Interview

Leka, le robot au service des enfants en situation de handicap

Posté le 17 octobre 2024
par Alexandra VÉPIERRE
dans Informatique et Numérique

Composé d’un robot et d’une application sur iPad, Leka est un outil ludo-éducatif qui aide les enfants en situation de handicap à développer leurs capacités motrices, cognitives, sensorielles et sociales.
Ladislas de Toldi / Crédit : Leka @ APF France handicap

Commercialisé depuis 2022, Leka est un outil ludo-éducatif composé d’un robot sphérique, lumineux et capable de se déplacer, ainsi que d’une application sur tablette. Destinée aux professionnels de santé, la solution permet d’engager les enfants en situation de handicap dans des dizaines d’activités interactives afin de travailler des apprentissages de manière ludique. Ladislas de Toldi, cofondateur et project manager de Leka, présente sa solution.

Techniques de l’Ingénieur : Qu’est-ce que Leka ?

Ladislas de Toldi : Leka est une solution ludo-éducative à destination des professionnels qui accompagnent les personnes en situation de handicap. La solution se compose de deux parties. D’un côté, nous avons le robot qui s’appelle aussi Leka, qui est un robot sphérique, capable de se déplacer, de changer de couleur, d’afficher des images sur un écran, de vibrer etc. Et de l’autre côté, nous avons une application éducative qui fonctionne sur iPad, dans laquelle il y a du contenu éducatif que nous développons nous-mêmes. Ce contenu permet de travailler différentes compétences comme la motricité, la reconnaissance des couleurs, la reconnaissance des émotions…

Couplé à un iPad, Leka propose de nombreuses activités aux enfants / Crédit : Leka @ APF France handicap

Comment est née votre solution ?

L’idée de Leka est née en 2011, lorsque j’étais étudiant ingénieur à l’école de biologie industrielle de Cergy-Pontoise. Lors d’un cours de design, notre professeur nous a demandé d’imaginer un outil, type jouet, que les professionnels de santé qui accompagnent son fils autiste pourraient utiliser. Nous avons eu cette idée de “bulle”, d’objet sphérique qui viendrait interagir avec l’enfant. Puis j’ai réutilisé cette idée dans un deuxième projet de création de produit pour une entreprise fictive. Nos prototypes ont très bien fonctionné auprès du public cible, et on s’est rendu compte qu’à cette époque-là, on parlait peu de l’autisme en France, et peu de solutions existaient. En parallèle, des études commençaient à montrer que les nouvelles technologies, en particulier la robotique, pouvaient avoir un apport important pour les professionnels, notamment pour l’engagement des jeunes patients. Pourtant, ces demandes avaient du mal à se rencontrer parce que les solutions développées pour la recherche n’étaient pas du tout duplicables pour un usage réel.
Lorsque le projet scolaire s’est terminé, j’ai eu envie de poursuivre. Ma cofondatrice Marine Couteau m’a rejoint en 2014 et nous avons créé la start-up fin 2014. Nous avons connu des hauts et des bas, notamment financiers, jusqu’à ce que l’association APF France Handicap reprenne les actifs de la société en 2019. Depuis 2022, nous vendons notre produit en France et en Europe.

Comment avez-vous pensé votre solution et comment a-t-elle évolué depuis sa création ?

Initialement, nous voulions que le robot soit très intelligent, mais après différents tests en environnement naturel d’utilisation, nous avons compris qu’il était préférable que l’intelligence soit externe au robot et qu’il soit commandé par cette intelligence. C’est là que nous avons eu l’idée d’une application sur tablette connectée par Bluetooth. Nous avons développé notre application sur iOS, car les iPad étaient très présents dans le milieu du handicap. Concernant les matériaux, nous avons décidé de respecter les normes du jouet, qui sont plus exigeantes sur la solidité, et la nécessité d’absence de danger en cas de casse. Nous avons conçu Leka pour qu’il ne puisse pas se casser donc nous sommes partis sur du plastique.
Enfin, nous avons développé le contenu en étant accompagné par des professionnels de santé et en se calquant sur les bonnes pratiques ou sur les programmes qu’ eux-mêmes utilisent. Par exemple, pour apprendre à compter, il y a des étapes bien définies et ce sont ces étapes que l’on implémente par le biais de Leka. Nous n’inventons donc pas une nouvelle méthode d’accompagnement, mais nous venons comme un outil en support des méthodes existantes.

Leka est composé d’un robot et d’une application sur tablette / Crédit : Leka @ APF France handicap

En quoi Leka est adapté aux enfants en situation de handicap ?

Pour certains enfants, l’apprentissage de compétences comme la distinction des couleurs ou des émotions, la motricité, la communication, se fait assez naturellement. En revanche, pour des enfants autistes, trisomiques, polyhandicapés, ces apprentissages sont plus complexes. C’est là que Leka intervient. Le robot permet aux enfants d’être beaucoup plus engagés dans les activités d’apprentissage proposées par les psychologues, ergothérapeuthes, psychomotriciens. En effet, la difficulté de beaucoup de professionnels est de réussir à impliquer les enfants dans des séances de travail, donc ils sont à la recherche d’astuces pour motiver les enfants. Leka vient répondre à cette problématique car les enfants l’adorent. Tout notre contenu est vraiment pensé et organisé pour ces professionnels, et c’est également pour cela que nous ne vendons pas Leka à des particuliers. Notre solution vient en support à l’accompagnement des professionnels, mais ne le remplace pas.

Quelles activités peut-on faire avec Leka ?

Il y a par exemple ce qu’on appelle le loto des couleurs. L’apprentissage des couleurs est un prérequis à plein de choses donc les enfants les apprennent très tôt. Vous voulez traverser la rue ? Il faut reconnaître si le petit bonhomme est rouge ou vert pour savoir si on peut traverser. Pour travailler cet apprentissage, Leka choisit une couleur de manière aléatoire et l’enfant doit cliquer sur la tablette sur la même couleur que celle présentée par le robot. Avec les retours des professionnels qui faisaient évoluer la consigne en demandant aux enfants de verbaliser la couleur ou de montrer d’autres objets de la même couleur dans la pièce, nous avons créé d’autres activités en lien avec cet apprentissage, en faisant progresser la difficulté. Nous avons aussi une activité très amusante de cache-cache, une activité de musique au xylophone où les notes sont liées à des couleurs. Aujourd’hui, nous avons environ 250 activités rassemblées ensuite dans ce qu’on appelle des parcours. Un parcours, c’est un ensemble d’activités avec un séquençage de la progression qui permet de partir d’un point A et aller au point B avec l’objectif d’apprendre une compétence.

Comment faire pour que Leka soit accessible à tous les enfants, quel que soit leur handicap ?

L’accessibilité est vraiment notre fil conducteur depuis le début. Par exemple, nous avons des activités qu’on appelle drag and drop, où les enfants utilisent la tablette pour cliquer et déposer des objets dans un panier. Or pour des enfants polyhandicapés qui utilisent un joystick avec leur langue pour déplacer leur fauteuil roulant, cette activité n’est pas possible. Nous avons fait en sorte de pouvoir brancher leur joystick à la tablette, et l’activité s’adapte pour devenir du touch and select. Les enfants travaillent donc la même compétence, et l’expérience utilisateur change selon les besoins.

Quels sont vos projets avec Leka ?

Nous avons une liste longue comme le bras de contenus que nous souhaitons développer. Il faut savoir que dans le robot, certains composants sont installés mais pas encore activés. Par exemple, nous ne sommes pas encore pleinement satisfaits de tout ce qui lié au son, mais il pourra y avoir d’autres activités musicales quand nous aurons fait les mises à jour. Nous travaillons aussi sur la meilleure manière de guider les professionnels vers le contenu dont ils ont besoin. Ensuite, concernant le robot lui-même, nous avons plein d’idées pour une V2 mais nous ce n’est pas encore le moment de travailler dessus car nous apprenons encore de la version initiale. Nous aimerions aussi améliorer notre processus de ventes. Aujourd’hui, Leka se vend bien, mais ce sont essentiellement les structures et les professionnels qui nous contactent. Nous aimerions aller davantage vers du prospectif.

Propos recueillis par Alexandra Vépierre


Crédit photo de Une : Leka @ APF France handicap


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