Selon l’administration nationale de l’énergie chinoise, 14 000 MW d’éolien terrestre ont été raccordés au réseau électrique du pays durant la seule année 2013. La production électrique d’origine éolienne terrestre a dépassé celle du nucléaire en Chine dès 2012.
Le dragon de l’empire du milieu s’est vraiment réveillé : depuis 2007 le taux de croissance annuel de l’éolien est de 80% en Chine, un rythme fulgurant qui correspond à presque un doublement tous les ans. Selon l’Earth Policy Institute qui se base sur les statistiques officielles, le taux de croissance du nucléaire chinois sur la même période a été 8 fois plus faible. Et ceci même si la Chine est le pays où le nucléaire a le taux de croissance le plus élevé au monde.
Pour Mark Jacobson, directeur du département énergie et atmosphère de l’université Stanford en Californie, la vitesse d’installation des différentes technologies bas-carbone est un paramètre clé dans l’objectif d’une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre.
Sur la base de la littérature scientifique, « le délai moyen entre le début d’un projet de centrale nucléaire et sa mise en service est de 10 à 19 ans » affirme l’expert. L’obtention d’un site prend en moyenne 6 ans, l’approbation du permis et le traitement de différentes questions prend 2,5 à 4 ans, et la construction prend entre 4 et 9 ans. C’est vraiment le talon d’Achille du nucléaire, outre son bilan environnemental et sanitaire multicritère, son coût, les problèmes d’acceptation qu’il engendre auprès des populations du fait des risques intrinsèques au fonctionnement des centrales et de la gestion des déchets radioactifs, et d’approvisionnement en uranium 235.
La Chine n’est pas le seul pays asiatique à miser sur les ENR variables. Le Japon installe depuis le désastre radioactif de Fukushima, en termes de production électrique, l’équivalent d’une centrale nucléaire EPR par an. En France, le chantier de l’EPR de Flamanville dure depuis de nombreuses années et durera encore quelques années.
L’éolien et le solaire, les 2 filières ENR qui ont le plus gros potentiel à l’échelle mondiale, peuvent être installées très rapidement. Cet aspect cinétique est vraiment stratégique sur le plan climatique. Ce sont de plus, outre l’hydroélectricité, les deux filières ENR les meilleures marché disponibles aujourd’hui.
Des ENR variables de plus en plus attractives d’un point de vue purement économique
Les coûts de production de l’éolien terrestre (de 6 à 8 centimes le kWh) et du grand solaire photovoltaïque au sol (inférieur à 10 centimes avec l’insolation du sud de l’Europe) sont de plus inférieurs à ceux du nucléaire EPR : EDF demande un tarif d’achat de 10,9 centimes pour ses EPR en Grande-Bretagne. Le surcoût de l’intégration des ENR variables dans les systèmes électriques est considéré comme faible par l’Agence Internationale de l’Energie qui vient de publier un rapport sur le sujet.
Ce que fait la Chine a des conséquences à l’échelle globale
Après Fukushima, la Chine a mis en place de nouvelles procédures d’autorisation et de contrôle des différents projets de centrales nucléaires. Depuis octobre 2012 seule la technologie nucléaire de génération 3 (EPR), technologie considérée comme moins dangereuse, est acceptée par le gouvernement chinois. Une technologie dans laquelle les chinois ne possèdent à ce stade aucun retour d’expérience, ce qui explique les retards sur les différents chantiers en cours par rapport aux plannings prévus initialement.
Durant les années 2011 et 2012 la Chine a mis en service 4 réacteurs nucléaires totalisant une puissance de 2,6 GW, soit l’équivalent d’environ 1 EPR et demi. Sa puissance nucléaire installée cumulée est ainsi passée à 12,8 GW, le cinquième du parc nucléaire français pour un pays 20 fois plus peuplé. Pour atteindre une puissance installée de 60 GW en 2020, il faudrait à la Chine un taux annuel de croissance d’environ 25%, soit 2,5 fois plus que ces dernières années.
Selon les projections de différents organismes la Chine franchira les 200 GW d’éolien en 2020. La barre des 100 GW pourrait être atteinte dès 2015 selon l’European Wind Energy Association, un seuil franchit par l’Europe en 2012. 14 GW d’éolien ont été raccordés au réseau électrique chinois sur la seule année 2013 selon l’administration nationale de l’énergie.
Cette croissance de l’éolien en Chine a des conséquences globales. Pour Paolo Frankl, expert de l’Agence Internationale de l’Energie, la Chine fait baisser les coûts de l’éolien à l’échelle globale. « Comme dans d’autres domaines, ce que fait la Chine a un impact sur le monde entier. »
La croissance de la demande énergétique chinoise est inévitable
L’éolien a un sérieux atout dans le contexte de la Chine fortement peuplée : il ne consomme pas d’eau douce, contrairement aux centrales thermiques qui en ont notamment besoin pour alimenter leur système de refroidissement.
Comme le souligne Jeremy Rifkin, auteur du livre « La troisième révolution industrielle » qui inspire notamment en France la politique de transition énergétique du Nord-pas de Calais, en période de sécheresse, le manque d’eau douce peut devenir problématique pour la production électro-nucléaire. « Pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique avec le nucléaire, il faudrait multiplier par quatre le nombre de centrales dans le monde. Désolé de vous le dire, mais vous n’avez pas assez d’eau pour refroidir autant de réacteurs ! » a affirmé ce prospectiviste président de la Fondation pour les tendances économiques.
Combiné au solaire et à l’hydroélectricité, l’éolien permet de répondre durablement aux besoins énergétiques de la population de la Chine, pays où le PIB moyen par habitant est trois fois et demi inférieur à celui de la France.
Les chinois aspirent à vivre selon les mêmes standards que les européens de l’ouest et ont donc besoin d’énergie propre pour que leur prospérité soit durable. « Le droit au développement est inaliénable » ont rappelé les autorités chinoises à l’occasion de tous les sommets internationaux sur le climat.
Les énergies renouvelables, et en premier lieu la combinaison du solaire photovoltaïque, de l’éolien et de l’hydroélectricité offrent l’espoir que ce développement s’effectue selon une trajectoire vraiment durable.
Par Olivier Daniélo
En savoir plus :
> Conférence de Mark Jacobson (Stanford University) évaluant les différentes technologies énergétiques bas-carbone disponibles. A partir de la 11ème minute et 10 secondes de la conférence, l’expert compare le délai entre le planning et la mise en service des différentes technologies, un paramètre clé dans la perspective de réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre
> L’analyse du prospectiviste Jeremy Rifkin à propos du nucléaire
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