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Décryptage

Le véhicule sur secteur : un concept à double sens

Posté le par La rédaction dans Environnement

Toyota et EDF ont annoncé récemment qu'ils allaient tester une centaine de véhicules hybrides rechargeables sur secteur (VHR). Un concept qui bouleverse les relations entre l'électricité et les carburants d'origine fossile. Explication.

Il y a plusieurs années que Toyota et EDF travaillaient en France et en Grande-Bretagne sur l’expérimentation de véhicules hybrides rechargeables (VHR). Les nouveaux tests seront conduits pendant trois ans sur une centaine de VHR de nouvelle génération, en l’occurrence des modèles Prius « à brancher », équipés de batteries lithium-ion, qui seront proposés en location à des entreprises et des partenaires institutionnels de la région de Strasbourg.

Un VHR (en anglais PHEV – plug-in hybrid electric vehicle) est un véhicule hybride avec des batteries qui peuvent être rechargées en les connectant par l’intermédiaire d’une prise à une source d’électricité. Il a donc les caractéristiques à la fois des hybrides classiques (double motorisation carburant + électricité) et des véhicules tout électriques qui se connectent à une source extérieure. La plupart des modèles existants sont des voitures particulières, mais il y a quelques modèles de véhicules utilitaires.

D’autre part, se développe progressivement le concept de V2G (vehicle-to-grid). La connection d’un véhicule à un réseau électrique était traditionnellement considérée comme le moyen d’alimenter le véhicule. Le V2G est vu comme la possibilité d’un échange dans les deux sens. Le véhicule alimenté par du carburant pétrolier ou une pile à combustible peut à son tour alimenter le réseau électrique. L’université du Delaware a figuré de façon graphique cette interaction d’un nouveau type : voir le schéma 

Cette alliance du véhicule VHR et du concept V2G a été étudiée de près par Benjamin Sovacool. Voici son analyse :

« Un VHR utilise la technologie des véhicules électriques hybrides mais il dispose d’une plus grosse batterie et d’un chargeur enfichable. La plupart des prototypes de VHR contiennent une batterie capable d’alimenter en électricité seule le véhicule pour un trajet compris entre 30 et 100 km. Une voiture dotée de la technologie V2G, parfois appelée énergie mobile, se branche avec le système public d’électricité existant.

Une communication à double sens

Un VHR doit posséder trois éléments pour opérer dans une configuration de V2G : une connexion au réseau électrique, un outil de contrôle et/ou de communication qui permette aux opérateurs du réseau d’accéder à la batterie et un compteur de précision à bord du véhicule pour détecter les flux d’énergie. Ce système intelligent de communication à double-sens entre le réseau électrique et le véhicule permet une meilleure gestion des ressources électriques par le service public et donne aux propriétaires la possibilité de gagner de l’argent en revendant de l’énergie au réseau.

Le concept de V2G suscite un large soutien car il offre des avantages aussi bien pour le système de transport que pour le système d’électricité. Il pourrait aider le premier en réduisant la consommation de pétrole, en soutenant l’économie, en renforçant la sécurité nationale et en améliorant l’environnement naturel. Et le second, en créant une nouvelle opportunité pour l’électricité, idéalement aux moments dans la journée où la demande reste faible. De plus, il pourrait augmenter les capacités du réseau électrique aux heures de pointe sans que l’industrie publique ait besoin de construire de nouvelles centrales électriques ».

Des bénéfices majeurs pour l’environnement

Benjamin Sovacool fournit également dans son étude une série de chiffres relatifs au marché américain, avec leurs sources. Il apparaît ainsi que le Département américain des transports estime qu’environ 60 % des véhicules roulent moins de 50 km par jour. Un VHR doté d’une batterie d’une capacité de 50 km réduirait à zéro la consommation de pétrole pour ces courts trajets et d’autant la consommation globale de carburant.

Les chiffres s’additionnent rapidement : une transition au V2G pourrait potentiellement se substituer à l’équivalent de 6,5 millions de barils de pétrole par jour, soit plus de 50% des importations totales de pétrole du pays.

Une transition aux VHR/V2G pourrait également offrir des bénéfices majeurs pour l’environnement. Selon une étude du Pacific Northwest National Laboratory, une transition de la moitié des véhicules en circulation en 2007 aux VHR aurait réduit de 27% les émissions globales de gaz à effet de serre. En utilisant un compteur dit de « well-to-wheels » (« du puits à la roue »), qui inclue l’énergie et les gaz à effet de serre correspondant à la fabrication du véhicule ainsi que son cycle de carburant, l’Electric Power Research Institute (EPRI) estime qu’un véhicule électrique hybride émet en moyenne 22% de dioxyde de carbone de moins qu’un véhicule conventionnel.

Des économies d’énergie et d’argent

Les consommateurs peuvent aussi tirer avantage de l’utilisation de VHR car, sur une même distance, l’électricité est moins chère que l’essence. Sur la base des prix américains, l’EPRI conclut que les VHR économiseraient 600 dollars par an à un conducteur américain moyen.

Benjamin Sovacool ajoute que les VHR ont également l’opportunité de ne pas être seulement des véhicules, mais également des ressources mobiles et indépendantes capables de réguler le flux énergétique et de pallier aux besoins de l’infrastructure publique d’électricité. Etant donné que les véhicules ne circulent en moyenne aux Etats-Unis que 4 à 5% de la journée, et qu’au moins 90% des véhicules personnels sont immobilisés (dans des parkings ou des garages) même aux heures de pointe, les ressources potentielles des VHR V2G sont considérables : en plaçant simplement une batterie de 15 kW dans chacune des 191 millions de voitures qui existent dans le pays, la capacité équivalente en électricité serait de 2.865 GW si tous les véhicules se mettaient à fournir simultanément le réseau.

Ceci représente plus du double de la capacité totale des générateurs électriques aux Etats-Unis. Le système public d’électricité tirerait profit de l’application du V2G, pas seulement en fournissant de l’électricité aux nouveaux véhicules, mais également en se fournissant en électricité auprès d’eux. Le premier bénéfice provient du fait que de nombreuses ressources publiques sont sous-utilisées. La raison en est que les responsables ont traditionnellement (et de façon logique) conçu les infrastructures de façon à répondre à la plus forte demande. En dehors de ces pics, le système est capable de générer et de délivrer une partie substantielle de l’énergie nécessaire à l’alimentation des véhicules, pour un prix bien plus faible que l’essence.

Environ 8 à 12% du pic de la demande en électricité se produit entre seulement 80 et 100 heures par an. Etant donné que la majeure partie des capacités de production restent inutilisées, l’alimentation de 84% des voitures, camions légers et 4×4 électriques aux Etats-Unis pourrait être supportée par les infrastructures électriques existantes, si elle avait lieu pendant les heures creuses.

Des obstacles persistent

Benjamin Sovacool conclut son étude en relevant toutefois les obstacles à une transition aux VHR/V2G : les réticences des clients face aux nouvelles technologies, le coût initial important et la difficulté à percevoir les économies à long terme, et les réticences de ceux qui sont partie prenante dans les infrastructures existantes. « Des résistances plus sérieuses peuvent provenir des fabricants d’automobiles, des compagnies pétrolières et des entreprises de réparation qui ont englouti des milliards de dollars dans des infrastructures adaptées aux véhicules conventionnels. On peut s’attendre à un lobbying de la part de ces puissantes industries auprès des politiques et du public pour maintenir le statu quo », écrit-il.

Sur le Web:

Duvall, M. 2002. «Comparing the Benefits and Impacts of Hybrid Electric Vehicle Options for Compact Sedan and Sport Utility Vehicles,» Electric Power Research Institute Final Report 1006892, July, – Cliquez ici puis aller sur comparing the benefits…

Kintner-Meyer, Michael, Kevin Schneider, and Robert Pratt. 2007. «Impacts Assessment of Plug-In Hybrid Vehicles on Electric Utilities and Regional U.S. Power Grids Part 1: Technical Analysis,» Pacific Northwest National Laboratory Report

Scott, Michael J., Michael Kintner-Meyer, Douglas B. Elliott, William M. Warwick. 2007. «Impacts Assessment of Plug-In Hybrid Vehicles on Electric Utilities and Regional U.S. Power Grids Part 2: Economic Assessment,» Pacific Northwest National Laboratory Report – Voir le site de Pacific Northwest National Laboratory

Sovacool, Benjamin K. and Richard F. Hirsh. 2009. «Beyond Batteries: An Examination of the Benefits and Barriers to Plug-in Hybrid Electric Vehicles (PHEVs) and a Vehicle-to-Grid (V2G) Transition,» Energy Policy 37(3) (March, 2009), pp. 1095-1103 – Cliquez ici 

Tomic, Jasna and Willet Kempton. 2007. «Using Fleets of Electric-Drive Vehicles for Grid Support.» Journal of Power Sources 168, pp. 459-468 – Cliquez ici .

En savoir plus

Le Docteur Benjamin Sovacool travaille actuellement au « Centre on Asia and Globalization » à l’Université nationale de Singapour. Assistant à l’Institut polytechnique de Virginie, il a conduit de nombreuses missions pour des institutions américaines sur les technologies renouvelables et a publié « Energy and American Society-Thirteen Myths ».

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