La proximité des mots « droits » et « robots » dans une même phrase soulève régulièrement des interrogations voire des polémiques, de nature parfois très différentes. Premier exemple : les robots ont-ils des droits ? La question de la personnalité juridique pour des machines inconscientes et sans libre arbitre paraît saugrenue de prime abord. Mais elle a (re)fait l’actualité le 16 février dernier, quand le Parlement européen a adopté une résolution «contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique», selon les termes exacts du rapport. La Commission Européenne devra examiner ces recommandations et pourrait proposer prochainement une directive.
C’est peu dire que le sujet divise. Parmi les partisans, l’avocat Alain Bensoussan plaide pour accorder la personnalité juridique aux robots. Maître de conférences en droit à l’Université d’Artois, Nathalie Nevejans, auteure du volumineux «Traité de droit et d’éthique de la robotique civile», ne partage pas cette opinion et s’inquiète de son impact concernant la responsabilité : «les fabricants des robots pourraient être dédouanés en cas d’incident. A mon sens, il n’y a pas d’urgence à adopter de nouveaux textes juridiques. En revanche, le législateur doit se pencher sur les questions éthiques. Peut-on placer un robot d’assistance auprès d’une personne âgée sans son consentement ? Qui a accès aux données à caractère personnel ? De quel pouvoir de décision dispose le robot face à la liberté de choix des individus ?…». Les débats animés devraient fleurir au rythme de l’expansion de la robotique de service dans la société.
Le cobot n’est pas hors la loi
Un tout autre aspect en matière juridique fait l’objet d’une controverse : est-il légal de travailler avec un robot ? Là encore, ce questionnement semble hors de propos puisque la robotique industrielle se répand depuis longtemps dans les usines. Mais, en plein avènement, le robot collaboratif suscite davantage de perplexité, car il s’affaire sur le poste de travail à proximité immédiate de l’opérateur. Des rumeurs ont même circulé sur l’interdiction du «cobot», soupçonné d’être dangereux. Pourtant, un cadre juridique existe et règlemente son utilisation. « La directive Machines de 2006 s’applique aussi à la robotique collaborative, même si lors de sa mise sur le marché, le robot collaboratif est une quasi-machine dont l’application n’est pas encore définie, insiste Nathalie Nevejans. Cette directive fixe les exigences essentielles de santé et de sécurité, tandis que la normalisation détaille les spécifications techniques. La confusion provient du fait que la règlementation estime que le contact avec la machine est dangereux, ce qui suggère à certains que la collaboration entre le robot et l’homme est dangereuse. Or, le contact dangereux doit se comprendre seulement comme le contact imprévu. »
Les intégrateurs sont en première ligne pour le respect de ces obligations : ils ont la charge de configurer sur site le cobot, de réaliser l’analyse de risques, de rédiger le certificat de conformité puis d’apposer le marquage CE. Cependant, bien que leur visite ne soit pas obligatoire, l’Inspection du travail et des organismes de certification (Apave, Bureau Veritas…) entretiennent parfois l’incertitude et jettent alors les intégrateurs dans l’embarras vis-à-vis de leur clientèle. L’administration cherche à clarifier la situation en publiant bientôt un guide, avec le concours entre autres de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie). «Ce document officiel, sans modifier les textes existants, rappellera le cadre de la directive Machines, les conditions de son application et l’apport des normes de sécurité, à l’instar de ce qu’ont fait les Allemands» confie Franck Gambelli, directeur environnement/sécurité/conditions de travail à l’UIMM.
Par Frédéric Monflier
Cet article se trouve dans le dossier :
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