Alors que 6 des 9 limites planétaires ont été dépassées, les entreprises dites « régénératives » cherchent à avoir des impacts positifs nets sur les écosystèmes. L’Université de la Terre les a mises en lumière les 25 et 26 novembre à l’Unesco.
Le monde change vite et les entreprises doivent changer encore plus vite. « Depuis 2021, apparaît dans l’opinion publique l’idée que la responsabilité de l’entreprise est d’engager sa rentabilité à des fins d’engagement sociétal, ce qui va plus loin que la RSE », partage Tanguy Châtel, sociologue et cofondateur du Cercle Vulnérabilités et Société. Cette attente se manifeste par de nouvelles tendances. « Les taux de désengagement des collaborateurs ont augmenté de 19 % sur ces deux dernières années, avance-t-il lors d’une table ronde organisée à l’occasion de l’Université de la Terre le 25 novembre à l’Unesco. Les taux de rupture de CDD avant leur terme ont augmenté de 25 %. »
L’entreprise régénérative pour aller au-delà de la RSE
De nouvelles valeurs doivent être mises en avant par les entreprises, des valeurs de « solidarité, transparence, bienveillance, flexibilité et sens », partage Tanguy Châtel. L’entreprise devient « citoyenne », « un acteur engagé responsable et vivant », prévient le sociologue. Dans ce contexte, le mot d’entreprise régénérative émerge dans le débat public pour aller au-delà de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui essaye simplement de limiter ses impacts sur la société et les écosystèmes. « On n’est plus sur des transitions, on n’est pas même pas sur des révolutions, on est sur des métamorphoses, estime Tanguy Châtel. Il ne faut pas juste adapter nos modes de fonctionnement, mais les remettre à plat et voir en quoi ils produisent du vivant et du collectif. »
L’entreprise régénérative devra apprendre à s’auto-limiter. « L’économie régénérative et l’entreprise régénérative se posent pour ambition d’avoir des impacts positifs nets sur les écosystèmes naturels, partage Romain Cristofini, dirigeant et fondateur de la Communauté des Leaders éclairés. Concrètement, l’entreprise va séquestrer plus de carbone qu’elle n’en extrait ou dégage par ses activités. Le fondement de cette entreprise s’appuie sur un pouvoir magique qu’a le vivant : le pouvoir de s’auto-régénérer… Elle va aussi essayer d’augmenter les revenus des populations avec qui elle est en contact. »
Renverser le modèle dominant
Face à l’urgence écologique et climatique, ce nouveau type d’entreprise devrait bientôt devenir la norme. Mais cela nécessite un bouleversement complet des valeurs de l’entreprise et du système économique. « Le renversement des valeurs de l’entreprise nécessite une transformation radicale du système économique dominant qui reste un modèle capitaliste, basé sur la rentabilité, la profitabilité », partage Vanessa Logerais, fondatrice et dirigeante de Parangone, cabinet de conseil spécialisé en leadership sociétal, responsabilité sociétale et développement durable.
« On est au-delà de la RSE maintenant, on est dans un rapport beaucoup plus intime aux limites planétaires », assure la fondatrice de cette entreprise à mission. Pour accélérer les choses, elle espère que les entreprises pionnières arriveront à montrer l’intérêt de la « sobriété commerciale ». Elle prédit : « Si les entreprises pionnières comme la Maif, la Camif, Patagonia et celles qui montrent la voie avec les entreprises à impact arrivent à démontrer qu’elles substituent un modèle de croissance basé sur l’augmentation de la vente du volume vendu par un modèle de croissance qui propose de nouveaux services de durabilité, peut-être qu’on va commencer à bouger les choses. »
Bastien Sibille, président de Mobicoop, une coopérative qui veut démocratiser le covoiturage, insiste pour sa part sur l’importance de transformer le rapport de l’entreprise au capital. « Dans une société de capitaux, c’est l’Assemblée générale des actionnaires qui prend les décisions selon le nombre d’actions détenues par chacun d’eux, rappelle-t-il. Tant que ce sera le capital qui décidera dans les entreprises, les entreprises auront une rationalité qui visera à maximiser leur rentabilité et à croître », estime-t-il. En ce sens, il propose la généralisation du modèle des mutuelles et des coopératives. « Ces entreprises ont décidé de disjoindre leur gouvernance du capital », soulève-t-il. Résultat : chaque sociétaire détient une voix, quel que soit son nombre d’actions, ce qui rend les décisions davantage démocratiques.
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE