Que l’on parle des panneaux photovoltaïques actuellement commercialisés ou des travaux de recherche préfigurant la nouvelle génération de cellules solaires, le silicium représente toujours le matériau de base incontournable pour les concevoir. Tout laisse à penser qu’il a encore de beaux jours devant lui. Actuellement, sur le marché, les centrales photovoltaïques affichant des rendements autour de 20 % sont principalement fabriquées avec du silicium sous sa forme polycristalline. Pour des performances proches de 22 % voire 22,5 %, les cellules sont alors majoritairement conçues à base de silicium monocristallin associé à la technologie PERC (Passivated Emitter and Rear Contact). Celle-ci consiste à réduire la surface en aluminium sur la face arrière, suite au développement d’une technologie plus ancienne appelée Al-BSF (Aluminum Back Surface Field). Le mariage du silicium et de l’aluminium piège en effet les électrons et limite leur production, et donc celle d’électricité. La technologie PERC+ va encore plus loin et permet de capter le rayonnement solaire depuis la surface arrière pour offrir une bifacialité, même si celle-ci est limitée.
Un record mondial avec un rendement de 24,63 %
Dans un marché où chaque dixième de rendement compte pour développer les ventes, les industriels tentent à présent d’atteindre des performances comprises entre 23 % à 25 %. On distingue deux approches avec des degrés de maturité différents. La première, la plus mature, se situe dans le prolongement des procédés actuels et consiste à ajouter une couche de silicium polycristallin au-dessus du silicium monocristallin. Cette technologie, appelée TOPCon (Tunnel Oxide Passivated. Contact), permet d’augmenter le rendement de 1 % pour atteindre environ 23 %. La deuxième, en rupture avec les standards actuels, s’appelle l’hétérojonction de silicium (HJT). Le procédé est à la croisée des technologies entre la microélectronique, les nanotechnologies et les procédés de dépôts utilisés sur les écrans plats. Cette innovation s’appuie encore sur une cellule en silicium monocristallin sur laquelle une couche de silicium amorphe est déposée. Elle présente l’avantage d’être compatible avec la fonction bifaciale et son procédé de fabrication relativement simple en fait un matériau à coût réduit. En début d’année, le CEA-Liten à l’INES (Institut national de l’énergie solaire) a publié un record mondial en démontrant un rendement de 24,63 % grâce à cette technologie. « Nous avons réalisé un transfert industriel de ce procédé vers la société italienne d’électricité ENEL Green Power, qui a inauguré, en octobre dernier, une nouvelle ligne de production », confie Anis Jouini, chef du département de l’énergie solaire au CEA-Liten et directeur de l’INES.
Pour dépasser le cap des 25 %, la recherche s’oriente à présent vers les cellules tandem. Cette technologie consiste à déposer une couche d’un autre matériau sur le silicium afin d’apporter un complément aux propriétés de ce dernier. La piste la plus prometteuse aujourd’hui est celle des pérovskites. Elle permet d’ouvrir le spectre absorption de la lumière et ainsi maximiser la collecte d’électrons, avec à la clé une augmentation de rendement. Selon Anis Jouini, les cellules à hétérojonction sont les mieux adaptées à ce couplage. « Contrairement au silicium monocristallin, les distances entre les atomes du silicium amorphe ne respectent pas un certain ordre, explique-t-il. Il est ainsi plus facile d’y déposer une couche d’un autre matériau dont l’ordre des atomes n’est pas identique ». Au milieu de l’année prochaine, le CEA-Liten à l’INES devrait démontrer une première preuve de concept d’une cellule tandem à base d’hétérojonction de silicium associée à des pérovskites. Sur une petite surface, le rendement pourrait grimper à 30 %. Sur des plaquettes plus larges destinées à des centrales photovoltaïques, l’institut espère une efficacité comprise entre 27 et 28 %. Deux à trois années seront ensuite nécessaires avant d’envisager un transfert technologique vers un industriel.
Les matériaux III-V trop coûteux
D’autres matériaux sont aussi expérimentés pour fabriquer les cellules tandem, avec pour substrat de base le silicium monocristallin. Malgré des résultats encourageants, certains se révèlent trop coûteux et ne sont donc pour l’instant pas compatibles avec un marché à la recherche de panneaux solaires à faibles coûts. C’est le cas par exemple des matériaux III-V, en référence à la place des éléments utilisés dans le tableau périodique, comme le GaAs (Arséniure de gallium). « Parfois, j’apprends qu’une nouvelle cellule est capable de produire des rendements de 40 % voire 50 %. Concrètement, ce genre d’innovation n’a jamais débouché sur une production de masse adaptée au marché photovoltaïque. Selon moi, pour les 10 à 15 prochaines années, le silicium sera le substrat de base à la fabrication des centrales photovoltaïques », conclut Anis Jouini.
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