la façon dont l’opinion publique peut juger leurs actions», considère-t-elle.


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