Décryptage

Le – très – long chemin vers une économie circulaire

Posté le 22 août 2024
par Pierre Thouverez
dans Entreprises et marchés

L’économie circulaire, dont l’avénement est programmé notamment via la loi AGEC, est une solution pour limiter la production de déchets, et une réponse à la problématique de la raréfaction des ressources.

Ce modèle économique, appelé à supplanter dans les années à venir le modèle actuel linéaire, implique un bouleversement des pratiques, notamment industrielles. Car c’est en modifiant les méthodes de production industrielle, sur l’ensemble du cycle de vie des produits, que l’on pourra réellement « circulariser » notre économie.

Prenons les choses dans l’ordre. l’économie circulaire à l’oeuvre dans nos sociétés depuis le début de l’ère industrielle se décompose en quatre étapes : l’extraction des matières premières, la production, la consommation, et enfin la fin de vie, qui consiste à jeter les produits hors d’usage. Ensuite, on achète un nouveau produit. Le principe de circularité fonctionne à l’inverse, et fonde ses vertus sur le recyclage, la réparation et le reconditionnement des produits, en une boucle la plus fermée possible. Pour y parvenir, le travail à réaliser doit s’opérer sur l’ensemble de la chaîne de valeur du produit, et pas seulement sur ce qui se passe à l’usine. En effet, la phase de production d’un produit ne représente, en moyenne, que 5 à 10 % de son impact environnemental global.

Les leviers d’action pour réduire – voire annuler – l’impact environnemental sur l’ensemble du cycle de vie d’un produit sont nombreux. Tout d’abord, il est fondamental de repenser tout ce qui touche au design des produits. Ce travail en amont de la production passe par l’éco-conception, c’est-à-dire intégrer à la conception des produits la notion de réparabilité, de réutilisation et de recyclabilité. De durabilité également, en banissant l’obsolescence programmée, pratique qui a eu sa justification jadis, mais qui est incompatible par nature avec l’économie circulaire.

Ensuite, les ressources. La nécessité d’optimiser leur utilisation, pour limiter tout au long de la chaîne de production l’accumulation de déchets et la perte de matière, aura pour conséquence la limitation de l’extraction de ces ressources, à l’heure de la raréfaction de nombre d’entre elles. Dans un schéma d’économie circulaire idéal, la matière entre dans une boucle fermée, et l’extraction de nouvelle matière n’est alors liée qu’à l’augmentation de la consommation, et au fait que certains matériaux ne peuvent pas être recyclés à 100%, comme le plastique par exemple.

La réutilisation et la réparation doivent également se penser au niveau de la gestion des déchets. L’upcycling consiste à mettre en oeuvre des systèmes efficaces de collecte et de recyclage, avec pour finalité de transformer le déchet en ressource.

Dans l’absolu, les déchets non recyclables doivent alors être utilisés comme source d’énergie.

En périphérie de la chaîne de production, les modèles économiques doivent aussi évoluer. Le passage à une économie de la fonctionnalité, qui s’illustre par la possibilité de louer au lieu d’acheter, et de partager les ressources entre utilisateurs, est une étape nécessaire au développement de l’économie circulaire dans certains secteurs de consommation.

Enfin, et c’est tout le sens de la création des filières REP – Responsabilité Elargie du Producteur -, il est nécessaire que toutes les parties prenantes soient impliquées à leur niveau dans l’avènement de l’économie circulaire. Les entreprises se doivent de revoir leurs stratégies de production, mais cela n’a de sens que si les consommateurs intègrent dans leurs comportements de consommation les notions de durabilité, de réutilisation et de recyclage dans leurs habitudes d’achat. Cette évolution du comportement des consommateurs ne se fera pas si facilement. L’éducation et la formation sont les piliers de cette transformation. Sans oublier, évidemment, le rôle des Etats dans l’« incitation » à jouer le jeu de l’économie circulaire, via les réglementations et les normes, les incitations fiscales, mais aussi la mesure et le suivi des performances. Et les mesures coercitives in fine, pour les producteurs comme pour les consommateurs.

On le voit, l’économie circulaire supplantera l’économie linéaire au prix d’une transformation globale des pratiques, et de la systématisation de ces évolutions, sans concessions.


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