Initialement mis en place chez Toyota, le Lean se révèle plus être une démarche à suivre qu'un réel système applicable et transposable d'un secteur à l'autre. Explications.
À l’heure où la plupart des projets transverses sont repoussés faute de moyens pour les financer, il en est un qui arrive souvent à rester en haut de la pile : le Lean. Compte tenu de notre approche orientée sur les réalités concrètes de nos clients, ce point de vue ne cherche pas à être le manuel de référence du Lean Management mais plutôt à remettre en perspective ce concept, compte tenu de son histoire et de ses mises en pratique, et ainsi apporter des réponses aux questions telles que : Pourquoi en parler aujourd’hui ? Concrètement, qu’est-ce-que c’est ? Comment le mettre en oeuvre ?
Il est possible d’appréhender le Lean Management comme le moyen de réduire le « poids » d’une organisation et ainsi la rendre plus manœuvrable, et donc finalement lui permettre de s’ajuster plus rapidement en cas de changements de contexte.
Historiquement, le Lean est le nom donné par des chercheurs du MIT au système de production mis en place dans les usines Toyota après la guerre. Mis en place sous forme d’exercice auquel participait chacun des ouvriers, il s’agissait pour ces derniers de participer la réflexion menée dans l’entreprise sur les économies de coûts, d’énergie et de matière.
Aujourd’hui, les entreprises ou directions faisant face à des réductions budgétaires, alors que leur structure et leurs investissements passés consomment obligatoirement une part importante de ces budgets, voient facilement l’intérêt de changer leurs méthodes de travail. Le « régime » Lean Management fait la chasse aux activités sans valeur ajoutée. Cet objectif directeur permet d’identifier cinq principes :
- définir la valeur ;
- identifier la chaîne de valeur ;
- obtenir un flux continu ;
- tirer la production ;
- viser la perfection.
Ces différents objectifs cherchent à identifier, puis éliminer, les pertes générées par une organisation et des process non optimisés. Cette suppression des pertes conduit naturellement à la fluidification de la production et donc à une meilleure maniabilité, objectif permanent de tout dirigeant. D’abord conceptualisé dans le monde industriel, la réflexion sur le Lean Management s’est ensuite portée sur son application dans le domaine des systèmes d’information au début des années 2000.
Le monde industriel, caractérisé par l’importance de ses chaînes de production, est naturellement focalisé sur des objectifs de réduction des temps de production, de réduction des défauts de fabrication, d’optimisation de planification… Comment le Lean va t-il trouver une pertinence à travers tous ces objectifs à priori plutôt hétérogènes ?
Compte tenu des changements induits par ces méthodes dans le travail quotidien, autant d’un point de vue pratique que d’un point de vue état d’esprit, leur mise en oeuvre ne peut se faire efficacement que de manière unitaire.
Le « tout, tout de suite » est à proscrire et une vrai réflexion sur le cadencement des mises en oeuvre doit être menée. En fait, le Lean management doit plus être appréhendé comme une philosophie et un ensemble de bonnes pratiques plutôt qu’un système à part entière. D’ailleurs, l’application du Lean tel quel en tant que système à part entière conduit généralement à l’échec de sa mise en place effective.
L’objectif : coordonner les différentes méthodes Lean dans une démarche générale d’amélioration
Il est intéressant pour cette réflexion de partir du cycle de vie d’un process dans lequel on distinguera trois phases principales : la création, l’évolution (avec des besoins de mesure, d’analyse, d’amélioration, de contrôle) et enfin la rupture. Pour chacune de ces phases, il est possible d’identifier les méthodes les plus pertinentes. Par exemple, dans une phase de création, il est possible de partir d’une formalisation de la chaîne de valeur pour construire le « workflow » correspondant. L’intérêt de ce « mapping » est de savoir quelles méthodes sont envisageables compte tenu de la maturité du process. Il est possible également d’engager en parallèle des démarches différentes dans des secteurs différents de l’entreprise. Les expériences faites sur un secteur ou process pouvant ensuite servir d’exemple aux autres secteurs lorsqu’ils atteignent le niveau de maturité adéquat.
Ainsi, sans établir de règles strictes pour mlener à bien la mise en place du Lean dans une entreprise, on peut tout de même lister les quatorze principes qui accompagnent une démarche Lean, quelle que soit l’activité de l’entreprise concernée. Les 14 principes sont :
- Baser la prise de décisions sur une philosophie à long terme, en acceptant les conséquences financières à court terme ;
- Créer des processus qui permettent de mettre les problèmes en évidence rapidement (flux continu) ;
- Utiliser le « flux tiré » pour éviter la surproduction ;
- Lisser la production ;
- Intégrer à la culture la nécessité d’arrêter la production dès l’émergence d’un problème de façon à produire de la qualité du premier coup ;
- La standardisation du travail est la base de l’amélioration continue et de l’implication des collaborateurs ;
- Utiliser le management visuel afin qu’aucun problème ne soit caché ;
- Ne mettre au service du personnel et des processus de production que des technologies éprouvées ;
- Former des leaders qui connaissent parfaitement le travail, et qui incarnent la philosophie ;
- Développer des collaborateurs et des équipes de travail exceptionnels qui embrassent la philosophie de l’organisation ;
- Respecter son réseau étendu de partenaires et de fournisseurs en les encourageant et les aidant à s’améliorer ;
- Aller soi-même sur le terrain, pour comprendre en profondeur la situation ;
- Prendre les décisions lentement, par consensus, en considérant toutes les options possibles ;
- Mettre rapidement en place les solutions choisies ;
- Devenir une organisation qui apprend à travers la réflexion au fil de l ’eau et l’amélioration continue.
Après la seconde guerre mondiale, Taiichi Ohno et Shigeo Shingeo créent pour Toyota les concepts de “minimisation des phases de gaspillage” et de “zéro défaut” qui, ajoutés à d’autres techniques de mise en flux, créent le Toyota Production System .
Une première preuve de l’intérêt de ces méthodes survient en période de crise, le choc pétrolier de 1973
C’est pendant cette période économique difficile que Toyota, au travers la mise en oeuvre de son Toyota Production System, se démarque de ses concurrents japonais par une meilleur résistance.
C’est ce premier cas d’école qui va concentrer l’attention des industriels, d’abord japonais, sur ce système de production. La théorisation des méthodes appliquées par Toyota a conduit àla formalisation du concept généraliséde Lean Manufacturing. Les industriels disposent ainsi d’une base de départ qu’ils peuvent ajuster en fonction de leurs environnements et de leurs méthodes préexistantes. De nouvelles expériences peuvent ainsi être étudiées et conceptualisées.
L’histoire du Lean Management montre bien que sa création s’est faite par l’agrégation de méthodes et bonnes pratiques existantes s’inscrivant toutes dans une logique d’optimisation et de rationalisation.
C’est ainsi plus la philosophie sous-jacente au Lean qui a conduit à agréger ces méthodes existantes, et qui permettra d’ailleurs de continuer àfaire évoluer le Lean Management avec la prise en compte de nouvelles méthodes.
Il est donc préférable, plutôt que de méthode Lean, de parler de démarche Lean. Cette précision permet également d’attirer l’attention sur le fait que, comme tout modèle, norme, … le plus important est de bien appréhender les concepts pour pouvoir appliquer les «outils» de manière pertinente dans une situation donnée.
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