La Russie propose depuis des années ses services en matière d’énergie au Vietnam mais les négociations se sont accélérées pour répondre à la demande croissante d’énergie du pays. En novembre 2013, Gazpromneft et Petorvietnam ont ainsi signé un accord posant les bases d’un projet d’entrée au capital de la raffinerie de Zung Kuat afin d’y réaliser divers travaux d’amélioration. Estimés à 1 milliard d’euros ils devraient permettre de faire passer sa production de 6,5 à 12 millions de tonnes par an.
Toujours dans le secteur de l’énergie, c’est encore la Russie qui a remporté l’appel d’offres international lancé par le Vietnam pour la construction de sa première centrale nucléaire, Ninh Thuan. Suite à l’accident nucléaire de Fukushima en mars 2013, le gouvernement vietnamien avait mis en veille le projet et demandé aux Russes un renforcement des mesures de sécurité. Le Premier ministre a depuis approuvé la reprise des travaux. La mise en service des deux réacteurs est prévue pour 2023-2024. A noter que la Russie a octroyé une ligne de crédit de 8 milliards de dollars, soit la quasi totalité du coût de construction.
Géostratégie
L’intérêt russe pour le secteur énergétique vietnamien n’est pas dénué d’arrière-pensées. Au-delà des contrats commerciaux, la présence russe au Vietnam est éminemment géopolitique. Allié historique lors de la Guerre Froide, les deux pays ont gardé des relations très fortes et les militaires russes ont une présence à Cam Ranh Bay, une ancienne base aérienne américaine. Ce qui déplait fortement aux Américains qui multiplient les gestes envers leur ancien ennemi. Ainsi Barack Obama a annoncé, lors de son déplacement officiel au Vietnam fin mai, la levée de l’embargo sur la vente d’armes létales notamment celles destinées à des fins de sécurité maritime en vigueur depuis la Guerre Froide.
L’administration américaine est même allée plus loin puisque depuis 2014, elle a versé 45,7 millions de dollars au Vietnam pour mettre en place des programmes de coopération militaire. Pour Russes et Américains, l’objectif est clair : donner au Vietnam les moyens de contrer l’expansionnisme chinois en mer.
Les îles Spratley et Paracels (voir carte), sur lesquelles du pétrole a été découvert au début des années 1990, sont au cœur des tensions régionales. Le Vietnam et la Chine s’en disputent la souveraineté, ainsi que la Malaisie, Bruneï, Singapour et l’Indonésie…
Non-aligné
Historiquement, les forces armées vietnamiennes se sont peu projetées sur les mers. Et pour cause, leur principale priorité a été de se défendre sur leur territoire. Mais les ambitions chinoises ont poussé en 2007 le bureau politique du parti communiste vietnamien a lancer une stratégie maritime. Dans ce grand échiquier asiatique, Hanoï ne semble pas vouloir favoriser une alliance plus qu’une autre. Au contraire, elle fait monter les enchères. Ainsi le très prisé port international de Cam Ranh, reçoit des bâtiments militaires de toutes nationalités, le dernier en date étant français. Le FS Tonerre est arrivé le 2 mai 2016 pour quatre jours. Il a été précédé par un vaisseau singapourien mi-mars et deux navires japonais en avril. Cette base stratégique offre un point d’appui rêvé pour les flottes des grandes puissances.
Mais Hanoï opte également pour des partenariats régionaux. En octobre 2014, le gouvernement indien a accordé une ligne de crédit de 100 millions de dollars pour des achats d’équipements militaires. Le Japon s’est lui engagé en 2014 à lui vendre six navires patrouilleurs. Une multiplication d’accord qui n’est pas sans déplaire à Pékin qui joue le chaud et le froid avec son voisin.
Nathalie Fau, Maître de conférences à l’Université Paris-Diderot, et spécialiste du Vietnam, conclue : « Ce qui n’a pas réellement changé en revanche, c’est l’alternance entre phase de frictions, de négociations et d’avancées diplomatiques dans les relations entre le Viêt Nam et la Chine. Cette ambiguïté est bien visible dans la gestion différente entre d’un côté les espaces maritimes insulaires (Paracels et Spratleys) qui demeurent des lieux des frictions et de l’autre le golfe du Tonkin où la délimitation officielle de la frontière maritime a abouti à la création d’une Zone commune de développement. Indique ».
Romain Chicheportiche
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