La France est dotée d'un immense potentiel pour compter parmi les plus grands marchés solaires au monde. Certaines régions bénéficient d'un niveau d'ensoleillement exceptionnel. Des centaines de terrains militaires et de terres agricoles sont inutilisés. La main d'œuvre est hautement qualifiée et l'expertise en matière d'énergie et d'ingénierie électrique est internationalement reconnue. Enfin, le profil énergétique de l'électricité solaire, qui fournit du courant en heures de pointe, correspond parfaitement aux besoins de la France.
Malgré ses atouts, la France ne s’est pas donnée les moyens d’exploiter pleinement son potentiel. Alors que l’Allemagne s’apprête à installer 4 à 5 gigawatts (GW) d’électricité solaire cette année et 52 GW d’ici 2020, le niveau des installations en France devrait être inférieur à 1 GW cette année et n’atteindra probablement même pas 7 GW en 2020. Dans le même temps, l’industrie solaire allemande emploie 130 000 personnes et parvient à générer des revenus à l’exportation.
Pourquoi le développement du solaire est-il aujourd’hui au point mort en France ? Première explication : la réduction considérable du montant des tarifs de rachat pour les installations photovoltaïques. La baisse progressive du coût des panneaux solaires et la nécessité de se prémunir des bulles spéculatives se sont traduits par une réduction proportionnelle des tarifs de rachat.
Alors que des pays comme l’Allemagne ont maintenu des mesures claires et transparentes – et ainsi encouragé les investissements à long-terme – la France s’est dotée d’un système d’appels d’offres à court-terme qui décourage les investisseurs. Ce système est particulièrement défavorable aux entreprises spécialisées dans les grandes installations commerciales. Ainsi, des projets comme ceux menés par First Solar et ses partenaires nécessitent du temps et des investissements en amont pour voir le jour. Cette nouvelle politique, combinée à des restrictions sur l’utilisation des terres agricoles, même les moins valorisées, et à la rétroactivité de certaines décisions ont mis en péril l’avenir de certains projets de construction d’usines solaires. Ces projets avaient pourtant engendré des coûts importants et leur suspension a eu des conséquences parfois dramatiques pour les investisseurs.
Il est encore temps pour la France d’inverser la tendance pour occuper sa place légitime parmi les leaders mondiaux du solaire. Il s’agit là d’une ambition réaliste, qui impose néanmoins de réévaluer certaines hypothèses sur lesquelles repose la politique française en matière de solaire. Ainsi, considérer que le prix de l’énergie solaire est de 537 euros/MWh est un postulat biaisé, puisqu’il suppose que toute l’énergie solaire provienne de petites solutions solaires coûteuses et installées sur des toits individuels. À l’inverse, les grandes installations photovoltaïques au sol, en France, peuvent déjà produire de l’électricité pour environ 200 euros /MWh, un chiffre qui baisse continuellement.
De même, on suggère parfois que les installations photovoltaïques au sol constitueraient une menace pour les terres agricoles. Pourtant, dans la plupart des cas, les centrales solaires, lorsqu’elles sont construites dans le respect de l’environnement, peuvent permettre de produire de l’électricité propre tout en contribuant à la protection de la biodiversité. De plus, il existe aujourd’hui, en France, des milliers d’hectares de terrains militaires et de terres industrielles et agricoles qui ne sont pas utilisés et qui sont qualifiés pour accueillir des parcs solaires. Le projet de centrale solaire actuellement en construction à Toul Rosières, sur le site d’une ancienne base militaire de l’OTAN, en est un exemple éclatant.
Enfin, certains affirment que la France ne serait pas en mesure de rivaliser avec les producteurs asiatiques de panneaux à bas coûts. En la matière, First Solar peut aujourd’hui affirmer que la fabrication de panneaux photovoltaïques en Europe est une activité non seulement possible mais rentable. Nous avons récemment double la capacité de production de notre usine en Allemagne, qui emploie plus de 1 200 personnes.
Dans le cadre de la politique incitative de la France fondée sur un tarif de rachat clairement défini, s’appliquant à tous les projets photovoltaïques et calculé de manière inversement proportionnelle à la taille du projet, First Solar avait l’intention d’investir 100 millions d’euros dans une usine à Blanquefort, en Aquitaine. Cette usine, dont la construction est actuellement gelée, aurait ainsi produit plus de 130 MW de panneaux solaires à la pointe de la technologie chaque année et employé plus de 400 personnes.
Alors que l’énergie solaire est de plus en plus compétitive et qu’elle se place progressivement sur un pied d’égalité avec les autres énergies, la France pourrait aujourd’hui créer des emplois locaux dans le secteur solaire, aussi bien dans les métiers de la fabrication que dans ceux du développement et de l’installation de systèmes solaires. Pour cela, la France devrait changer de cap rapidement et mettre en œuvre une politique incitative, transparente et crédible qui donne de la visibilité au-delà des échéances électorales de 2012. De surcroît, cette politique devrait être fondée sur une échelle de tarifs de rachat modérée et progressive.
En juillet 2009, First Solar annonçait, conjointement avec M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, son intention de construire une usine de panneaux solaires pour subvenir aux besoins du marché français. Le journal Le Monde avait d’ailleurs annoncé cette nouvelle, en titrant sa une :« La France commence à croire au secteur solaire. » Nous restons aujourd’hui convaincus que le solaire a un avenir en France. Quand les conditions le permettront, First Solar s’engage à reprendre la construction de son usine française à Blanquefort et à contribuer ainsi à la création de plus de 400 emplois et à la concrétisation de l’immense potentiel solaire de la France. C’était notre espoir et cela le reste.
Par Robert Gillette, président directeur général de First Solar
(Source : Le Monde)
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