Grâce aux données issues de Météo-France sur le changement climatique, l'Insee a réalisé une étude afin de déterminer les conséquences des anomalies de chaleur en été sur la population française au cours des trente prochaines années. L'étude s’intéresse particulièrement aux personnes les plus fragiles et les plus exposées.
En partenariat avec Météo-France, l’Insee a publié une étude dans laquelle l’Institut a croisé des données liées à l’évolution du climat et d’autres sur la démographie. L’objectif principal de ce travail étant de mesurer les conséquences de la hausse des températures en été sur la population française, et en particulier sur les personnes les plus fragiles et les plus exposées. Pour mener à bien cette étude, un indicateur a été retenu, celui du nombre de journées et de nuits anormalement chaudes. Car même si ces journées ou ces nuits ne constituent pas en soi un phénomène à risque, leur multiplication et surtout leur succession traduisent la survenue d’épisodes critiques de canicule. Les résultats de ce travail s’appuient sur la répartition de la population en France métropolitaine en 2019, sans chercher à estimer les évolutions dans les prochaines décennies, notamment sous l’effet du réchauffement climatique.
Il en résulte qu’au cours des trente prochaines années, près de 80 % de la population actuellement en place sur le territoire national subira entre 16 et 29 journées anormalement chaudes en été. En comparaison, elle était exposée à moins de 16 au cours des années 1976-2005. Les températures nocturnes seront également plus souvent anormales, et certains territoires connaîtront jusqu’à 19 nuits anormalement chaudes, alors que le maximum était de 7 sur la période de référence. Ces anomalies de température seront davantage situées dans de nombreux espaces de basse montagne, comme le Massif central et son pourtour, des territoires à proximité du Jura, des Vosges et d’une partie des Alpes. Elles seront moins fréquentes sur le littoral, à l’exception de celui méditerranéen.
880 000 personnes âgées particulièrement exposées
Actuellement, 14 % de la population de France métropolitaine, soit 9,3 millions de personnes, habitent dans des territoires où les anomalies de chaleur concerneront plus de 20 jours par été au cours des trente prochaines années. Dans le détail, cela concerne 68 % des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes et 47 % de ceux de Bourgogne-Franche-Comté, alors que sur la période 1976-2005, aucun habitant ne l’était. Il en sera de même pour 20 % des habitants d’Occitanie. Autre estimation de cette étude : « Près des deux tiers de la population de France métropolitaine (65 %) résident au sein des territoires, majoritairement en plaine, où l’on comptera de 16 à 20 journées anormalement chaudes. Ainsi, presque tous les habitants d’Île-de-France et du Centre-Val de Loire, une large majorité de ceux des Pays de la Loire (89 %) et du Grand Est (86 %) et les trois quarts de ceux des Hauts-de-France (77 %) et de Nouvelle-Aquitaine (74 %) résident actuellement dans l’un de ces territoires. »
Les températures anormalement élevées auront pour conséquence d’accroître les risques sanitaires, notamment sur les personnes âgées, qui sont plus fragiles. Actuellement, 880 000 personnes de 75 ans ou plus, soit 16 % d’entre elles, habitent dans les territoires qui seront les plus exposés en journée. En se restreignant aux territoires qui cumuleront en plus les anomalies nocturnes les plus importantes, elles sont 360 000, soit 7 % des personnes de 75 ans ou plus.
Les jeunes enfants, peu autonomes pour s’hydrater, représentent une autre catégorie de la population présentant une vulnérabilité. L’étude démontre que 400 000 enfants de moins de 6 ans, soit 13 % d’entre eux, habitent dans un des territoires qui seront les plus exposés à ce phénomène. « Comme observé en 2019 et 2020, ces fortes chaleurs pourront aussi se produire en période scolaire, ce qui pose la question de l’adaptation thermique des bâtiments scolaires, analysent les auteurs de cette étude. C’est ainsi que lors de la vague de chaleur de juin 2019, les épreuves écrites de l’examen du diplôme national du brevet ont été reportées et certaines municipalités ont décidé de fermer leurs écoles. »
Les ménages aux revenus modestes sont également à risque
Les personnes les plus modestes sont aussi davantage vulnérables face aux fortes chaleurs, notamment en raison de leurs conditions de logement. Leurs habitations présentent des performances énergétiques souvent moins élevées que la moyenne, en partie à cause d’une moins bonne isolation. Logiquement, ces ménages sont aussi moins nombreux à engager des dépenses de rénovation énergétique. « Actuellement, 1 180 000 personnes pauvres (soit 13 % d’entre elles) résident dans un territoire parmi les plus exposés aux chaleurs inhabituelles en journée. Parmi elles, 510 000 personnes (soit 6 % des personnes pauvres) habitent dans des territoires qui, de plus, sont les plus exposés aux anomalies de chaleur nocturnes. » À noter que les personnes les plus marginalisées, comme les populations sans domicile ou habitant dans un logement insalubre, ne sont pas comptabilisées dans cette étude.
Certains professionnels travaillant en extérieur sont également plus exposés que d’autres à la chaleur. C’est le cas des travailleurs agricoles, des saisonniers estivaux, ou des ouvriers de la construction. Dans les trois régions les plus exposées aux journées anormalement chaudes (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-France-Comté et Occitanie), près de 462 000 emplois relèvent de la construction en 2020 et près de 193 000 personnes travaillent dans l’agriculture.
La multiplication des journées estivales anormalement chaudes soulève aussi la question de l’impact sur la présence des touristes, notamment sur le pourtour méditerranéen. En 2019, 56 millions de nuitées touristiques étaient enregistrées sur ce littoral, soit 18 % de la fréquentation estivale en France métropolitaine. Sur ce littoral, la population exposée aux journées anormalement chaudes est ainsi bien plus nombreuse que la seule population résidente évoquée jusqu’ici. L’étude souligne que : « L’adaptation des dispositifs de prévention est aussi un enjeu important dans la mesure où une partie de ces estivants sont moins habitués aux températures élevées du sud-est de la France, donc plus vulnérables que les populations locales. »
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE