Conséquence de la crise, 2009 aura été une année difficile pour les ingénieurs. Tel est un des enseignements de la 21e édition de l’observatoire des ingénieurs réalisé par l’association Ingénieurs et Scientifiques de France (ex Cnisf). En l’espace d’un an, leur taux de chômage a progressé de 2 points passant de 3,4 % en 2008 à 5,4 % en 2009, ce qui reste toutefois bien en deçà des statistiques françaises (9,6 % de la population active au 4e trimestre 2009). Au total, ce sont pas moins de 18.000 ingénieurs qui ont perdu leur emploi l’année dernière, dont 22 % suite à un licenciement individuel pour motif économique, 22 % suite à la fin d’un CDD et 18 % en raison d’une autre forme de rupture de contrat. Dans ce domaine, ce sont les services informatiques et les services d’information qui ont payé le plus lourd tribut (10,5 %), suivi par la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques (8,4 %) et enfin, la métallurgie et la fabrication de produits métalliques sauf machine et équipements (7,5 %).
Parallèlement, le nombre de recrutements a fléchi. De 71.700 en 2008, il passe à 48.400 un an plus tard, accusant une baisse de 32,5 %. Là aussi, tous les secteurs n’ont pas réagi de la même manière. Cette contraction a été particulièrement sensible dans deux secteurs qui sont traditionnellement très dynamiques en matière d’emploi : les services informatiques et services d’information ainsi que la fabrication de matériels de transport, aérospatial. Tous deux accusent une baisse de 63 % des recrutements entre 2008 et 2009. Des chiffres et une tendance qui ont d’ailleurs été confirmés, pour l’informatique, par le Syntec, mais que Gérard Duwat, responsable de l’Observatoire de l’ISF pondère pour 2010. « Certes, l’année 2009 a été difficile pour les SSII, mais elles recrutent de nouveau en ce début 2010. Et d’ajouter : en matière d’accès à l’emploi, les ingénieurs se retrouvent dans la même situation qu’en 2003-2004. L’année qui vient nous dira si les recrutements repartent effectivement à la hausse. » En fait, seul un secteur a embauché en 2009. Il s’agit de celui de la production et de la distribution d’énergie. Les recrutements d’ingénieurs dans ce segment ont crû de 18 % passant de 2.567 postes en 2008 à 3.030 en 2009.
Autre indicateur de ce ralentissement du marché de l’emploi des ingénieurs : l’accès au premier poste est de moins en moins facile. Alors qu’en 2008, 56,1 % des jeunes diplômés avaient trouvé un travail avant leur sortie de l’école, ils ne sont plus que 43 % en 2009, soit un recul de 13 points. Pour une part croissante d’entre eux, la durée de recherche d’emploi s’allonge. Alors qu’ils n’étaient que 9,6 % à être à la recherche d’un travail en mars 2009 bien qu’ils aient commencé à prospecter en 2008, ils sont 18 % dans cette situation en mars 2010.
Pour les autres, à savoir les ingénieurs en poste, la crise freine la mobilité. Le nombre d’ingénieurs ayant connu une mobilité géographique ou ayant changé d’employeurs a baissé en 2009 par rapport à 2008. Quant à ceux qui changent de niveaux hiérarchiques ou qui prennent en charge de nouvelles responsabilités, ils restent stables. Un statu quo qui se traduit par la baisse des salaires des 10 % d’ingénieurs les moins bien payés (33.000 euros en 2009 contre 33.464 euros en 2008) et par une hausse sensible du traitement de ceux se situant au dessus du salaire médian (75.000 euros au lieu de 72.651 euros pour le 3e quartile, et 107.000 euros contre 101.000 euros pour le 9e décile). Le salaire médian progresse, quant à lui, de 780 euros à 52.780 euros, tandis que le salaire moyen passe de 61.000 euros en 2008 à 63.014 euros en 2009. « Ce qui signifie, précise Gérard Duwat, que l’effort constaté en 2008 sur les salaires des débutants n’a pas été renouvelé en 2009. La pression s’étant relâchée, ce sont les hauts salaires qui ont été réajustés. Nous sommes passés d’une politique salariale d’attraction à une politique de rétention des talents. »
Le tableau n’est toutefois pas complètement sombre. La crise a aussi favorisé la création d’entreprises. En 2009, 6.600 nouvelles sociétés ont été fondées par des ingénieurs contre 5.700 en 2008. Et parmi ces créateurs, les jeunes ne sont pas en reste. Autre facteur encourageant : le moral des ingénieurs en poste remonte quelque peu. Alors qu’ils étaient 12 % à craindre pour leur emploi en mars 2009, ils ne sont plus que 9 % en mars 2010. Dans le même temps, ils sont plus nombreux à penser que leur entreprise recrutera davantage (4 % en mars 2009 contre 14 % en mars 2010). Enfin, alors que 56 % des ingénieurs avaient ressenti l’impact de la crise sur leur vie professionnelle en mars 2009, ils ne sont plus que 46 % en 2010. Un impact essentiellement négatif conséquence d’une pression plus forte des clients et des donneurs d’ordre, d’une ambiance de travail détériorée et d’une charge de travail qui s’alourdit. Autres griefs qui remontent : l’association insuffisante des ingénieurs à la gouvernance de l’entreprise et un manque de clarté de la stratégie et de la communication de cette dernière. Deux problèmes récurrents depuis quelques années.
Par Anne-Laure Béranger
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