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Le plafonnement du trafic aérien, un levier à actionner ?

Posté le 21 juin 2024
par Matthieu Combe
dans Environnement

Si le sentiment de culpabilité s'installe chez de plus en plus de voyageurs, l'aviation a de beaux jours devant elle. En 2024, le secteur aérien devrait battre tous les records.

On y est : le trafic aérien repart à la hausse et dépasse son niveau d’avant la pandémie de Covid-19. L’Association internationale du transport aérien (Iata) a annoncé prévoir transporter 4,96 milliards de voyageurs en 2024. Le précédent record établi en 2019 s’établissait à 4,54 milliards de personnes.

Avec 169,9 millions de passagers en 2023, le trafic aérien a retrouvé en France son niveau de 2019. Face à cela, le réseau Rester sur Terre et l’Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA) se mobilisent pour demander le plafonnement du trafic aérien au-dessous du niveau de 2019. Les deux collectifs dénoncent notamment les « impacts à la fois sanitaires et climatiques » du secteur.

Une question de technologie et de trafic

Selon les chiffres du ministère de la transition écologique, « l’aviation ne contribue qu’à hauteur de 2 % des émissions de CO à l’échelle mondiale ». Cependant, selon Rester sur Terre, cette moyenne mondiale cache des chiffres français bien différents. « En France, l’aviation contribue non pas pour 2 %, mais pour 6,8 % aux émissions de CO et pour 15 % aux émissions totales de gaz à effet de serre si on intègre les éléments omis », calcule le réseau.

Alors, peut-on continuer d’augmenter le trafic tout en atteignant « zéro émission nette » de CO₂ à l’horizon 2050 ? L’Iata pense que oui ! Et pour y parvenir, son programme « Voler Net Zéro d’ici 2050 » mise à 65 % sur les carburants d’aviation dits durables (SAF), 13 % sur les nouvelles technologies électriques et l’hydrogène, 19 % sur la compensation et le captage de CO₂, et 3 % sur l’amélioration de l’efficacité des infrastructures et des opérations.

Mais selon les deux ONG, la réduction du trafic aérien est la seule solution. Alexis Chailloux, responsable aviation au sein du Réseau Action Climat, a détaillé ce point lors d’un point presse en mars dernier. « [Une des solutions pour décarboner le secteur aérien], mise en avant par l’industrie, ce sont les solutions technologiques. Différentes techniques sont proposées : l’avion à l’hydrogène, les biocarburants, le carburant de synthèse… Toutes ont des avantages et des inconvénients », précise-t-il. Cependant, « tout arrive trop tard. […] La conclusion qui s’impose c’est que nous n’arriverons pas à limiter les émissions du secteur si on ne réduit pas le trafic aérien », prévient-il.

La réduction du trafic, levier capital

En 2022, dans une étude analysant différents scénarios pour décarboner le secteur aérien, l’ADEME était arrivée à des conclusions similaires. Le scénario basé principalement sur les apports technologiques, avec une hausse du trafic de 61 % par rapport à 2019, aboutit à des émissions annuelles de CO₂ de 24 millions de tonnes en 2022, à 23 millions en 2030, puis 9 millions en 2050. Mais la modération du trafic aérien permettrait de passer à 17 millions de tonnes de CO₂ en 2030, puis à 5 millions en 2050. Selon l’ADEME, la réduction du trafic est ainsi « un levier majeur de réduction des émissions de CO₂ du secteur aérien ». De plus, il est également « le seul levier disponible à court terme. C’est-à-dire qui peut être appliqué rapidement, à grande échelle et produire des résultats immédiats ».

Selon l’Agence européenne de l’environnement, la pollution de l’air par les particules fines provoque plus de 250 000 décès par an en Europe. D’après Rester sur Terre, de manière locale, l’aviation contribue fortement à cette pollution. « Les particules ultrafines émises par les réacteurs d’avion sont plus petites que celles des moteurs diesel, et donc plus toxiques. Mais elles ne sont ni réglementées ni mesurées. La pollution atmosphérique des aéroports reste la grande oubliée des politiques de qualité de l’air », explique le réseau. Voici une raison de plus, pour ce dernier, de mieux encadrer le trafic aérien.


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