Ayant grandi dans une société prenant conscience des problèmes liés à l’environnement et à l’accès à l’énergie, les jeunes se montrent concernés, impliqués et désireux d’agir. Même si leurs revendications restent parfois ambiguës. 3ème volet de l'enquête.
Les jeunes ayant participé à l’enquête ont été répartis en deux groupes : les « profanes » (étudiants en troisième année de psychologie) qui ne possèdent pas de culture scientifique et technologique, et les « techniciens » (étudiants travailleurs en cours du soir) spécialistes en thermodynamique, pour identifier l’éventuelle influence d’une culture « spécialisée » sur les sensibilités, les comportements, les propositions ou les aspirations. Au final, le sentiment d’inquiétude dont témoignent les jeunes interrogés contraste avec l’insouciance dont on les affuble généralement. D’autant qu’ils sont loin d’être en reste en matière d’initiatives et de propositions. La moitié d’entre eux ont évoqué les pratiques qu’ils mettent en place dans leur vie quotidienne.Des « petits riens au quotidien », qui paraissent parfois dérisoires, voire « mesquins » mais qui peuvent d’autant plus surprendre qu’ils sont pratiqués par des jeunes, là où on les attendrait plutôt de la part de personnes âgées. Or, comme nous le verrons plus loin, les pratiques des uns et des autres ne sont pas les mêmes et n’expriment pas les mêmes préoccupations concernant l’environnement.
Une génération consciente et volontaire
Pour les jeunes générations, ne pas gaspiller renvoie certes au budget restreint qui est le leur, mais traduit aussi un réel souci des problèmes de l’environnement et le désir d’être actifs face à ces problèmes. Nous verrons que pour les personnes âgées, une démarche qui peut se révéler en apparence identique, ne revêt pas le même sens. Tous n’ont pas adopté, individuellement, l’ensemble des mesures qu’ils énoncent. Mais ceci témoigne d’une certaine vigilance, alors même qu’étant donné leur rythme de vie trépident, tout les pousse à s’en écarter dans un contexte où le gaspillage de l’énergie est une tendance naturelle. Mais ces jeunes se révèlent particulièrement vigilants sur quelques fronts privilégiés, comme le tri des ordures et l’eau qu’ils sont soucieux de ne pas gaspiller. Beaucoup privilégient les douches par rapport aux bains, et prennent soin de fermer le robinet pendant qu’ils se savonnent, ou tout simplement lorsqu’ils se brossent les dents… Ils essaient également d’économiser l’électricité.
Les « profanes » plus vigilants que les « techniciens »
Une constatation a de quoi surprendre : les jeunes « profanes » ont tendance à être plus vigilants que les jeunes « techniciens ». Ces derniers font en effet moins mention de pratiques spécifiques. On attendait plutôt l’inverse. Et si rares sont les jeunes qui s’avouent réfractaires à des pratiques spécifiques, on les trouve toujours parmi les « techniciens ». Lorsque c’est le cas, ils se réfèrent à une vision pessimiste de la situation avec l’idée de modifier leur « habitude, lorsque tout le monde le fera. Car sinon, c’est comme si on ne faisait rien et ça dégoutte » (Fabrice, 21 ans). Tout se passe comme si une vision plus aiguë des problèmes acquis par une culture plus spécialisée et justement axée sur les problèmes technologiques ne favorisait pas la vigilance individuelle au quotidien.
Une jeunesse très pragmatique
Alors que faire pour que la planète aille mieux ? Les jeunes ne semblent pas en peine de propositions, contrairement à l’image qui leur est communément renvoyée, d’insouciance, d’indifférence, de « mollesse », « d’intégration au système ».Ainsi, ils préconisent, pêle-mêle, de rendre obligatoire le tri des ordures dans chaque immeuble, mais aussi d’installer des vides ordures sélectifs dans chaque logement, pour ne pas descendre trois poubelles à chaque fois.Ils souhaiteraient que soient installées des déchetteries bien organisées, appellent au boycott des entreprises les plus polluantes et demandent à ce que soient sanctionnés les dégazages. Côté transports, ils proposent de construire des voitures « qui ne vont pas au-delà des limites de vitesses », de vérifier le taux de pollution des véhicules, d’interdire les voitures au centre de Paris. Il est aussi question d’éviter les accélérations brutales, d’améliorer et de développer les transports publics et de circuler en vélo.
Mais si certains prônent des mesures systématiques, d’autres sont plus nuancés. Ainsi, en ce qui concerne le vélo, il peut n’être préconisé que pour des courts trajets. La gratuité des transports en commun est envisagée. L’utilisation des voitures selon l’alternance des jours pairs, impairs. Certains attendent une alternative écologique aux moteurs à essence, aimeraient rouler à l’électricité, recommandent de transporter les marchandises par train ou par voie fluviale, plutôt que par camion, de privilégier le train à l’avion quand c’est possible, de développer les transports collectifs aux heures de pointe pour que « les gens laissent » leur voiture chez eux, de favoriser le covoiturage.La liste s’allonge avec la série de propositions suivantes : imposer des matières recyclables pour les emballages et les sacs, dédommager les personnes qui remettent leurs emballages, leurs piles et leurs sacs plastiques inutilisables. Il est aussi suggéré de rendre obligatoire l’utilisation de l’énergie solaire, d’encourager la recherche sur les nouvelles énergies, sur le recyclage, que les jeunes souhaitent inciter par ailleurs en rendant obligatoire, par exemple, l’édition des livres scolaires et universitaires avec du papier recyclé.
Des discours d’intention, et un vrai désir d’action
Les jeunes ayant une culture technique expriment une sensibilité spécifique. Ils attachent, par exemple, une grande importance à la pollution liée aux transports. Aussi préconisent-ils des mesures qui visent à diminuer le flux des voitures au centre ville, avec l’instauration d’une taxe à l’entrée, et à développer davantage en contrepartie, les transports en commun.Certains expriment leur méfiance ou leur scepticisme à l’égard du nucléaire et aimeraient le « limiter ». D’autres, au contraire, voudraient le développer davantage. En tout état de cause, le nucléaire est plus sujet à polémique chez les spécialistes que chez les profanes.Les spécialistes font plus souvent référence à la géothermie, au GPL, à la cogénération, aux hydrocarbures, aux piles à combustible que le grand public « profane ». Ils n’ignorent pas que la France est en retard dans le domaine des énergies propres. Leurs connaissances techniques ne les empêchent de faire des propositions qui peuvent paraître contradictoires. Ainsi, ils évoquent la fermeture des centrales nucléaires mais souhaitent en même temps que se développent les voitures électriques, et n’hésitent pas à préconiser « l’abandon du pétrole ».
Les « profanes » plus préoccupés par la vie quotidienne
Un clivage est perceptible dans la vision que les « profanes » et les esprits plus « techniques » peuvent avoir de l’agriculture. Car si tous aspirent à faire payer les pollueurs, seuls les jeunes qui ont une culture technique pensent à y inclure les agriculteurs. Comme si le mythe de la campagne pure, bienfaitrice, perdurait et continuait chez le jeune grand public. Les « techniciens » témoignent cependant d’une sensibilité particulière à l’égard des paysans, d’autant plus que certains d’entre eux ont des grands-parents eux-mêmes agriculteurs. Ils peuvent ainsi prôner « l’agriculture traditionnelle, plutôt qu’intensive », se soucient de supprimer les engrais, de développer « le bio et de ne pas transplanter la nature (OGM) ».En toute logique, les « techniciens » formulent des recommandations en général plus spécifiques et précises. Ils évoquent ainsi la manipulation de fluides frigorigènes dans le « respect des textes et des lois en vigueur (interdiction du dégazage dans l’atmosphère) », mais ils peuvent aussi proposer des mesures très générales, à l’échelle de la planète, comme l’évaluation des quotas d’émission de CO2 pour tous les pays.En fait, les étudiants profanes expriment davantage des préoccupations liées à la vie quotidienne, avec le souci de freiner le gaspillage de l’énergie et la surconsommation marchande. Alors que les techniciens, de par leurs connaissances spécifiques dans le domaine de l’énergie, ont une vigilance plus ciblée dans le domaine professionnel et plus sélective en ce qui concerne leur vie privée.Par Christine Castelain Meunier, chercheur au CNRS, auteur de Adieu Pétrole! Vive les énergies renouvelables, Dunod
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