Des chercheurs de l'institut FEMTO-ST ont développé un robot capable de manipuler des objets micrométriques à une vitesse de 720 opérations complexes par minute. Cette performance est liée à sa miniaturisation et sa légèreté. Il servira à assembler des systèmes micro-électro-mécaniques et optiques.
À l’origine, lorsque les chercheurs de l’Institut FEMTO-ST¹ ont commencé à développer un robot baptisé MiGriBot capable de manipuler des objets micrométriques, leur objectif était surtout de le miniaturiser. « Nous voulions participer à la transformation industrielle, et au passage à l’industrie 4.0, confie Redwan Dahmouche, maître de conférences à l’université de Franche-Comté et responsable de l’équipe de ce projet de recherche. En créant des systèmes de production miniaturisés, on réduit leur empreinte écologique en réalisant notamment des économies d’énergie, mais aussi en matériels et donc en ressources naturelles. » S’ils ont gagné leur pari, puisque la structure du robot n’occupe qu’une surface de 20 mm² par 20, ils ont aussi réussi à concevoir le robot de prise et de dépose le plus rapide au monde. Car en le miniaturisant, un robot va automatiquement plus vite, puisque sa vitesse est corrélée à sa masse.
MiGriBot est capable de réaliser 720 opérations complexes par minute. En sachant qu’une opération consiste à saisir un objet, le soulever, le déplacer, le reposer, le relâcher, puis à revenir à sa place initiale. En comparaison, les robots industriels de prise et dépose les plus rapides actuellement en service ne dépassent pas les 250 cycles par minute. Avant l’institut FEMTO-ST, d’autres équipes de recherche ont elles aussi tenté de développer un robot miniature très rapide. Par exemple, en 2018, le robot de l’université de Harvard égalait la vitesse de MiGriBot, mais ne possédait que trois degrés de mobilité et n’intégrait pas la fonction de préhension. Plus récemment, en 2020, l’université de Tokyo a conçu un robot capable d’effectuer les mêmes opérations que MiGriBot, mais sa vitesse ne dépasse pas 72 opérations par minute. « Le déplacement de ce robot est aussi limité à 60 micromètres, alors que MiGriBot se déplace sur une distance de 600 micromètres. Cela signifie que notre robot va 10 fois plus vite sur une distance 10 fois plus importante », souligne le chercheur.
Pour atteindre une telle performance, le robot MiGriBot possède plusieurs particularités. Tout d’abord, il s’agit d’un robot parallèle, puisqu’il possède quatre bras, par opposition aux robots sériels qui n’en possèdent qu’un seul. Grâce à cette architecture, il est possible de fixer tous les actionneurs à la base du robot, ce qui permet d’alléger toute la structure robotique. « L’intérêt ici est d’obtenir une structure mobile très légère, alors que s’il faut déplacer la structure mobile et l’actionneur, cela a pour effet d’augmenter sa masse et donc d’impacter sa vitesse », ajoute Redwan Dahmouche. Autre particularité : alors que chez tous les robots, la pince est un élément extérieur qu’il est nécessaire d’ajouter, ici le bras intègre d’office cet outil. « En intégrant la pince au niveau de la structure robotique, nous sommes parvenus à encore davantage alléger la structure mobile ».
Les chercheurs ont aussi dû résoudre un obstacle, celui de l’articulation mécanique, puisqu’à cette échelle, il n’en existe tout simplement pas. Face à cette difficulté, ils ont créé une articulation miniature en polymère (le polydiméthylsiloxane – PDMS). Quant aux actionneurs, ils ont aussi la particularité d’être piézoélectriques, ce qui les rend plus rapides. Au final, MiGriBot est capable de manipuler des micro-objets à peine visibles à l’œil nu allant de 40 micromètres à plusieurs centaines de micromètres. Grâce à sa vitesse et à sa compacité, plus de 2 000 robots peuvent être placés sur 1 m² pour réaliser plus d’un million d’opérations par minute.
Des applications dans l’industrie horlogère, l’instrumentation médicale et l’aérospatial
Ce robot servira à assembler des systèmes micro-électro-mécaniques et optiques, de types MEMS (Microsystèmes électromécaniques) et MOEMS (Microsystèmes opto-électro-mécaniques), utilisés dans l’industrie de l’électronique où les besoins en cadence de travail sont de plus en plus élevés. Il pourra permettre d’augmenter les cadences afin d’améliorer la productivité et la compétitivité des industriels, ce qui pourra favoriser la relocalisation de la production en Europe, en Amérique du Nord et dans les pays à haut coût de main-d’œuvre. Des applications dans l’industrie horlogère, l’instrumentation médicale, l’aérospatial, ainsi que dans d’autres domaines sont aussi possibles.
Pour l’instant, il s’agit d’un prototype de laboratoire, classé au sixième rang sur l’échelle TRL (Technology readiness level) qui en compte neuf. Le passage au stade industriel devra être réalisé par une start-up ou un industriel. En attendant, le laboratoire FEMTO-ST va poursuivre ce travail de recherche. « L’une des pistes va être de l’adapter pour aller dans le domaine des nanotechnologies, afin d’assembler des nanocapteurs. Actuellement, ce robot est équipé de quatre rallonges qui ont pour fonction d’amplifier ses mouvements. En les retirant, nous aurons les mêmes mouvements, mais 10 fois plus précis, et beaucoup plus rapides, mais aussi avec une amplitude 10 fois moins importante, c’est-à-dire de 60 micromètres », déclare Redwan Dahmouche.
(1) L’institut FEMTO-ST est une unité mixte de recherche, placée sous la tutelle principale du CNRS et de l’Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC) et aussi de l’université de Franche-Comté (uFC), de l’École Nationale Supérieure de Mécanique et des Microtechniques (SUPMICROTECH-ENSMM) et de l’Université de Technologie Belfort-Montbéliard (UTBM)
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE