En juin 2019, le gestionnaire du réseau de transport (GRT) britannique, National Grid s’est félicité du fait que pendant 15 jours, il n’y a eu aucun recours aux centrales au charbon outre-Manche. Et le GRT de poursuivre, estimant que cela signifiait que l’électricité britannique était bien en train de tendre vers l’objectif de zéro rejets carbonés.
Mais le Centre for Policy Studies (CPS) a étudié cette période en détail dans un rapport intitulé « The Great Carbon Swindle », que l’on peut traduire par la « grande escroquerie du carbone » (en référence à un film musical des années 80…). Tony Lodge, analyste de CPS pour l’énergie et les infrastructures, part de plusieurs constats. D’abord, en 2019, la production décarbonée d’électricité outre-Manche a représenté 48,5 % des approvisionnements. Ensuite, le Royaume-Uni importe six fois plus d’électricité qu’il n’en exporte, en moyenne. Une électricité importée de France, de Belgique et des Pays-Bas, via les interconnexions. Sans oublier les imports en provenance d’Irlande.
Des émissions carbonées « délocalisées »
Ainsi, lors de la quinzaine de fin mai-juin 2019, quand les centrales au charbon britanniques n’ont pas livré un kWh au réseau, des importations en provenance des Pays-Bas, de Belgique et de France, ont quand même eu lieu. Pour la France, les importations peuvent être largement décarbonées, insiste le CPS, dans la mesure où le mix électrique français l’est. Mais selon le CPS, sur cette période, la modélisation montre que les Pays-Bas ont produit 535,8 GWh d’électricité à partir de leurs centrales au charbon (qui représentent encore un quart de leur mix électrique). En prenant en compte le fait que les Pays-Bas exportent environ 8 % de leur production au Royaume-Uni, cela signifie en moyenne que 40,4 GWh au charbon ont été exportés via l’interconnexion…
En outre, insiste l’étude du CPS, comme il est « impossible de savoir d’où proviennent les électrons sur la fameuse plaque de cuivre européenne », en estimant qu’une part de l’électricité allemande (encore en 2019 à 38% fondée sur le charbon) est parvenue au Royaume-Uni via les Pays-Bas, la Belgique ou même la France, la « quinzaine bas-carbone » de 2019 ne l’est pas tant que cela, juge le CPS. Ce qui équivaut à une « délocalisation » des émissions carbonées du Royaume-Uni et non à une absence de carbone dans le mix britannique.
Vers une taxe sur les importations émettrices de carbone ?
L’étude rappelle de plus que cette électricité n’est pas soumise au prix plancher du carbone britannique (British carbon price floor), ni d’ailleurs aux coûts de transport de courant. Ce qui donne aux importations un avantage compétitif, insiste le CPS.
Enfin, le CPS souligne qu’il est nécessaire de prendre en compte sur la durée lesdites interconnexions, car, alors que Londres a décidé l’arrêt de tout moyen de production au charbon dès 2025, leurs homologues du Continent en ont encore pour des années (jusqu’en 2038, pour l’Allemagne, 2030, pour les Pays-Bas). D’où la proposition du CPS de profiter de la COP26 à Glasgow, à l’automne, pour que le Royaume-Uni prenne le leadership, en mettant en œuvre une taxe carbone à la frontière sur la majorité des importations émettrices de carbone. Pour l’électricité, il s’agirait notamment d’imposer cette taxe qui serait proportionnée au mix de production de l’exportateur. Une telle mesure donnerait des règles du jeu équitables pour les producteurs britanniques et encouragerait les autres pays à accélérer leur transition vers les énergies renouvelables, tout en garantissant des revenus aux producteurs britanniques permettant d’être réinvestis, estime le CPS.
Le CPS adresse d’ailleurs cette demande à l’ensemble des produits importés fortement émetteurs, comme l’acier, le charbon, la chimie, le ciment, les engrais.
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