Face à la très forte hausse du prix de l’énergie et en réponse à l’embargo sur le gaz russe, la Fedene et Via Sèva défendent un vaste plan de développement de réseaux de chaleur.
La chaleur représente près de la moitié des consommations énergétiques françaises. « Aujourd’hui, la chaleur est carbonée à 75 % dans notre pays », assure Pierre de Montlivault, président de la Fedene, association des professionnels des réseaux de chaud et froid. Prêchant pour sa paroisse, il voit dans ces réseaux un potentiel majeur de développement des énergies renouvelables. Ces réseaux livrent aujourd’hui 25 térawattheures (TWh) de chaleur par an, soit environ 5 % de la chaleur consommée en France.
Pour accélérer la transition énergétique, les promoteurs des réseaux de chaleur veulent donc accélérer leur déploiement. « Pour être au rendez-vous des objectifs CO2 de la France, il faut aller trois fois plus vite que sur la dernière décennie, prévient Pierre de Montlivault. Il faut aller trois fois plus vite sur les économies d’énergie au sens large et pour décarboner la demande résiduelle de chaleur, il faut tripler le rythme de développement de la chaleur renouvelable et de récupération. » Il ajoute : « Si on arrive à tenir ce rythme, à l’horizon 2030, on a la capacité de doubler le nombre d’emplois, soit créer 60 000 emplois supplémentaires. »
Les réseaux de chaleur : un atout pour décarboner la chaleur
« Un réseau de chaleur, c’est une installation centralisée de production de chaleur, rappelle Guillaume Planchot, président de Via Sèva, association de promotion des réseaux de chaleur et de froid. Ces centrales d’énergie distribuent de la chaleur sous forme d’eau chaude ou de vapeur ou d’eau plus tempérée via des canalisations installées sous les routes et qui alimentent un certain nombre d’immeubles qui composent la ville.
Grâce à ces mutualisations de la production, ces réseaux ont été capables de passer d’un taux d’énergies renouvelables et de récupération de 25 % en 2008 à plus de 60 % en 2022. La chaleur est issue en grande majorité de la récupération de chaleur qui vient des unités de valorisation énergétique des poubelles [soit les incinérateurs à 27,3 %, NDLR], du bois-énergie et de la géothermie souvent profonde [respectivement 22,5 % et 5,6 %, NDLR]. »
Accélérer pour remplacer le gaz naturel
La filière veut continuer à décarboner. Et agir vite pour remplacer le gaz naturel qui représente encore plus de 35 % de l’énergie utilisée dans les réseaux de chaleur, bien loin devant le charbon (2,5 %) et les autres énergies fossiles (2 %). « Le contenu carbone moyen est de 101 gCO2/kWh, contre 79 gCO2 pour l’électricité, partage Guillaume Planchot. Notre objectif est à 50 gCO2/kWh. »
Dans ces conditions, le secteur ambitionne de doubler les volumes délivrés par les réseaux de chaleur d’ici 2030 et le quintupler d’ici 2050. Pierre de Montlivault répond à ceux qui penseraient que ces objectifs sont trop ambitieux. « Les réseaux de chaleur en Europe représentent près de 25 % de la chaleur consommée en Europe : multiplier les volumes par 5 à l’horizon 2050, c’est rejoindre la moyenne européenne d’aujourd’hui », relativise-t-il.
Le schéma directeur national 2030 poursuit ainsi un objectif de 39,5 TWh de chaleur renouvelable et de récupération sur un total de 54,1 TWh à l’horizon 2030. Le taux d’énergie renouvelable et de récupération dans les réseaux de chaleur atteindrait alors 73 %.
Une réglementation pour favoriser les réseaux de chaleur
Les professionnels se réjouissent récente de l’évolution de la réglementation. Tout d’abord, il y a le décret dit « de classement des réseaux » du 26 avril 2022. « Quand il existe un réseau de chaleur vert à plus de 50 %, il y a désormais un raccordement obligatoire des bâtiments neufs à ce réseau », souligne Pierre de Montlivault. Par ailleurs, sur les contrats de délégation de service public, il est désormais possible de signer des avenants afin d’engager des investissements supplémentaires en vue d’accélérer le verdissement des réseaux.
Afin de se préparer à un manque éventuel de gaz l’hiver prochain, toutes les économies d’économies sont explorées. Afin de booster les raccordements, la filière demande un « coup de pouce au coût de raccordement » via le dispositif des certificats d’économie d’énergie. L’objectif : économiser 2 TWh/an de gaz naturel et raccorder 3 000 bâtiments existants et neufs d’ici 2024, en complément des 44 000 bâtiments déjà raccordés.
Pour accélérer le déploiement des réseaux de chaleur, l’outil principal en France demeure le Fonds Chaleur, géré par l’ADEME. Dans le cadre du plan de résilience, son montant a été porté de 300 à plus de 500 millions d’euros par an. « Pour tripler le rythme, on a besoin de 20 milliards d’euros d’investissements pour la construction des infrastructures, partage Pierre de Montlivault. Cela nécessite de passer le Fonds Chaleur à 1 milliard d’euros par an le plus vite possible au cours de ce quinquennat. »
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