Alors que tout le monde s'alarme du réchauffement climatique et de la fonte des glaces, le constat peut paraître étonnant : le volume de la banquise arctique d'été en 2013 est supérieur à celui de 2012, de 2011 et de 2010. Peut-on y voir un début d'inversion de tendance, du type de celle qui s'est produite au milieu du siècle dernier ?
Selon les données PIOMAS (Pan-Arctic Ice Ocean Modeling and Assimilation System), le volume de la banquise arctique en août 2013 (5800 km3 , 1 km3 = 1 milliard de mètres-cubes) est supérieur de 1400 km3 (+31%) à celui de 2012 (4400 km3). Il est également supérieur de 700 km3 à celui de 2011 (5100 km3) et supérieur de 200 km3 à celui de 2010 (5600 km3). Et l’écart est en train de se creuser davantage en ce premier tiers de septembre, c’est à dire à quelques jours du point minimal de l’année, selon le Polar Science Center (PSC) basé au sein de l’Université de Washington aux Etats-Unis. La banquise arctique se porte donc mieux cet été que les trois dernières années.
Les 5800 km3 d’août 2013 restent néanmoins 66% inférieurs à ceux de la moyenne des trois dernières décennies. Autrement dit, et pour imager, sur trois glaçons flottant dans un verre d’eau sur cette période, il n’en reste plus qu’un cette année. On ne peut donc pas conclure, malheureusement, que la banquise arctique va bien.
La banquise arctique a perdu en moyenne 3200 km3 par décennie depuis 30 ans, ce qui est équivalent à une perte totale de 9600 km3 durant ce presque tiers de siècle, ou encore de 320 km3 par an en moyenne.
Selon les scientifiques du PSC, « le volume de la glace est un important indicateur climatique. Il dépend à la fois de l’épaisseur de la banquise et de sa surface, et ainsi renseigne mieux sur les forçages climatiques que la surface seule ». La surface de la glace d’été, qui a également augmenté considérablement dans l’arctique entre 2012 et 2013, constitue cependant le paramètre-clé sur le plan de l’albédo, le rapport de l’énergie solaire réfléchie par une surface à l’énergie solaire incidente. Plus la surface de glace claire est importante comparativement à la surface d’eau de mer sombre, plus l’énergie solaire est réfléchie. Les variations d’albédo constituent un exemple de rétroaction lors d’un changement de la température.
Il est trop tôt pour parler d’une inversion de tendance
Le sursaut ponctuel du volume et de la surface de la banquise arctique durant l’été 2013 est-il annonciateur du début d’une voie de rétablissement pour Madame la banquise ? Certains journalistes britanniques se sont empressés de répondre par l’affirmative. Comme par exemple David Rose du Daily Mail selon qui tout va très bien pour elle. Non sans une évidente provocation, il vient de signer le 7 septembre un article où il affirme que la croissance observée de 60% de la surface arctique entre août 2012 et 2013 annonce l’arrivée d’une période de « refroidissement climatique ». Cet article a provoqué un véritable buzz dans les médias anglophones. Et de violentes réponses de la part de certains militants écologistes dont l’esprit s’est mis à chauffer.
Mais il est trop tôt pour pouvoir répondre scientifiquement à cette question. Même si, à l’autre extrémité du globe, la tendance claire à l’augmentation de la surface de la banquise antarctique, avec un record historique atteint cette année, invite à la réflexion. De même que la pause (ou « hiatus ») claire et nette du réchauffement à l’échelle globale depuis une décennie et demi, pause qui n’a pas fini d’agiter le débat climatique entre les scientifiques. Notamment à propos de ses implications au niveau de la sensibilité climatique, c’est à dire quelle hausse de température on peut envisager si on double la concentration atmosphérique en gaz carbonique.
175 millions de milliards de glaçons, et moi et moi… émoi !
Un fait est certain: les émissions anthropiques de gaz à effet de serre et de carbone-suie ne font qu’augmenter, ce qui, sur le long terme, et en dépit des fluctuations à court ou moyen terme, ne pourra que pousser à la poursuite du réchauffement observé à l’échelle séculaire. Comme le dit l’adage populaire, « mieux vaut prévenir que guérir ».
En attendant, 1400 km3 de volume supplémentaire entre août 2012 et août 2013, ce n’est pas moins de 175 millions de milliards de glaçons (de 8 cm3 l’unité) pour le pastis ! Deux explorateurs français n’en ont effectivement pas manqué cet été pour rafraîchir leurs boissons…et compromettre la clarté du message qu’ils voulaient faire passer. Sébastien Roubinet et Vincent Berthet, qui voulaient tenter l’exploit de traverser le Pôle Nord à bord d’un petit catamaran non équipé de moteur baptisé « Babouchka », ont en effet été bloqués par la glace et n’ont pas eu d’autre choix que d’appeler au secours.
La banquise (eau de mer congelée) s’est répandue si rapidement qu’elle les a littéralement piégé: « le piège s’est refermé plus rapidement que prévu ». Les deux aventuriers écologistes ont peut-être été influencés et induits en erreur par une étude scientifique de 2007, dont les médias ont largement fait écho, étude qui annonçait la disparition intégrale de la banquise arctique d’été dès 2013. Ils avaient l’ambition de rejoindre le Spitzberg en franchissant le Pôle Nord géographique, d’observer la fonte des glaces de l’arctique « pour tenter d’expliquer l’accélération de ce processus ces dernières années », accélération « que les modèles actuels sont incapables d’expliquer », de « mettre la banquise sous surveillance étroite et directe » grâce à leur catamaran des glaces, et sensibiliser le monde entier sur cette thématique.
Comme le chantait Jacques Dutronc, « c’est la vie, c’est la vie ». Ces deux lanceurs d’alerte ont été au final secourus par un brise-glace russe, « l’Amiral Makarov », alourdissant ainsi le bilan carbone de cette mission polaire qu’ils n’oublieront pas.
Par Olivier Daniélo
En savoir plus :
> A propos du volume de la banquise arctique (Polar Science Center, Université de Washington):
> A propos de la surface de la banquise arctique (National Snow and Ice Data Center, Université du Colorado):
> A propos des causes possibles de la pause du réchauffement climatique (un excellent dossier, Yale Climate Forum / Berkeley Earth Project)
Et aussi dans les
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