La neutralité technologique est un concept souvent évoqué lors de la mise en œuvre des politiques publiques de l'Union européenne. Ce principe offre l'avantage de ne favoriser aucune technologie spécifique lors de l'élaboration des réglementations, mais n'est pas sans critiques. Explications.
C’est un principe souvent évoqué lors de la mise en œuvre des politiques publiques, notamment à Bruxelles. La neutralité technologique est un concept clé qui stipule que les règles ou les lois ne devraient pas favoriser ou discriminer une technologie spécifique, mais plutôt être suffisamment générales pour permettre à différentes solutions techniques de coexister et de concourir sur un pied d’égalité. Lors de son discours devant le Parlement européen en juillet dernier, Ursula von der Leyen, a encore une fois fait référence à ce principe lorsqu’elle a rappelé que les objectifs du Pacte vert (Green Deal) devaient être atteints en « respectant la neutralité technologique ».
Dans son rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne, Mario Draghi a lui aussi fait référence à ce concept lorsqu’il a évoqué le sujet de la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’ancien président de la Banque centrale européenne a rappelé l’objectif « d’accélérer la décarbonation de manière rentable, en tirant parti de toutes les solutions disponibles par le biais d’une approche technologiquement neutre. Cette approche devrait inclure les énergies renouvelables, le nucléaire, l’hydrogène, la bioénergie et le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, et devrait être soutenue par une mobilisation massive de financements publics et privés. » En clair, les États membres ont la possibilité de choisir la technologie la plus adaptée en fonction de leurs contraintes locales et économiques.
Ce libre-arbitre de chaque pays a l’avantage d’encourager l’innovation et le développement de nouvelles solutions en évitant de privilégier une technologie particulière. Il incite à une concurrence équitable et réduit le risque de lobbying ou d’avantages compétitifs injustifiés pour certaines industries, tout comme celui de distorsions de marché. En garantissant un cadre réglementaire qui ne crée pas d’avantages artificiels pour certaines technologies au détriment d’autres, les solutions les plus efficaces économiquement sont censées s’imposer en fonction de leurs mérites. Les technologies évoluant rapidement, des lois non spécifiques offrent également une certaine flexibilité et permettent une adaptation à un large éventail de technologies présentes et futures.
Les véhicules neufs roulant aux carburants synthétiques autorisés après 2035 ?
Mais cette neutralité technologique n’est pas sans critique. Ce principe peut apporter une certaine confusion et un manque de clarté dans la mise en œuvre de certaines politiques publiques. En témoignent, les déclarations d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, à propos de la décision de l’UE d’interdire la vente de voitures thermiques neuves en 2035. Dans le but d’apaiser les tensions autour de cette échéance, elle a déclaré qu’elle maintiendra cet objectif, mais que « nous devons avoir une approche neutre du point de vue technologique, dans laquelle les carburants de synthèse auront un rôle à jouer. » Les ventes de véhicules neufs roulant aux carburants synthétiques neutres en carbone devraient donc toujours être autorisées après 2035. Il est vrai que la réglementation européenne n’a jamais mentionné l’interdiction des moteurs thermiques, mais impose aux véhicules neufs de ne plus émettre de CO2.
D’autres critiques peuvent être énoncées sur le principe de neutralité technologique. Notamment celle de rendre difficile l’accélération du développement de solutions prometteuses, avec le risque que des technologies déjà bien établies peuvent continuer à dominer un marché si les barrières à l’entrée sont trop élevées pour les nouvelles. Ce principe peut être complexe à appliquer dans certains cas, lorsque des besoins spécifiques peuvent nécessiter de privilégier certaines technologies, pour répondre par exemple à l’urgence climatique.
Le site d’information Euractiv a récemment publié une enquête sur la manière dont la neutralité technologique était perçue par plusieurs acteurs présents à Bruxelles. Les avis sont partagés quant à son utilité. Si pour certains, ce concept est très utile pour l’élaboration des politiques de l’UE, « la plupart des participants à l’enquête s’accordent cependant à dire que la neutralité technologique nécessite des exceptions pratiques. » Des critiques plus vives sont aussi formulées ; certaines personnes reprochent à ce concept de permettre aux décideurs « d’éviter de fixer des priorités », ou qu’il devient « de plus en plus synonyme de technologies qui protègent le statu quo des combustibles fossiles ».
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