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Décryptage

Le papier électronique arrive à maturité

Posté le par La rédaction dans Informatique et Numérique

[Interview] Hervé Bienvault - consultant indépendant

Annoncé depuis plusieurs années, l’usage massif du papier électronique semble cette fois en passe de devenir une réalité grâce à des technologies bien maîtrisées et des prix en baisse. Le point avec Hervé Bienvault, consultant indépendant.

Techniques de l’ingénieur : Quels sont les caractéristiques du papier électronique ?
Hervé Bienvault : Le papier électronique permet de se rapprocher de l’expérience de la lecture sur papier. Avec un fond de plus en plus blanc, il est surtout non rétro-éclairé, ce qui évite la fatigue visuelle dans la durée. Il va permettre de remplacer beaucoup de papiers qui nous entourent : PLV, affichettes, affichages urbains, journaux, livres… On passera bientôt du noir et blanc à la couleur.

Qu’est-ce qui freine son développement ?
Plusieurs entreprises ont mis en vente le papier électronique depuis 3 ou 4 ans, sans succès car il était trop cher. Les dispositifs A4 seront bientôt disponibles, pour un prix raisonnable. Ce sera décisif pour son développement. Aujourd’hui il faut compter 150 à 200 euros pour un lecteur de premier prix, 250 euros pour le Wi-Fi, 300 euros pour la 3G. Les prix vont baisser, probablement jusqu’à atteindre une fourchette située entre 100 et 200 euros d’ici à un an, voire moins. Le Kindle DX est presque un A4. Il coûtait 500 euros il y a un ou deux ans, il coûte moins de 300 euros aujourd’hui. Le reader peut être soit connecté à un ordinateur, ou au Wi-Fi ou à la 3G comme le Kindle. D’autres modèles vont sortir à l’automne, dont un produit par Orange. Samsung est en train de proposer des petits lecteurs sur lesquels on peut écrire. Mais avec des tarifs de l’ordre de 4 à 500 euros, le papier électronique entre en concurrence avec les tablettes électroniques.

Quelle est la différence entre papier électronique et eBook ?
Le terme eBook désigne le fichier et non le dispositif de lecture. Appelé reader en anglais, on le nomme liseuse, lecteur ou encore livrel en France.

Quelles sont les technologies existantes ?
La technologie eInk est développée par la société taïwanaise PVI, qui a déposé un brevet. Il s’agit de microbilles d’encre qui naviguent dans un support plastique (lire l’encadré). Contrairement à l’iPad, il n’est pas rétro-éclairé. Qualcomm a mis au point des écrans en couleur appelés Mirasol. Constitués de petits miroirs, ils utilisent le même phénomène que celui qui confère aux ailes des papillons leurs couleurs. Un autre acteur basé aux Pays-Bas, Liquavista, vient de présenter un prototype très intéressant [NDRL : avec la technique de l’électromouillage].  

Quelle est l’autonomie du papier électronique ?
Ces dispositifs consomment de l’énergie uniquement lorsque l’écran change de page. Ce sont des écrans bistables. L’autonomie atteint donc plusieurs semaines.

Comment se positionne la tablette par rapport au reader ?
Chacun offre des fonctionnalités propres. La tablette me semble surtout intéressante pour le Web. Le papier électronique s’avère pour l’instant assez décevant en termes de vidéo. Mais les technologies progressent, notamment sous l’impulsion de Fuji ou Epson et d’autres géants de l’électronique.

Pour l’édition, quelles seront les conséquences de la numérisation ?
Nous allons rencontrer le même problème que pour la musique. Les liseuses étaient jusqu’à présents réservés aux geeks, elles vont se démocratiser. Il faudra proposer des offres légales intéressantes, mais le piratage risque de toute façon de se développer. Le phénomène sera plus lent que pour la musique et il ne s’agit pas d’un remplacement. Le livre garde ses propriétés : conservation dans une bibliothèque, prix peu élevés, échanges, prêts, etc. C’est surtout le livre de poche qui risque d’être concurrencé.

Comment la France se situe-t-elle par rapport aux autres pays ?
Nous sommes en retard au niveau de l’offre. 50.000 titres sont disponibles, contre 4 à 500.000 eBooks en langue anglaise. Nous sommes en retard sur les prix, avec des différences de l’ordre de 15 à 20 % par rapport au papier, contre 40 à 50 % aux Etats-Unis. Nous sommes en retard sur le plan légal, notamment sur des sujets comme le prix ou la TVA. Enfin, nous n’avons pas d’entreprise moteur comme Amazon et les éditeurs sont lents à réagir. Cependant, certains acteurs français s’affirment. Nemoptic est bien positionnée en recherche. Bookeen est un des pionniers dans le domaine avec des lecteurs innovants, dont le Cybook Opus depuis un an.Propos recueillis par Corentine GasquetParcours Hervé Bienvault a découvert le papier électronique du Sony Librié fin 2004, et il a tout de suite eu le sentiment qu’une révolution dans le domaine de l’imprimé était en marche. Depuis il utilise un Iliad, un Sony reader et un Cybook Opus. Il lit le journal e-paper des Echos depuis juin 2007. Il a débuté sa carrière comme technicien de fabrication chez Albin Michel et Bordas, avant d’occuper différents postes de chef de fabrication de 1993 à 2002 (Albin Michel, Citadelles et Mazenod, Flammarion). Il a ensuite été directeur de fabrication chez Sogedif – Editis (2003 – 2006). Il a créé et développé Abicia Sarl, start-up édition numérique. Il est aujourd’hui consultant indépendant.Hervé Bienvault est intervenu lors d’une conférence du CFPJ Lab. En savoir plus : www.cfpj.com/cfpj-labL’encre et le papier électroniquesDéveloppé à partir de 1997 dans les laboratoires du MIT, le papier électronique est constitué de deux feuilles de plastiques transparentes avec de l’encre électronique comprise entre les deux. L’encre est composée de capsules remplies de microbilles noires chargés négativement ou blanches chargées positivement. Un champ électronique positif sur la surface de la feuille fait migrer les microbilles noires vers la surface, elles deviennent visibles. Et inversement pour les blanches. On peut également produire des effets de gris en faisant migrer simultanément les noires et les blanches. En savoir plus

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