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Décryptage

L’EPR, une aventure industrielle mêlant succès, retards et surcoûts

Posté le par Pierre Thouverez dans Innovations sectorielles

L’EPR de Flamanville, porte étendard de la filière nucléaire française, a connu bien des problèmes, techniques et économiques, avant d’être raccordé au réseau en décembre dernier.

EPR signifiait à l’origine « European Pressurized Reactor ». Ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque les trois lettres qui ont tant fait parlé désignent désormais un réacteur évolutionnaire : « Evolutionary Power Reactor ». Une évolution sémantique qui symbolise à elle seule les montagnes russes subies par le projet lancé à la fin des années 1980, en coopération avec l’Allemagne, avant que nos voisins ne s’en extirpent définitivement en 2011, suite à leur décision d’abandonner le développement de l’énergie nucléaire, après l’accident de Fukushima.

L’EPR est classé par le CEA comme un réacteur de troisième génération : il se distingue de ses prédécesseurs – les REP, réacteurs à eau pressurisée – de seconde génération de par l’utilisation de techniques plus efficaces et plus sûres. En cela, il est souvent décrit comme une version moderne des REP, avec un meilleur rendement, des systèmes redondants de sûreté et une épaisse enveloppe de confinement en béton.

Le site de Flamanville, choisi en 2004 pour accueillir le premier EPR français, voit le chantier démarrer en 2007. A ce moment, le consortium Areva/Siemens, en charge de la conception des EPR, a déjà signé – en 2003 – un contrat avec TVO, la compagnie finlandaise d’électricité, pour la construction d’un EPR en Finlande, dont les travaux démarrent en 2005.

La Chine s’intéresse également à la technologie EPR et signe pour deux réacteurs, dont la construction débute en 2009. 

Le Royaume-Uni et l’Inde s’intéressent également à l’EPR, mais la catastrophe de Fukushima en 2011 constitue un coup d’arrêt. Les projets indiens et anglais sont reportés, et Siemens se retire suite à la décision allemande d’arrêter le nucléaire.

A cette catastrophe nucléaire succède le début des ennuis techniques, et le feuilleton lié à la non conformité de la cuve du réacteur et des défauts de soudure sur le circuit secondaire. En effet, l’ASN, qui a aujourd’hui fusionné avec l’IRSN pour devenir l’ASNR, alerte à la fin de l’année 2014 sur une anomalie de la composition chimique de l’acier de la cuve du réacteur de Flamanville, pouvant conduire à dégrader sa capacité à résister à la propagation d’une fissure. 

Areva NP, en charge seul de l’EPR suite au départ de Siemens, lance un programme d’essais afin de justifier de la résistance mécanique suffisante de l’acier dans toutes les situations de fonctionnement. Avec à la clé des retards qui s’accumulent et une facture qui s’envole : le coût final de l’EPR est estimé à plus de 23 milliards d’euros par la cour des comptes, alors que le budget initial présenté en avril 2007 s’élevait à 3,3 milliards d’euros, avec un délai de construction de cinq ans. 

Si la validation de deux réacteurs EPR au Royaume-Uni sur le site d’Hinkley Point est une bonne nouvelle, Areva a souffert de ses déboires finlandais – l’EPR finlandais accuse en effet également d’importants retards et surcoûts – et voit sa branche réacteurs nucléaires reprise par EDF. Nous sommes alors en 2018 et le premier EPR est mis en fonctionnement, en Chine, suivi d’un second un an plus tard. Enfin une bonne nouvelle, même si le premier réacteur chinois accumule les problèmes obligeant son arrêt à plusieurs reprises.

L’EPR finlandais démarre en 2021, 12 ans après la date prévue.

En 2022, le Président Macron annonce la construction de 6 nouveaux EPR de nouvelle génération d’ici à 2050, afin d’être en mesure de remplir les objectifs de décarbonation du pays. 

Enfin, le 7 mai 2024, l’ASN autorise la mise en service de l’EPR de Flamanville, 12 ans après la date prévue. La première réaction en chaîne, appelée « divergence », démarre début septembre 2024, avant que l’EPR ne soit raccordé au réseau, le 21 décembre dernier.

Image de Une : © EDF-Eliot Blondet-ABACAPRESS.COM

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Posté le par Pierre Thouverez


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