Les Stations de Transfert d’Energie par Pompage (STEP) représentent aujourd’hui 99 % des capacités de stockage de l’énergie électrique dans le monde selon l’Electricity Storage Association, capacités de stockage qui représentent 3 % de la puissance des centrales électrique installée dans le monde. Le principe de fonctionnement des STEP est simple : en période d’excès de production électrique, de l’eau est pompée depuis un bassin bas vers un bassin haut. A l’inverse, quand la production électrique est inférieure à la demande, l’eau redescend ce qui permet de générer de l’électricité part turbinage.
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Parallèlement à la montée en puissance des énergies renouvelables fluctuantes comme l’éolien et le solaire, la demande en outils de flexibilité permettant de les intégrer va croissante. C’est dans ce contexte qu’a été fondée en 2010, à Santa Barbara, la start-up ARES (Advanced Rail Energy Storage) par William Peitzke, un expert de l’énergie, sur la base d’un concept qu’il a élaboré avec 5 autres ingénieurs. Ils ont développé ensemble une approche originale : au lieu de pomper de l’eau, ne serait-il pas pertinent de faire monter tout simplement des wagons chargés de matériaux trois fois plus denses que l’eau ? Et de les faire redescendre ensuite quand le réseau électrique manque d’électricité.
L’entreprise est aujourd’hui dirigée par James Kelly, un ingénieur qui a construit de nombreuses STEP, qui a été auparavant vice-président de la branche transmission et distribution du géant Southern California Edison (SCE), et ainsi le gestionnaire d’un réseau électrique de transmission et distribution totalisant plusieurs centaines de milliers de kilomètres de lignes électriques.
Un rendement équivalent à celui des STEP et un coût 40% inférieur
Le rendement énergétique d’un cycle complet de pompage/turbinage est de 75 à 80 %.
« Le système développé par ARES intègre les progrès récents en matière de générateurs/moteurs et de l’électronique de puissance permettant de les contrôler » indique James Kelly. « Un rendement de 78,3 % est ainsi atteint » sur un cycle complet de montée/descente du train. Les données avancées par ARES ont été validées par Southern California Edison ainsi que par plusieurs experts des transports ferroviaires de charges lourdes et des experts en réseaux électriques. Des études ont également été menées par des spécialistes des questions environnementales et des aspects économiques des systèmes de stockage de l’énergie. Un software de même nature que ceux utilisé par les compagnies ferroviaires est utilisé pour gérer la circulation des trains et un système électronique embarqué permet de gérer la circulation de l’électricité dans le sens réseau/navette ou navette/réseau et de communiquer avec le cerveau de la centrale.
D’après la start-up, le coût de l’investissement dans une centrale ARES est 40% meilleur marché que celui d’une STEP équivalente. Il en résulte que « sur la base d’un cycle complet de charge/décharge par jour, ARES a le coût nivelé (LCOE) par kWh le plus bas comparativement aux autres technologies » affirme James Kelly. Dans le domaine du stockage de grande capacité, « ARES est la première alternative viable aux STEP ». De plus la solution ARES ne requiert pas une seule goutte d’eau douce, point non négligeable pour de nombreuses régions du monde où cette ressource devient de plus en plus rare et précieuse. Et elle peut être mise en place partout où une pente de 7 à 8% est disponible sur quelques kilomètres : les sites adaptés sont pléthore dans le monde.
La technologie ARES n’offre pas que des services de stockage de l’énergie mais aussi d’aide au réseau électrique (« ancillary services » dans le jargon des gestionnaires de réseau) : inertie pour réseau en remplacement des centrales thermiques qui ferment parallèlement à la montée de l’éolien et du solaire, régulation de la tension et de la fréquence à la hausse et à la baisse, spining reserves, etc. Basculer du mode charge au mode décharge ne prend que 13 secondes. A El Hierro, où une STEP va assister un parc éolien de 11 MW et permettre à cette île de l’archipel canarien de devenir presque intégralement autonome en énergie, des volants d’inertie ont dû être ajoutés à la centrale hydro-modulable dans la perspective d’équilibrer le réseau électrique. Le passage progressif de l’eau depuis le bassin haut vers le bassin bas s’accompagne d’une baisse de pression. De plus le temps de réaction des conduites forcées d’une STEP n’est pas immédiat, alors que le vent, et ainsi la production électro-éolienne, peut varier brusquement. Ces problèmes disparaissent avec la solution mise au point par ARES.
Pour les applications services au réseau, la puissance possible des centrales ARES s’étale entre 10 MW et 200 MW. Pour les applications stockage de l’énergie, elles peuvent être construites en petites unités décentralisées depuis 100 MW x 2 heures (200 MWh) jusqu’à de grandes unités de 3 GW x 8 heures (24 GWh), par exemple à proximité de très grands parcs éoliens et solaires qu’il est possible d’installer dans les déserts de l’ouest des USA, du Sahara ou de Gobi. Une centrale ARES de 333 MW x 8 heures requiert deux gares (une en haut et une en bas), 3 rails de 12,8 km les reliant, et 70 navettes constituées de 4 wagons, navettes transférant chacune 2 MWh. Il est possible d’adapter les systèmes en fonction des besoins locaux des systèmes électriques. Dans les gares, chaque wagon charge (ou décharge) un container rempli de graviers, ceci via un dispositif automatisé et rapide. La durée de vie du système est estimée à au moins 40 ans sur la base du retour d’expérience des transports ferroviaires.
Un impact environnemental minimal
Au niveau de l’acceptabilité des projets, les trains roulent à faible vitesse (entre 25 et 56 km/h) et font ainsi peu de bruit. Les deux gares de stockage (une en haut et une en bas) peuvent être dissimulées sous une toiture végétale permettant ainsi une très bonne intégration paysagère. L’espace consommé par les deux gares peut également être valorisé grâce à des toitures solaires photovoltaïques.
Une première unité de démonstration est en cours de développement par ARES et l’une des plus grandes compagnies d’électricité de Californie, ceci dans les Monts Tehachapi, entre le désert du Mojave et la vallée de San Joaquin, dans un ranch appartenant à un pionnier de l’industrie éolienne. « Chacun d’entre nous doit agir pour réduire la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles et réduire les émissions de gaz à effet de serre », insiste James Kelly.
« L’énergie et l’environnement sont très liés. La façon dont nous obtenons notre énergie, à partir du pétrole, du gaz, du charbon ou des renouvelables, comme l’éolien et le solaire, n’impacte pas seulement notre environnement, mais aussi notre qualité de vie et le futur de notre planète » renchérit Francesca Cava, membre de l’équipe de direction d’ARES et qui a été auparavant responsable de la commission sur le changement climatique de l’Arctique au sein de l’Institut Aspen, un réseau international d’échanges et de réflexion à but non lucratif et dont le but est « d’encourager l’ouverture sur le monde, la prise d’initiative et l’exercice des responsabilités au service du bien commun » et qui a été fondé en 1950 à Aspen dans le Colorado. Pour Francesca Cava, « le stockage d’énergie par ARES permet d’optimiser l’usage des énergies renouvelables, de diminuer notre dépendance envers les énergies fossiles, d’atteindre nos objectifs en matière de développement durable et finalement de réduire les impacts qui conduisent au changement climatique ».
Par Olivier Danielo
En savoir plus :
- ARES, the power of gravity : http://www.aresnorthamerica.com (avec vidéos explicatives)
- Diaporama ARES présenté en février 2013 : http://www.nwcouncil.org/energy/symposium/
- Electric Storage Association (comparatif de l’ensemble des solutions de stockage) : http://www.electricitystorage.org
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