Une photo reprise un peu partout
Parallèlement à l’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden par les Américains ce lundi 2 mai, une photo, d’abord relayée par les télévisions pakistanaises, puis reprise dans les médias du monde entier, jusque dans nos médias hexagonaux en matinée, était censée le montrer mort. On y voyait le visage tuméfié et mutilé d’un homme ressemblant assez nettement au chef d’Al Qaida, laissant penser qu’elle aurait été prise tout juste après l’assaut mené par les Américains sur sa luxueuse maison à Abbottabad, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Islamabad, au Pakistan.
Il s’est pourtant assez vite avéré que cette photo était un photomontage. L’Agence France Presse, tout comme le Nouvel Observateur, ont fait appel au logiciel TunGstène, développé à l’origine pour le ministère de la défense par la société française eXo maKina, permettant de décortiquer une photo et d’en dépister les différentes altérations et modifications, et ainsi voir si toutes les zones d’une même photo sont « cohérentes » entre elles, ce qui n’est pas le cas ici et a donc pu prouver la supercherie.
Un logiciel contre la désinformation par l’image
Face à la croissance de la production et de la diffusion d’images numériques, les Français d’eXo maKina ont mis au point TunGstène, plate-forme logicielle réunissant une batterie d’algorithmes avancés d’analyse des incohérences, d’identification d’altération et de traçabilité des images. Ils se proposent de lutter contre les tentatives de désinformation par l’image, qu’elles servent un but politique ou commercial.
Ces incohérences et altérations peuvent se répartir en deux grandes familles : « Premièrement, les ruptures dans les statistiques profondes de l’image numérique. Deuxièmement, les incohérences dans les lois physiques régissant la diffusion des rayons de lumière ainsi que la chrominance. » peut-on lire sur leur site. Une palette de filtres, « Clonage », « Exogène », « Mosaïque » permet de repérer les altérations. Les données Exifs (Exchangeable Image File Format, balises de métadonnées attachées à une photo provenant d’un appareil numérique), le double échantillonnage jpeg ainsi que les ruptures de linéarité sont autant de données servant l’analyse de l’image.
En parallèle à ces outils techniques, une méthodologie a été développée dans le but d’accompagner les utilisateurs dans l’interprétation des résultats bruts du logiciel. C’est ce qui a permis aux journalistes du Nouvel Obs, en compagnie de Roger Cozien, inventeur de la technologie tunGstène, de voir que la photo de Ben Laden était bien truquée, concaténation de deux visages, l’un étant celui de Ben Laden, l’autre celui d’un homme décédé, tiré d’une autre photo. Commentaires et explications techniques dans la vidéo tirée du site Nouvelobs.com :
Théories du Complot et analyse ADN
Il est important de signaler qu’il ne semble pas que ce soit les autorités américaines qui aient tenté d’appuyer leurs dires avec cette photo truquée, car la photo circule sur internet depuis 2009, au moment où la fausse rumeur de la mort de Ben Laden s’était propagée. Les Américains vont probablement être contraint de diffuser à leur tour une (vraie) photo du chef d’Al Qaida décédé, étant donné qu’ils auraient immergé sa dépouille en haute mer, dans le but plus ou moins avoué de ne pas transformer sa tombe en lieu de culte pour les Islamistes de tous bords.
Les théories conspirationnistes fourmillent un peu partout sur la Toile, alors que le Telegraph annonce que l’identité de Ben Laden aurait été confirmée à l’aide d’un test ADN, correspondances faites avec l’ADN de sa sœur décédée à Boston il y a quelques années.
Par Rahman Moonzur