Le Parlement européen a ouvert mardi l’UE à la culture des OGM, en accordant aux États membres le droit de l’interdire sur leur territoire, un compromis critiqué tant par les écologistes que l’industrie.
Les députés européens ont adopté par 480 voix contre 159 un accord trouvé en décembre avec les gouvernements pour débloquer un dossier enlisé depuis quatre ans.
Les nouvelles règles fixant les modalités d’autorisation de culture des organismes génétiquement modifiés permettent aux États membres de l’interdire, même en cas de feu vert de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa).
Les réfractaires pourront invoquer des raisons socio-économiques, environnementales ou liées à l’utilisation des terres agricoles.
Les États membres autorisant les culture devront aussi prendre des mesures pour prévenir la contamination des cultures non-OGM, en particulier dans les pays voisins.
« Cela va permettre aux États membres de prendre leurs décisions à partir du printemps 2015 », a souligné le commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis.
Les Verts ont voté contre cette nouvelle législation, qui a été soutenue par la droite, les socialistes et les libéraux.
« C’est une mauvaise mesure, l’Europe va devenir un patchwork en matière d’OGM, alors que nous avons besoin d’une approche commune », a dénoncé la coprésidente des Verts, Rebecca Harms. « La puissance publique européenne abdique. Aux multinationales d’ouvrir le bal. La porte est ouverte à Monsanto, Pionner and co », a protesté dans un tweet l’eurodéputé Vert français José Bové.
L’industrie OGM a déploré que le droit ait été laissé aux États de dire non « sur des bases non-scientifiques ». « C’est un signal d’arrêt à l’innovation européenne », a affirmé Jeff Rowe, un représentant d’EuropaBio.
Ces nouvelles règles étaient attendues par l’industrie semencière, alors que quatre maïs OGM, dont les emblématiques MON810 de Monsanto et TC1507 du groupe Pioneer, ont déjà reçu un avis favorable de l’Efsa.
Les premières cultures ne devraient concerner que quelques pays. Le MON810, seul OGM actuellement autorisé dans l’UE, est cultivé dans trois États: 110.000 hectares en Espagne, 9.000 au Portugal et 3.000 en République tchèque.
Dix-neuf États se sont opposés à la demande de culture du TC1507.
Selon une source européenne, les premières mises en culture interviendront en 2016, au vu des délais pour la mise en oeuvre de la nouvelle législation.
S’il ne tranche pas le débat entre pro et anti-OGM, qui divise les États membres et les opinions publiques, le nouveau cadre « permet tout de même d’instaurer enfin de la stabilité juridique pour toutes les parties concernées », a jugé pour le Parti populaire européen (PPE, droite) l’élue française Angélique Delahaye. L’enjeu était d’éviter une avalanche de recours des semenciers contre les pays prohibitionnistes, comme la France.
Mais « ce n’est qu’une première étape qui doit permettre de trouver à moyen terme une solution européenne », nécessaire « pour éviter les distorsions de concurrence entre agriculteurs européens », a-t-elle jugé.
Le socialiste belge Marc Tarabella s’est félicité que « les lobbies pro-OGM, menés par plusieurs multinationales et la Grande-Bretagne n’ont finalement pas eu gain de cause ». « Une recherche publique et neutre est indispensable » pour faire avancer le débat, a-t-il relevé.
La précédente directive contraignait la Commission européenne à donner son feu vert aux mises en culture si les États ne s’accordaient pas pour les interdire. L’exécutif européen jouait la montre, en retardant ses décisions, mais il avait été condamné par la Cour de justice européenne pour ces tergiversations.
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