Socomec est un groupe industriel créé en 1922, qui rassemble plus de 3 600 experts à travers le monde.
La spécialité de Socomec tient en trois mots : disponibilité, contrôle et sécurité des réseaux électriques basse tension.
Depuis plusieurs années, le groupe propose des systèmes de stockage d’énergie reposant entièrement sur les technologies électrochimiques.
Jean-Marc Guillou est en charge des activités techniques depuis le développement du produit et des projets jusqu’aux phases de suivi d’opération et de maintenance.
L’objectif de l’Union européenne vise à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % (FIT for 55) d’ici à 2030, notamment en réduisant les émissions d’échappement des voitures, camionnettes et camions neufs. Pour atteindre cet objectif, la Commission européenne a renforcé sa directive sur les énergies renouvelables et a fixé comme objectif pour le mix énergétique européen d’atteindre 42,5 % de production renouvelable d’ici 2030, soit plus du double de la production de 2021. La contrainte majeure de cette approche est que cette production d’électricité dite renouvelable est intermittente.
Techniques de l’ingénieur : À quels besoins le stockage d’énergie répond-il ?
Jean-Marc Guillou : Les besoins sont nombreux mais, quelle que soit l’application visée, le maître mot du stockage d’énergie est « flexibilité ». Les applications notables sont l’intégration d’énergie renouvelable, avec l’adaptation entre production et consommation d’énergie verte, la réduction des coûts de consommation énergétique, le lissage des pics de consommation, la réduction des coûts des installations (en optimisant le dimensionnement) ainsi que le renforcement du réseau électrique actuel qui est contraint par les nouveaux usages autour de la mobilité électrique. Le stockage peut aussi jouer un rôle pour aider les distributeurs d’énergie à répondre à leurs engagements en termes de disponibilité.
Pourriez-vous préciser les usages concernant l’intégration des énergies renouvelables ?
Les énergies principalement concernées, ici, sont l’éolien et le photovoltaïque. D’autres énergies, notamment l’hydrolien, sont également discutées, mais présentent pour l’instant une contrainte moindre sur le réseau électrique. Ces énergies renouvelables sont, certes, vertueuses, mais elles n’en sont pas moins problématiques pour les réseaux électriques. Il y a deux raisons à cela.
Comme je l’ai dit précédemment, le premier point concerne leur caractère intermittent : la période de production d’électricité ne correspond pas parfaitement au besoin de consommation sur le réseau électrique. Dans ce cas de figure, l’intégration d’éléments de stockage par batteries permet de déplacer l’énergie produite par ces installations afin de la consommer sur une période plus adéquate, par exemple le soir.
Le second point concerne la capacité insuffisante du réseau électrique à transporter l’électricité produite par les grandes installations solaires et/ou éoliennes. En effet, ces nouveaux sites de production sont en général relativement éloignés des points de consommation, ce qui implique de transporter cette énergie via le réseau électrique historique, vers les points de consommation/distribution.
Le réseau n’étant pas assez robuste ni structuré pour cela, des investissements lourds en termes d’infrastructures électriques sont, de fait, nécessaires afin de limiter les phénomènes de congestion. L’ajout de moyens de stockage d’énergie permet alors de décongestionner les contraintes sur certains points de connexion du réseau, ce qui évite d’investir dans de nouvelles lignes électriques coûteuses et ayant un impact non négligeable sur l’environnement.
Cela a fait l’objet de plusieurs démonstrateurs, notamment le projet RINGO piloté par RTE, le responsable du transport et de l’équilibre du réseau électrique en France.
Quels sont les usages en mobilité électrique ?
Le stockage d’électricité va également permettre de développer de nouveaux usages tels que la mobilité électrique, car il faut rappeler que le réseau de transport électrique français n’est actuellement pas structuré pour accueillir les transformations attendues. On sait que l’Europe compte installer 5,2 millions de bornes de recharge non résidentielles d’ici 2030 et aujourd’hui, elle n’en compte que 500 000. Pour permettre d’atteindre ces objectifs, plusieurs programmes européens existent, comme le projet « Infrastructure pour carburants alternatifs » (AFIR) qui permet aux acteurs de ces infrastructures d’investir avec le soutien des gouvernements.
Néanmoins, les modèles de prévision utilisés pour construire les infrastructures actuelles avaient bel et bien anticipé la hausse du volume d’électricité consommée, mais pas son accélération.
En effet, les chargeurs de faible puissance, entre 3 et 22 kW, installés chez les particuliers sont adaptés à une recharge lente des batteries de véhicules électriques, le plus souvent la nuit. Avec l’aide de logiciels de gestion de charge intelligents, il est donc aisé de contrôler ces installations et de limiter l’impact sur le réseau électrique.
Dans le cas des bornes de recharge situées dans les lieux publics (autoroutes, supermarchés, etc.), c’est la charge rapide qui est nécessaire, ce qui implique l’utilisation de chargeurs à courant continu de haute puissance, jusqu’à 350 kW par chargeur (une station peut être équipée de plusieurs chargeurs). Ces nouveaux points de consommation entraînent de fortes contraintes sur le réseau électrique français et européen, une problématique qui sera encore amplifiée dans le cas de la recharge de bus et de camions, car les niveaux de puissance pourront monter jusqu’à 3 MW par point.
Le stockage par batteries est une réponse à ce problème, car il agit comme un ballon d’énergie capable de limiter les appels de puissance induits par la charge des véhicules électriques.
Le stockage d’énergie peut-il aussi intéresser les industriels ?
Bien entendu, les règles ici sont différentes dans l’ensemble des pays européens, mais les contrats d’approvisionnement en énergie des industriels sont basés, en général, sur des pics de puissance atteints. Si ce pic se produit peu souvent, la conséquence financière pour l’industriel peut alors être importante. Le stockage d’énergie présente ici l’opportunité de limiter ces appels de puissance et de lisser la courbe d’injection ou de soutirage du réseau électrique, permettant ainsi de réduire la puissance de raccordement et d’optimiser le dimensionnement des installations. Et lorsqu’elle est couplée à des solutions de production d’EnR, ce système permet également aux industriels de réduire leur impact environnemental.
Par ailleurs, pour des industriels ayant de fortes contraintes de continuité de process, l’ajout d’un stockage par batteries limite aussi la dépendance au réseau électrique, notamment lors des phases de coupure ou de panne du réseau électrique.
Pour finir, la hausse des coûts d’électricité qui a été observée ces dernières années a aussi mis en lumière l’intérêt pour les agrégateurs de piloter des installations de stockage chez les industriels.
Le stockage d’énergie réduit-il les émissions de CO2 ?
Comme évoqué tout à l’heure, le photovoltaïque (PV) ne produit pas l’électricité au bon moment. La solution actuelle consiste à faire de l’écrêtage, c’est-à-dire à limiter la production sur le réseau électrique. Or, s’il n’est pas possible d’utiliser cette électricité à son plein potentiel, cela signifie que les chiffres annoncés en termes de réduction des émissions de CO2 ne sont pas exacts !
Pour les industriels souhaitant s’orienter vers une réduction de leur empreinte carbone, l’installation d’un système de stockage est donc particulièrement utile.
D’un point de vue technologique, quel est le fonctionnement d’un système de stockage ?
Un système de stockage d’énergie comprend deux éléments majeurs : une partie conversion et une partie stockage d’énergie, c’est-à-dire des batteries.
Socomec propose différentes solutions de stockage d’énergie. Prenons l’exemple de la gamme de convertisseurs SUNSYS HES L (Hybrid Energy Storage). Ces solutions sont un assemblage de convertisseurs modulaires de 50 kVA qui peuvent être mis en parallèle pour répondre à des besoins jusqu’à 600 kW et d’armoires de stockage d’énergie de 186 kWh pouvant atteindre plusieurs mégawatts en parallèle.
Comme son nom l’indique, le rôle du convertisseur est de convertir le courant continu provenant des batteries, en courant alternatif synchrone avec le réseau électrique. Ces systèmes intelligents gèrent le support sur le réseau et la communication avec les différents opérateurs réseau, ce qui permet une intégration « optimale ».
Concernant le design de ces convertisseurs, nous utilisons des technologies SiC qui permettent d’atteindre les meilleurs résultats en termes de rendement et d’efficacité.
Les batteries (ou accumulateurs) sont des systèmes électrochimiques, dont l’objectif est de stocker l’énergie sous forme chimique et de la restituer sous forme électrique. Nous utilisons la technologie lithium-fer-phosphate (LFP), pour plusieurs raisons.
La principale concerne l’aspect sécurité, car le risque d’emballement thermique est moindre avec cette technologie, le point de déclenchement Thermal Runaway étant supérieur, en comparaison avec la technologie Nickel Manganèse Cobalt (NMC).
De plus, les batteries sont placées dans une armoire spéciale, équipée d’un refroidissement par eau glycolée, pour maintenir une température d’opération optimale dans les batteries. En cas de défaillance, l’armoire dispose aussi d’un système d’extinction incendie par gaz inerte, ce qui évite tout risque de propagation.
Cette technologie propose aussi des durées de vie supérieures à moindre coût, en comparaison avec la technologie NMC. En contrepartie, la densité d’énergie et les capacités en puissance (c-rate) sont cependant réduites, mais pour nos applications dites « stationnaires », les avantages sont nettement supérieurs aux contraintes.
Enfin, nous étudions également l’intégration de nouvelles solutions de stockage d’énergie à la fois plus sécuritaires et plus propres.
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